Son visage est devenu bleu, puis il est mort
french.palinfo 21/Mars/2019 |
Rami Dababish tentait d’aider le blessé quand il se retrouve devant un épais nuage de gaz lacrymogène. Ressentant les effets asphyxiants du gaz, il recule et s’accroupit au sol. Alors il s’aperçoit qu’il y a un adolescent à côté de lui.
Dababish, qui est médecin de campagne, dit alors au garçon de ne pas s’aventurer plus loin. Mais ses conseils n’y changent rien. Et peu après, Dababish voit le garçon tomber au sol.
En me précipitant vers le garçon « J’ai vu que du sang coulait de sa nuque » dit Dababish. « J’ai essayé d’enrayer le saignement en mettant de la gaze sur la blessure et en la pressant. Puis son visage est devenu bleu. C’était seulement quelques minutes avant qu’il ne meurt ».
Ce meurtre a eu lieu le 8 février lors de la Grande Marche du Retour, la manifestation hebdomadaire à Gaza qui exige que les réfugiés palestiniens soient autorisés à revenir dans les villes et villages d’où les forces sionistes les ont chassés en 1948. La victime s’appelait Hamza Ishtaiwi. Il avait 17 ans.
« Hamza ne tenait aucune arme ni aucune pierre » dit Dababish. « C’était un manifestant pacifique – comme les autres jeunes et enfants qui manifestent chaque vendredi pour leur droit au retour ».
Hamza avait prévu de quitter Gaza. Une semaine auparavant, il en avait parlé à sa tante Bothaina Ishtaiwi qui travaille comme journaliste en Turquie. Hamza avait demandé à Bothaina de l’aider à parvenir en Turquie pour qu’il puisse y étudier.
« Si j’avais su qu’il était sur le point d’être tué, j’aurais accédé à sa demande », dit Bothaina par téléphone.
L’organisation Défense des enfants International/Palestine a déclaré que Hamza se trouvait à environ 200 mètres de la clôture qui sépare Gaza d’Israël quand il a été atteint par une balle réelle.
« Je ne m’attendais pas à ce que Hamza soit blessé ou tué » dit Muhammad Ishtaiwi, le père du garçon. « Il se tenait toujours éloigné de la clôture frontalière (durant les manifestations hebdomadaires) et il ne tenait aucune arme d’aucune sorte ».
« Notre petit homme »
La famille Ishtaiwi veut une enquête internationale sur le meurtre de Hamza par un sniper israélien.
Dans une lettre à Rashida Tlaib, membre du Congrès des États-Unis, la famille affirme que Hamza a été tué « de sang-froid » et qu’Israël a pratiqué des « tirs excessifs » contre bien d’autres participants lors des Grandes Marches du Retour depuis qu’elles ont commencé l’an dernier.
Hasan Shalabi, âgé de 13 ans, a lui aussi été tué ce 8 février. Il manifeste à proximité de Khan Younis à Gaza quand il est touché à la poitrine par un tireur embusqué israélien.
La famille Shalabi, qui vit dans le camp de réfugiés de Nuseirat, a connu de nombreuses épreuves dans cette dernière période. Le père de Hasan, Iyad, est fonctionnaire. Il y a environ 18 mois, son salaire a été considérablement réduit par l’Autorité palestinienne.
Hasan a recherché du travail pour essayer de pallier la baisse de revenu de son père. C’était un footballeur de talent. Pourtant, une fois s’être mis à travailler, il n’a que rarement retrouvé ses amis pour des matchs de football après ses cours quotidiens.
« Hasan allait travailler dans une boulangerie après l’école ; il travaillait jusqu’à minuit pour trois dollars par jour afin de nous aider » dit sa mère Fatma, nièce d’un important représentant du Hamas, Ismail Haniyeh. « Je n’ai jamais ressenti Hasan comme un enfant. C’était notre petit homme. Il portait un sentiment de responsabilités envers sa famille. Je ne sais absolument pas pourquoi Israël l’a tué. C’était un pilier de cette maison ».
Hasan avait un frère et cinq sœurs. Il n’a jamais connu Jouri, qui aurait été sa sixième sœur. Elle est née 20 jours après qu’il a été tué.
« Comme une fusée »
Hasan Nofal, 16 ans, est une autre victime de la violence de l’État israélien ce même 8 février.
Ce jour-là, Hasan rejoint la Grande Marche du Retour, près d’al-Bureij, avec son ami Nael Muharib.
Après s’être acheté des cannettes de Coca-Cola, les deux garçons s’approchent de la clôture entre Gaza et Israël.
« Je tenais la cannette de Hasan » dit Nael. « J’étais sur le point de la lui donner quand soudain, j’ai vu quelque chose de petit venir sur nous, comme une fusée. Cela a atteint Hassan à la tête, et il a perdu conscience ».
Cet objet volant, c’est une bombe lacrymogène.
Hasan est conduit d’urgence à l’hôpital. Il reste quatre jours en soins intensifs avant de mourir de ses blessures. La bombe lacrymogène lui avait fracturé le crâne et avait causé de graves lésions cérébrales.
C’est loin d’être la première fois qu’une bombe lacrymogène s’avère être une arme meurtrière. Au moins cinq enfants palestiniens sont morts depuis le début de 2018 après avoir été frappés avec de tels engins.
Israël a continué de lancer des gaz lacrymogènes en grande quantité depuis la mort de Hasan.
Le 15 février, Ahmad Abu Rashed, 13 ans, est touché à la tête par un projectile de gaz lacrymogène près du camp de réfugiés de Jabaliya.
Ahmad, qui est un passionné des arts martiaux, a l’habitude d’exécuter des mouvements de karaté devant la foule rassemblée lors des manifestations du vendredi. C’est alors qu’il est en train de réaliser une telle performance qu’il est blessé.
Accompagné d’autres membres de sa famille, Ahmad se trouve à environ 500 mètres de la clôture frontalière, d’après son père Suleiman.
« Nous buvions du thé et Ahmad pratiquait son karaté », dit Suleiman. « Le ciblage d’Ahmad a été direct et intentionnel ».
Malgré sa fracture du crâne, Ahmad réussit à survivre.
Ahmad a juré de continuer à manifester contre les injustices infligées à son peuple. « Une fois que j’aurai récupéré, je retournerai et je participerai à la Grande Marche du Retour » dit-il. « Et je recommencerai à exécuter du karaté ».
Sarah Algherbawi est une écrivaine et traductrice indépendante de Gaza.
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada