Chronique d’une solidarité singulière aux Rosiers, quartier populaire de Marseille, en temps de pandémie
Rabha Attaf 15/05/2020 |
J’étais à mille lieues d’imaginer qu’un jour j’en viendrais à monter aux Rosiers un « plan colis » comme on monte un « plan stup » !
Dans cette cité du 14ème arrondissement de Marseille où le bouche-à-oreille va aussi vite que le son, dès qu’ils ont vent d’une distribution, des habitants se précipitent en grappes, juste par peur du manque et pas forcément par besoin. Alors, pour ne pas être submergée par une foule, j’ai posté des « guetteurs » qui récupèrent les personnes préalablement inscrites sur nos listes de demande d’aide. Ces dernières ont été contactées une à une par téléphone pour venir à un endroit qui change à chaque distribution. De là, un guide les amène au point de retrait qui reste secret.
Le 30 avril, pour la première fois depuis le début du confinement, j’ai donc réparti 43 colis alimentaires -récupérés à la plateforme solidaire du McDo de Saint-Bartélémy dont je remercie la formidable équipe- à des familles comoriennes sans-papiers, et le 6 mai, 33 colis à celles de demandeurs d’asile albanais. Idem le lendemain pour les demandeurs d’asile nigérians, et autres familles démunies inscrites jour après jour -108 au total- sans compter le plan couche et lait infantile -merci au Massalia Couches System qui nous a permis de dépanner des mamans entre deux lessives de couches en tissu.
Afin de soutenir les familles, rendues matériellement vulnérables par le confinement, nous avons en effet agi aux Rosiers, aux côtés de l’Association Solidarité et Familles des Rosiers, comme dans un camp de réfugiés vertical, avec des référents dans chaque communauté qui ont pris part à toutes les décisions. Ce sont eux qui ont constitué les listes de foyers à aider et ont assuré la répartition. Ce système nous a permis d’éviter les queues dégradantes aux pieds des immeubles où les habitants, rendus oisifs, guettaient le moindre événement depuis leurs fenêtres ou les entrées d’immeubles.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Dès la seconde semaine de confinement, j’ai été interpellée par l’Association Solidarité et Familles des Rosiers avec qui Confluences – l’ONG que je préside – a commencé à mettre en place, en partenariat avec Les Sémouraïs, une association écolo du sud de Marseille, un projet de réhabilitation des espaces verts de la cité basé sur la méthode japonaise Miyawaki (1). Les responsables de cette association d’habitants n’avaient pas apprécié que, fin mars, des fonds soient levés en leur nom, sans même qu’ils soient concertés. « Ils nous font passer pour des crève-la-faim qui ne nourrissent pas leurs enfants ! » m’avait confié Abou (le nom a été changé), l’un d’entre eux, blessé dans son amour-propre. Il me montrait le texte très alarmant et misérabiliste de la première « cagnotte pour les familles des Rosiers » mise en ligne précipitamment sur Leetchi avec une photo bien glauque de la cité Corot comme illustration. C’était tellement gros que je ne savais pas s’il fallait en rire ou en pleurer ; ou même si c’était une imposture car j’ai retrouvé la duplication de cette cagnotte sur un autre site mais signée d’un autre nom.
Le mal était fait. L’auteur de cette levée de fond était probablement bien intentionné, mais aussi assez futé pour grossir le trait afin de susciter l’émoi… et donc les dons. « J’ai peur que mes élèves ne meurent de faim avant la fin du confinement. J’ai peur de ne pas retrouver ma classe au complet quand je retournerai à l’école dans quelques semaines. J’ai peur que ma petite tribu de 7 ans ne soit décimée par la misère », concluait l’instit. L’enfer est certes pavé de bonnes intentions, mais toute personne, surtout quand elle se retrouve en situation de vulnérabilité matérielle ou psychologique, a droit au respect ! « A cause de cette cagnotte, on s’est fait traiter de parasites sur les réseaux sociaux », insistait Abou. « Ne t’en offusque pas », répondis-je, « ils ne sont pas conscients de ce qu’ils reproduisent ». Sans s’en rendre compte, Abou m’avait lancé un défi. Faire en sorte que les Rosiers soient auto-suffisants et ne dépendent pas de l’aide alimentaire extérieure. Mes interlocuteurs comoriens en ont fait une question d’honneur.
