Noam Chomsky : Trump sert les puissances de l’argent et consolide l’extrême droite dans le monde entier
C. J. Polychroniou Χ.Ι. Πολυχρονίου 24/07/2019 |
Noam Chomsky qualifie la politique étrangère de Trump de farce mortelle qui consolide l’alliance mondiale des dirigeants de droite.
Tradotto da Sayed Hasan
Il n’est pas facile de comprendre la politique étrangère usaméricaine actuelle. Trump est incroyablement imprévisible et manque de tout semblant d’une vision cohérente des affaires du monde, semblant croire que tout ce qu’il faut pour transformer les « ennemis » en amis, , c’est avoir « le sens des affaires ». Entre-temps, depuis l’arrivée au pouvoir de Trump, la fin de l’hégémonie usaméricaine est en vue.
Dans cette interview exclusive de Truthout, l’intellectuel renommé Noam Chomsky – l’un des critiques les plus avisés au monde en ce qui concerne la politique étrangère des USA depuis 1945 – apporte un éclairage d’une importance considérable sur l’état actuel de la politique étrangère US, y compris les relations de Trump avec les dirigeants de la Corée du Nord, de la Russie et la Chine, ainsi que son soi-disant « Plan de paix pour le Moyen-Orient ».
C.J. Polychroniou: Noam, en 2016, Trump a qualifié la politique étrangère US de « désastre complet », affirmant que les administrations précédentes de l’après-guerre froide étaient guidées par des attentes irréalistes qui portaient atteinte aux intérêts nationaux des USA. Depuis son entrée en fonction, les USA se sont retirés d’une série d’accords internationaux, exigeant que les pays paient pour la protection de Washington, et cherchant à faire avancer les intérêts économiques des USA par la mise en place de droits de douane et d’un protectionnisme. Ces changements ont amené de nombreux analystes à parler d’une nouvelle ère dans les relations entre les USA et le monde. Quelle est votre vision de la politique étrangère de Trump ?
Noam Chomsky : L’un des commentaires les plus pertinents que j’ai lus sur la politique étrangère de Trump a été publié dans un article de The New Republic écrit par David Roth, rédacteur en chef d’un blog sportif : « Le spectacle d’analystes, d’experts et de façonneurs d’opinion scrutant les actions d’un homme dénué d’expertise et de capacité d’analyse est la satire acide la plus pure – mais moins à cause de l’échec de cette analyse que de son sincère égarement… il n’y a rien ici à analyser, ni sens caché, ni élisions tactiques, ni lenteurs calculées d’une campagne stratégique. »
Ce propos semble généralement exact. Après tout, nous parlons d’un homme qui rejette les informations et les analyses de son système de renseignement massif, y substituant ce qui a été dit ce matin sur l’émission de TV matinale « Fox and Friends », où tous les intervenants lui disent à quel point ils l’aiment. Malgré tout le scepticisme qui règne quant à la qualité du travail de nos agences de renseignement, il s’agit d’une pure folie compte tenu des enjeux.
Et cela continue, de manière presque surréaliste. Lors de la récente conférence du G20, Trump a été interrogé sur la déclaration de Poutine selon laquelle le libéralisme occidental est devenu obsolète. Trump a supposé qu’en parlant de libéralisme occidental, Poutine devait faire référence à la Californie, celle-ci étant située à l’Ouest des USA. Poutine « peut avoir cette impression », a répondu Trump : « Il voit ce qui se passe. Et je suppose que si vous regardez ce qui se passe à Los Angeles, où la situation est déplorable ; et ce qui se passe à San Francisco et dans quelques autres villes dirigées par un groupe considérable de libéraux […]. »
On lui a demandé pourquoi les USA étaient les seuls à refuser de s’associer au G20 pour s’engager à lutter contre le réchauffement climatique, et il a réagi en faisant l’éloge de la qualité de l’air et de l’eau des USA, ne comprenant apparemment pas la différence entre les deux.
Il est difficile de trouver un commentaire sur la politique étrangère de Trump qui déroge à cette norme impressionnante de stupidité. Les efforts visant à détecter une stratégie globale cohérente semblent en effet être une sorte de satire acide.
Non pas qu’il n’y ait pas de politique cohérente. Il y a une politique qui émerge du chaos, celle que nous pourrions attendre d’un escroc égotiste qui n’a qu’un principe : Moi ! Il s’ensuit que tout traité ou accord conclu par ses prédécesseurs (en particulier le méprisé Obama) est le pire accord de l’histoire, qui sera remplacé par le Plus Grand Accord de l’Histoire, conclu par le Négociateur le Plus Accompli de tous les temps et Plus Grand Président américain de l’Histoire. De même, toute autre action menée par le passé était erronée et préjudiciable à l’Amérique, mais sera corrigée par le « génie stable » maintenant chargé de défendre l’Amérique de ceux qui la dupent et l’assaillent de toutes parts.
Peu importent les conséquences – qu’elles soient horribles, acceptables, indifférentes – tant que cette image est préservée.