Exit le tabou des règles, vive les règles !
Par Valérie
de Saint-Pierre, Le Figaro, Le 25 juin 2018
Ça devait
arriver. Puisque la moitié de l’humanité est concernée par les «joies» du cycle
féminin, la pub n’y va plus par quatre chemins. Sans tabous ni complexes,
marques, blogs, livres… trouvent enfin les mots pour le dire. On passe au rouge
!
Sans tabous ni complexes, marques, blogs, livres… trouvent enfin les mots pour parler de nos règles ! iStock |
Pour les
jeunes filles, surtout celles qui achètent des petites culottes roses Periods
are Cool chez Monki - l’enseigne de fast fashion suédoise au manifeste du même
nom-, l’affaire a dû sembler anodine. Pour leurs grands-mères, voire leurs
mères, soumises à ce que l’essayiste Camille
Emmanuelle appelait en 2017 le «marketing de
la honte» dans Sang tabou (la Musardine), c’est une tout autre
histoire. Souvent contraintes depuis toujours à des périphrases absurdes -
avoir «ses trucs», vraiment ? Ses «ragnagnas», franchement ? «Tante Berthe est
là», «Les Anglais débarquent»… -, pour elles, annoncer franchement la couleur
est une avancée considérable !
Révolution
sanglante et pacifiste
Les
règles auraient donc changé ? Cette pub gentiment provoc est l’aboutissement
grand public d’une longue lutte
féministe. Comme le dit tout net auteur du passionnant Ceci est mon
sang (La Découverte), paru en 2017, oser parler des règles, «c’est la première
révolution au monde à être à la fois sanglante et pacifiste»… Les actions
visibles n’ont en effet pas manqué ces dernières années. En 2015, l’activiste Kiran Gandhi
courait le marathon de Londres, le short ostensiblement ensanglanté… Son but ?
Sensibiliser au sort de toutes celles qui, dans le monde, vivent leurs règles
dans un inconfort misérable.
C’est la "Period Positivity" tout à fait décomplexée
Aux
États-Unis, la très sérieuse association Period, à la tête du Menstrual
Movement se bat depuis 2014 pour que toutes parviennent à une parole libre sur
la question. Son tee-shirt maculé de rouge se repère de loin. Son compère le site Period ! recense, lui, absolument
TOUT - art, culture, figures-clés, actions, questions psycho-médicales…- ce qui
peut avoir trait aux règles. Son e-shop, avec ses «adorables» petits pin’s
culottes tâchées, ses BD relatant les aventures de Bob Le Tampon et ses
coussins Utérus, témoigne d’un humour ravageur, révélateur d’une attitude générationnelle.
C’est la Period
Positivity tout à fait décomplexée. Voire franchement conquérante ! Le clip de
rap (jeu de mots sur flux) des trois Australiennes de Skit Box est un grand
moment de connivence, devenu viral depuis 2016. L’ONG anglaise Water Aid, déjà active sur
le sujet de l’accès à des toilettes décentes, invite aussi toutes celles qui le
souhaitent à relayer le hashtag #periodproud et à participer, sur son site, à
sa «menstrual conversation», vaste groupe de soutien digital ultra fréquenté.
On y apprend au passage que les règles
ont désormais leur journée mondiale, le 28 mai… La date est certes
moins relayée que celle de la Fête des mères mais c’est un début.
Pubs
insolentes et packaging pop
En
France, évidemment, on est un peu moins exubérantes. On croise encore peu de
filles proclamant «Lâchez-moi, je suis en plein syndrome prémenstruel !» sur
leur sweat. Mais les cups menstruelles ont fait leur coming out sur les
comptoirs des pharmacies ! De jeunes marques tricolores de tampons bios (comme My
Holy), engagées dans plus de sécurité, communiquent avec insolence, slogans
(«le tampon qui ne fuit pas ses responsabilités») et packagings pop à l’appui.
En
France, en dehors du plus douloureux sujet de l’endométriose,
on ne compte certes pas encore beaucoup de people engagés. Nous n’avons
toujours pas de Natalia Vodianova, animant Let’s Talk About Periods, ces
interviews passionnantes sur You Tube, à l’initiative de l’appli FLO (destinée
à la compréhension des cycles féminins) ! La blogueuse star Garance Doré,
s’est néanmoins livrée cet hiver dans le post My Dear Period, très commenté, à
un vrai cri d’amour ! C’est un signe. «Ne vous cachez pas à vous-même. Ne vous
cachez pas aux autres. C’est un nouveau jour que nous vivons… Un jour nouveau
où la féminité, ses rythmes et ses trésors seront enfin honorés par la
société», écrivait-elle avec lyrisme. On ne sait pas si ses amies de Los
Angeles lui offrent des Moon Cycle Bakeries, ces gâteaux ornés de fleurs
«commémoratifs» à la mode aux US ? Mais elles devraient…