Nous avons donc décidé de nous appuyer sur l’entraide naturelle des familles et des voisins pour monter un système de solidarité interne à la cité, basé sur une charte de la dignité implicite. Donc pas question de faire des queues spectaculaires et potentiellement propagatrices du covid-19. La solidarité des pauvres n’a pas attendu le confinement pour exister. Il fallait juste la doper pour en faire un dispositif organisé et durable. Cette solidarité se résume à un mot : répartition (ouze3a en arabe), traduit communément par partage. Donc à nous de faire en sorte que personne n’ait faim aux Rosiers, que ce soient les familles comoriennes, majoritaires, où les exilés de tous horizons qui se sont réfugiés dans la cité depuis l’été dernier. Le regain de piété avant et durant le mois du Ramadhan allait nous y aider. Précision de taille : les habitants des Rosiers sont pour la plupart des primo-arrivants qui ont encore gardé les liens familiaux élargis, formant ainsi des petites communautés villageoises avec des chefs de clans. Le lien collectif y est encore fort et donc l’entraide spontanée.
Alors, après quelques coups de fil, nous avons commencé par déverser sur la cité -grâce aux dons de personnes privées qui préfèrent garder l’anonymat- 200 kg de cuisses de poulet, 400 kg de farine et 75 litres d’huile. Il fallait briser la sidération due à l’arrêt imposé de la vie sociale, en attendant que l’aide institutionnelle se mette en place. Parallèlement, nous avons levé des fonds pour remettre discrètement un pécule aux familles en difficulté et signalées par des voisins. Grâce à l’intervention du coordinateur de la copropriété, nous avons aussi obtenu d’un tiers des copropriétaires-bailleurs des Rosiers qu’ils arrêtent de percevoir le reliquat de loyers dû par leurs locataires respectifs -100 à 200€ par logement- ce qui représente une aide non négligeable. Mais à l’approche de fin avril, la demande d’aide a explosé -avant le virement des prestations sociales. En temps normal, les fins de mois sont difficiles pour la plupart des familles. Cette claustration imposée à eu pour effet de provoquer une peur du dénuement à cause de lendemains incertains -à ce propos, lire l’excellente étude « Qui se sent pauvre en France » (2).
Nous avons choisi de ne pas ouvrir de cagnotte en ligne pour ne pas être dépendants d’une manne tombée du ciel, et surtout pour briser le cercle vicieux de l’assistanat. Pour ce faire, nous avons activé nos réseaux familiaux et amicaux respectifs, ainsi que des commerçants et entrepreneurs ayant une proximité avec la cité. Sans oublier la cellule de Soutien des Comoriens covid-19 qui nous a régulièrement livré des paniers de fruits et légumes bio donnés par une maraîchère des Milles, ainsi que des plats sous vide préparés par un traiteur d’Allauch -ces barquettes ont été distribuées aux enfants roumains vivant dans des fourgons ou en squat, en complément des produits que leur remettait quelquefois la maraude de l’association Sara Logisol.
Notre objectif était de tenir le coup en attendant de passer le relais à l’aide institutionnelle. Celle-ci s’est finalement manifestée à travers un « Collectif des Rosiers » regroupant les enseignants du coin et leurs cagnottes, la « territoriale » de la Métropole, l’ADDAP13 mandatée par la préfecture, le Département et même Vendredi 13 (3). Ces intervenants n’ont commencé leur distribution de colis, augmentés de fruits et légumes livrés par la Métropole, que les 9 et 10 avril dans notre secteur, avec un point de distribution hebdomadaire au Centre Social Saint Gabriel et un autre à l’école Clair Soleil. Une semaine avant, j’avais vu un camion rouge de la Métropole distribuer à la volée et au tout venant des cagettes de légumes sur un boulevard, juste devant la Marine Bleue, provocant un attroupement qui annulait les mesures sanitaires recommandées.
