La NED frappe à nouveau : comment l’argent des néoconservateurs de Washington finance les protestations de Hong Kong
Mnar Muhawesh 12/09/2019 |
L’Occident a plus à voir avec le mouvement de protestation de Hong Kong qu’il ne voudrait nous le faire savoir. C’est le visage hideux de la politique étrangère de longue date de Washington qui vise à déstabiliser l’un de ses ennemis économiques : la Chine.
Tradotto da Fausto Giudice
L’été a été agité à Hong Kong, et la presse occidentale grand public n’a cessé de couvrir ce qu’elle a décrit comme un “mouvement pro-démocratie luttant pour la liberté” contre le gouvernement chinois répressif.
Depuis mars, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue chaque semaine, affrontant la police et les forces de sécurité, dans une escalade du combat pour le contrôle de l’avenir de Hong Kong.
Les protestations ont éclaté au sujet d’un amendement proposé à un traité d’extradition entre Hong Kong, Macao, la Chine et Taiwan.
Les Hongkongais craignaient que le nouveau traité ne permette au gouvernement chinois d’arrêter et d’emprisonner des dissidents ou toute personne de Hong Kong que le gouvernement considère comme une menace, mettant ainsi fin à la liberté d’expression. Hong Kong a été un refuge pour de nombreux dissidents et personnalités politiques anti-Beijing et beaucoup ont estimé que la loi proposée diluerait l’indépendance déjà limitée de la ville insulaire.
Pas plus tard que cette semaine, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a retiré le projet de loi sur l’extradition qui avait été à l’origine des protestations. Mais il semble maintenant que les manifestants ne faisaient que commencer.
Et si vous avez suivi la couverture des grands médias, il semble que les médias aussi ne font que commencer.
Il s’agit des mêmes médias qui sont restés silencieux sur les centaines de milliers de manifestants non-violents en gilets jaunes en France, qui manifestent contre la corruption, les inégalités et le néolibéralisme depuis presque un an. Ces mêmes médias se sont précipités pour couvrir et même applaudir les manifestations à Hong Kong.
En effet, une grande partie de la protestation semble s’adresser à un public occidental.
Les manifestants appellent ouvertement les USA à intervenir et à libérer Hong Kong alors qu’ils agitent les étoiles et les rayures du drapeau US. Pendant ce temps, d’autres sont entrés par effraction dans l’assemblée législative de l’État de Hong Kong et ont accroché le drapeau colonial du Royaume-Uni – une référence à l’époque antérieure à 1997 où les Britanniques contrôlaient directement l’île comme colonie.
Ce qui est peut-être plus bizarre, c’est qu’on a vu des manifestants agiter les drapeaux de Pepe the Frog (Jojo la Grenouille), un symbole de l’Alt-Right [Droite alternative, extrême-droite US].
Ce message va droit au cœur des faucons changeurs de régime usaméricains, recevant les bénédictions de nul autre que Marco Rubio, John Bolton, Mike Pence, Mike Pompeo et même du président Donald Trump – les mêmes avatars bellicistes sanguinaires du gouvernement actuel qui ont ouvertement déstabilisé le Venezuela en déversant des millions pour soutenir une insurrection d’extrême droite.
Et ce qui se passe déjà à Hong Kong semble trop familier, ce qui soulève la question : Washington a-t-il une influence directe ou indirecte sur le mouvement de protestation à Hong Kong ?
En y regardant de plus près, nous obtenons une réponse claire : l’Occident a plus à voir avec ce mouvement qu’il ne voudrait que nous le sachions. C’est le visage hideux de la politique étrangère de longue date de Washington qui vise à déstabiliser l’un de ses ennemis économiques : la Chine.
Fini le temps où la CIA renversait directement des gouvernements étrangers qu’elle n’aimait pas, comme ceux de l’Iran en 1953 ou du Brésil en 1964 [sans oublier, entre tant d’autres, le Guatemala en 1954 et le Chili en 1973, NdT].
Aujourd’hui, le changement de régime est réalisé par le biais d’organisations de façade comme la National Endowment for Democracy, ou NED [Fondation nationale pour la démocratie, créée par Ronald Reagan en 1983, NdT], qui influence la pensée et la culture par des moyens secrets.
Washington utilise la NED comme un outil de ” soft power ” pour influencer et interférer dans la politique et la société des pays étrangers afin de créer des gouvernements favorables aux intérêts des grandes entreprises. La NED le fait sous couvert d’être un organisme caritatif de promotion de la démocratie et des droits humainse.
L’idée est de créer une organisation tierce tampon pour éloigner le gouvernement usaméricain du financement des partis et groupes politiques et de l’organisation d’ opérations de changement de régime.
La NED a été fondée en 1983, à la suite d’une série de scandales qui ont révélé les actions secrètes et sanglantes de la CIA contre des gouvernements étrangers qui ont résisté aux brimades économiques et politiques usaméricaines.
En 1986, le président de la NED, Carl Gershman, déclarait au New York Times : « Il serait terrible pour des groupes démocratiques du monde entier d’être considérés comme subventionnés par la CIA. Nous l’avons vu dans les années 60, et c’est pourquoi on a abandonné ça ».
L’un des fondateurs de la NED, Allen Weinstein, a été plus brutal. Il a dit au Washington Post : « Une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui a été fait secrètement il y a 25 ans par la CIA ».
Ces dernières années, la NED a formé, soutenu et financé des manifestations et des opérations de changement de régime au Venezuela, en Ukraine et au Nicaragua, conçues comme des soulèvements populaires.
Ce n’est pas surprenant quand on sait que le conseil d’administration de la NED comprend deux tristement célèbres criminels de guerre : Elliott Abrams, qui a aidé à canaliser des armes et des fonds vers des contras de droite au Nicaragua qui terrorisaient les civils par la torture, le viol et le meurtre, a ensuite tenté de couvrir ces crimes de guerre ; et Victoria Nuland, qui a dirigé la politique usaméricaine en Ukraine pour financer et armer une insurrection de droite qui a provoqué le renversement du gouvernement démocratiquement élu – une insurrection qui a commis des crimes de guerre contre des civils.
La déstabilisation de la Chine fait partie de cette mission mondiale.
Avant que les protestations de Hong Kong n’éclatent, le président de la NED, Gershman, a qualifié la Chine de « régime despotique résurgent [sic] qui resserre la répression interne et étend son pouvoir au niveau mondial », affirmant que “la démocratie est menacée” et que nous devons “accourir à sa défense”.
Depuis 2014, l’année des protestations des parapluies de Hong Kong, la NED a (officiellement) versé plus de 29 millions de dollars dans la ville insulaire ou sur la Chine continentale afin d'”identifier de nouvelles voies pour la démocratie et la réforme politique”. Ceci d’après le site ouèbe de la NED.
Mais comme l’organisation a déjà formellement identifié le gouvernement chinois comme despotique et une menace pour la démocratie, cela signifie que l’argent soutient, de facto, des groupes voulant miner ce gouvernement. Et comme l’a rapporté MintPress, une grande partie de l’argent est allée aux groupes mêmes qui ont organisé les dernières manifestations.
L’homme décrit dans les médias comme le “visage des manifestations de Hong Kong” est Joshua Wong, un jeune militant qui a attiré l’attention lors des manifestations de la Révolution des parapluies de 2014 contre le gouvernement chinois.
Wong est presque universellement décrit dans les médias commerciaux comme un “leader pro-démocratie” ou un “militant de la liberté”. Mais si Wong aime tant la démocratie, pourquoi rencontre-t-il continuellement le sénateur de Floride Marco Rubio, l’un des principaux architectes du changement de régime contre les pays d’Amérique latine ? Et pourquoi le parti politique qu’il a fondé entretient-il une relation aussi étroite avec la NED ?
Un autre leader du mouvement est le magnat des médias Jimmy Lai, que le New York Times et le Wall Street Journal appellent “le Rupert Murdoch d’Asie”. Passionné et ami proche de l’économiste libertaire usaméricain Milton Friedman, Lai a financé la révolution des parapluies de 2014 et s’est servi de son empire médiatique pour faire passer un message fort contre la Chine, encourageant une xénophobie inquiétante.
Le journal Apple Daily de Lai décrivait le peuple chinois du continent comme une invasion de criquets pèlerins infectant Hong Kong.
M. Lai a rencontré de hauts responsables de la Maison-Blanche, dont le célèbre belliciste et conspirateur John Bolton, qui a organisé des tentatives de changement de régime au Venezuela, fait pression pour une guerre nucléaire avec l’Iran et a été qualifié d'”architecte en chef de la guerre en Irak”.
Pendant ce temps, la diplomate usaméricaine Julie Eadeh a récemment été photographiée lors d’une réunion avec d’autres dirigeants des manifestations de Hong Kong.
Imaginez une seconde qu’ un diplomate ou un politicien russe ou iranien aurait été vu en train de rencontrer les manifestants de Standing Rock ou d’Occupy Wall Street ! La crédibilité du mouvement aurait été ébranlée et ça aurait fait les unes mondiales.
Mais contrairement à Standing Rock ou à Occupy Wall Street, les manifestants de Hong Kong ont eu recours à des tactiques violentes où ils sont filmés attaquant et séquestrant des journalistes et du personnel médical. Ils ont même tenté intentionnellement d’inciter les services de sécurité à réagir par la violence – bien que personne parmi les manifestants n’ait été tué – en lançant des cocktails Molotov, en fermant les rues et en attaquant les automobilistes, dans ce que le New York Times qualifie de “non-violence agressive”.
Tout cela rappelle fortement les tactiques utilisées par d’autres groupes de protestation soutenus par la NED au Venezuela, en Ukraine et au Nicaragua.
Il est difficile de ne pas appuyer les gens qui adoptent l’activisme et descendent dans la rue pour affirmer ou protéger les droits démocratiques – en fait, c’est une source d’inspiration. Il est encore plus difficile de ne pas soutenir les protestations lorsque la cible est une nation puissante avec un penchant antidémocratique traditionnel.
En effet, ce point de vue et l’auréole accordée par les médias commerciaux ont amené beaucoup de gens aux USA à se demander pourquoi les gens d’ici, outrés par la dépravation et le comportement autoritaire de Donald Trump et de son régime, n’ont pas imité les manifestants de Hong Kong et sont descendus dans les rues de l’USAmérique.
C’est là le danger d’une vision réductionniste et simpliste des médias. La situation à Hong Kong est loin d’être noir sur blanc et pas vraiment celle de David et Goliath.
Comme dans d’autres affrontements mondiaux indirects – que ce soit au Venezuela, en Libye, en Ukraine, en Syrie ou dans n’importe quel pays qui ne se soumet pas aux intérêts économiques occidentaux – il y a des forces puissantes derrière les lignes, des programmes géopolitiques en jeu, beaucoup de pions involontaires et des médias capitalistes très manipulateurs qui feront tout leur possible pour faire vibrer la corde sensible afin de vous faire adopter cette “intervention humanitaire” qui pourrait amener tout pacifiste à finir par soutenir un plan de guerre.
Avant que cela n’arrive aux meilleurs d’entre nous, nous devons nous demander : peut-on vraiment faire confiance à des gens comme Joshua Wong et Jimmy Lai pour mener un soulèvement démocratique ?
Des milliers de résidents de Hong Kong, dont beaucoup sont motivés par de véritables griefs, sont dirigés par des acteurs ayant leurs propres programmes et affiliations, des acteurs qui sont étroitement liés à des gouvernements étrangers et à des services de renseignement.
Cette réalité justifie, à tout le moins, une analyse minutieuse, une mise en garde contre les jugements hâtifs, et plus qu’un grain de sel.