Bien sûr, nous nous sommes réjouis que cette aide se mette enfin en route, même tardivement, et même si ce collectif n’a jamais « calculé » l’Association des habitants des Rosiers et le dispositif que nous avions mis en place, notamment concernant le ciblage des foyers les plus en difficulté. Enfin nous allions pouvoir souffler ! Mais le mode de sélection des « ayants droits » nous a laissés très dubitatifs. Ce collectif a constitué ses listes sans recensement approfondi sur le terrain. Il a fonctionné avec des listes fermées, visées par les assistantes sociales de la Maison Départementale de la Solidarité des Flamants. Seules 36 familles pointaient au Centre Social Saint Gabriel et 30 à Clair Soleil, principalement des parents d’élèves des enseignants. J’ai juste vu passer l’éducateur de l’ADDAP 13 qui livrait des colis et des chèques-service aux public cible pour lequel il avait été mandaté, à savoir les Roms installés dans les caravanes ou en squat, ainsi qu’une famille bosniaque et une autre syrienne en logement.
Résultat : les colis institutionnels n’ont jamais atteint une grande partie des familles les plus vulnérables des Rosiers, composées de sans-papiers comoriens, tunisiens ou algériens, ainsi que de demandeurs d’asile nigérians, maliens, albanais, bosniaques, serbes et croates, sachant que celles originaires des Balkans vivent en familles élargie – 8 à 12 personnes- dans un même logement. Je n’ai jamais compris pourquoi les divers pouvoirs publics n’ont pas mobilisé leurs agents pour faire un recensement en bonne et due forme. Il leur aurait suffi de s’appuyer sur l’association de locataires pour avoir des listes plus exhaustives. À moins que par habitude -ce qui est idiot en situation d’exception- la Métropole, le Département et la Mairie n’aient choisi de se reposer que sur les assistantes sociales, pourtant confinées, les enseignants et certains centre sociaux.
J’ai évidemment contacté le Centre Social Saint Gabriel et la « territoriale » de la Métropole pour signaler cette anomalie de taille. Même réponse des deux côtés : les moyens sont limités et il ne faut pas faire d’appel d’air – sous-entendu n’envoyer personne aux points de distribution officiels pour réclamer un colis. Un biais de pensée probablement dû à cette satanée suspicion à l’égard des pauvres et des étrangers. Des personnes réellement nécessiteuses, mais non inscrites sur les listes institutionnelles, m’ont signalé avoir été refoulées lors des distributions au Centre Social ou à Clair Soleil. À leur arrivée, on leur demandait si elles avaient un ticket -je suppose qu’il était remis préventivement aux « ayants droit » lors de la précédente distribution. À défaut, on leur remettait un numéro de téléphone du Secours populaire déjà débordé… et vogue la galère !
Heurtée par cette cruauté, j’ai transmis mes listes de laissés pour compte -que nous continuons de soutenir- à un enseignant de Clair Soleil. Ce dernier m’avait été signalé par l’éducateur d’Addap 13 à qui j’avais fait part de l’injustice constatée, et qui a provoqué des tensions aux Rosiers car certaines familles ne comprenaient pas pourquoi leurs voisins de même condition étaient privilégiés. J’ai alors constaté que certaines personnes figurant sur mes listes ont été appelées pour prendre livraison d’un colis durant la dernière semaine d’avril, et d’autres durant la première semaine de mai. Est-ce un hasard ? Dans le même temps le « Collectif des Rosiers » annonçait sur les réseaux sociaux avoir augmenté le nombre de ses colis distribués, être passé de 66 colis à 80 en fin de campagne. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Les Rosiers comptent 723 logements habités et plus de 3 600 âmes, dont un nombre important de foyers -environ 20%- se sont retrouvés en panne.
Finalement, le jeudi 6 mai, juste après le deuxième atelier « gestes barrières et mesures sanitaire » organisé avec Médecins Sans Frontière au cœur de la cité (4), je suis allée rencontrer les enseignants de Clair Soleil dont je n’ai jamais mis en doute la bonne volonté. Ils avaient déménagé leur point de distribution au gymnase du collège Marie-Laurencin. Ce jour-là, je portais la djellaba bleue qui me permettait d’être spontanément identifiée aux Rosiers. Une jeune institutrice m’a demandé si j’avais un ticket, ce qui a jeté un froid. L’équipe d’enseignants était affalée au sol, et trinquait adossée à un fourgon. Ils avaient l’air d’une bande d’animateurs qui fêtent la fin d’une colonie. Enfermés dans leur cocon, ils semblaient à mille lieues de l’univers dégradé des Rosiers où ils m’ont avoué n’avoir jamais mis les pieds. C’est vrai que l’insécurité qui règne dans cette cité est dissuasive.
Bien sûr, ma venue les a surpris et a perturbé leur apéro festif. Surtout quand je leur ai révélé que nombre de familles qu’ils ont aidées ont fait de la « récupération légitime », autrement dit profité de cette manne tombée du ciel à défaut de pouvoir revendiquer une répartition équitable de la richesse. Il faut être implanté aux Rosiers pour connaître l’ingéniosité que les pauvres déploient pour améliorer leurs conditions de vie, et même envoyer de l’argent à des parents restés à Mayotte ou aux Comores. Ce qui est humain vu l’exploitation et la ségrégation qu’ils subissent. J’ai moi-même fermé les yeux quand je reconnaissais des requérants de l’aide alimentaire qui pointaient aussi au Centre social ou à Clair Soleil…
Quoi qu’il en soit, les enseignants ont repris leur activité le 11 mai et n’ont prévu qu’une dernière distribution de colis le mercredi suivant. L’aide institutionnelle, qui a mis du temps à se débloquer, s’évaporera. Comme si la fin du confinement allait régler le problème des familles précaires devenues plus vulnérables -surtout les sans-papiers- et dont les membres vont mettre du temps à retrouver un travail même au noir, surtout ceux qui travaillaient dans les cuisines de restaurants comme bons à tout faire, sur les chantiers comme manœuvres, ou chez les grossistes de matériels BTP comme manutentionnaires. Heureusement pour eux, la solidarité de proximité, qui s’est manifestée naturellement avant même la mise en place des distributions officielles, va se poursuive. Entre pauvres, on a l’habitude de s’entraider ! Précision : une grande partie des familles en situation régulière ou de nationalité française sont des habituées de l’aide sociale et n’ont donc pas de souci à se faire. Les mesures annoncées par le gouvernement vont leur permettre de tenir en attendant les jours meilleurs. Mais les « sans-papiers » et déboutés du droit d’asile, utilisés sur le marché du travail comme variable d’ajustement des salaires vers le bas, vont continuer de galérer.
Bien sûr, cette période de confinement aux Rosiers a provoqué des tensions intercommunautaires à l’intérieur de la cité, notamment sur le parking du bâtiment A où des bagarres ont eu lieu. Durant les deux premières semaines, la cité s’était transformée en cour de miracles. Mais passé la sidération, tout est rentré dans l’ordre jusqu’au 30 avril quand, juste avant le coucher du soleil, des jeunes, armés de carabines, se sont mis à en pourchasser d’autres en tirant des coups de feu – j’en ai été témoin. Heureusement, personne n’a été blessé ou tué. Et les nombreux enfants de la cité qui, en temps normal, jouent sur l’aire de jeux, étaient bloqués chez eux sous l’œil protecteur de leurs mères.
Ce genre d’incident est épisodique aux Rosiers et alimente toutes les rumeurs concernant les « guerres de territoires » liées au trafic de drogue. Il faut s’en alarmer car la banalisation de la violence se répercute sur les enfants qui ne sont plus encadrés depuis la fermeture, en 2014, du Centre social des Rosiers. Dans cette cité comme dans d’autres quartiers populaires de Marseille, la défection des pouvoirs publics -qui se manifestent épisodiquement que par des descentes de police- relève de la non-assistance à jeunesse en danger. Cette scène m’a fait penser à La Cité de Dieu, ce film tourné dans une favela brésilienne ou les « microbes » finissent par prendre la place de leurs aînés, après un vrai carnage. En fait, depuis une semaine, de grands ados juchés par deux sur trois scooters sillonnaient la cité, carabines neuves en mains.
Cependant, ce qui m’a le plus choquée c’est de constater que l’aide alimentaire était devenue, au fil du temps, un enjeu politique. Le Centre Social Saint Gabriel, et le réseau des assistantes sociales de la Maison Départementale de la Solidarité des Flamants, sont des relais clientélistes de la gauche traditionnelle dans mon secteur. Quant aux rabatteurs de votes pour Martine Vassal -présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la Métropole- l’un d’entre eux a d’ores et déjà contacté un responsable de l’association des Rosiers en vue des élections municipales où elle se présente comme candidate du parti Les Républicains. Mais, compte tenu du mépris avec lequel les institutions et leurs relais de contrôle social l’ont traité en ignorant ses demandes, cet « agent » a prêché dans le désert. L’auto-organisation des Rosiers a démontré à tous les participants qu’ils peuvent désormais prendre le chemin de leur émancipation. Ce sera certainement long, mais avec Confluences et d’autres associations partenaires, nous continuerons à accompagner les habitants des Rosiers en mettant à leur disposition l’expertise, les outils et les réseaux dont nous disposons. Notamment pour la réalisation de projets directement issus de cette expérience de solidarité singulière.
Notes
(1) Le docteur Akira Miyawaki, né len 1928 à Takahashi, est un botaniste japonais expert en écologie végétale, spécialiste des graines et de l’étude de la naturalité des forêts. Après avoir étudié dans trois universités japonaises et en Allemagne, il a été pionnier en Asie en matière d’écologie rétrospective appliquée à la restauration des forêts. Il est un spécialiste mondial réputé de la restauration d’une végétation naturelle sur sols dégradés, industriels, urbains ou péri-urbains.
(2) Revue française de sociologie, Les Presses de Science po, 2018/4 Vol. 59.
(3) Quand j’ai eu vent du projet de Vendredi 13 -une association caritative qui agit dans la rue auprès des SDF- d’organiser à partir du 27 avril des distributions de plateaux repas SODEXO non halal aux Rosiers, nous l’avons stoppé net pour éviter une humiliation aux habitants majoritairement musulmans, et qui ont commencé le jeûne du Ramadhan le 24 avril dernier. Le bon sens aurait voulu qu’avant de se lancer dans un projet hors sol de distribution de plateaux repas pour les familles des Rosiers, le président de V13 contacte leurs représentants car les cités de Marseille ne sont pas un désert. Ces derniers lui auraient gentiment expliqué que les familles comoriennes ou autres ont des habitudes culinaires culturelles, et que leur balancer le plateau Sodexo pour remplacer la cantine, c’est de l’irrespect. La mairie de Marseille aurait mieux fait de verser une allocation compensatoire aux familles -même sous forme de chèques-service- dont les enfants mangeaient à la cantine en se basant sur le quotient familial. Encore ce foutu préjugé sur les pauvres !
(4) Avec Médecins Sans Frontières, nous avons organisé des ateliers “gestes barrière et mesures sanitaires” en plein cœur des Rosiers, sur l’aire de jeux des enfants où nous tenons nos réunions en plein air et en tenant nos distances. Le 1er mai, les responsables de la communauté comorienne et mahoraise étaient au rendez-vous. Le 6 mai, c’était au tour des Albanais qui n’ont toujours pas l’air de réaliser que le covid-19 peut les toucher. « Mes compatriotes croient que cette histoire de maladie est une manœuvre politique », m’expliquait D., un jeune de 19 ans, fils d’un réfugié politique. Mais durant l’atelier, un père de famille a fini par parler de son mal de dos et de sa difficulté à respirer parfois, ainsi que de son hypertension. Après une discussion, la toubib de MSF l’informa qu’il devait aller se faire dépister au centre médical de Malpassé, et que si le test se révélait positif, il devrait rester dans sa chambre… Éclats de rires de l’assemblée : cette famille vit à 10 dans un trois pièces. Le père de famille s’en est allé comme il est venu : débonnaire et avec une cigarette au bec. Aux Rosiers, jusqu’à présent, nous n’avons déploré aucun décès lié au covid-19.
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