Theresa May forcée de se séparer de son vice-premier ministre
Eric Albert 20.12.2017 |
Damian Green, aussi accusé de harcèlement sexuel, a démissionné après avoir admis avoir menti sur la découverte d’images pornographiques sur son ordinateur en 2008.
Theresa May est plus isolée que jamais. La première ministre britannique a été forcée, mercredi 20 décembre au soir, de demander la démission de Damian Green, l’un de ses plus proches alliés et un ami d’université. Celui qui occupait le poste de « premier ministre d’Etat », une sorte de vice-premier ministre, a été rattrapé par une vieille histoire de pornographie retrouvée sur son ordinateur professionnel il y a presque une décennie, ainsi que par une accusation de harcèlement sexuel.
La première affaire remonte à une enquête de police de 2008, alors que M. Green était un député d’opposition. Les autorités cherchaient à identifier l’origine de la fuite de documents confidentiels du ministère de l’intérieur et ont effectué une descente dans son bureau. Elles saisissent alors l’ordinateur professionnel de M. Green, dans lequel elles découvrent de la pornographie légale. L’affaire est restée confidentielle jusqu’au début de novembre, quand un ancien policier à la retraite l’a révélée, alors que le scandale mondial autour du producteur américain Harvey Weinstein battait son plein.
Dans le même temps, Kate Maltby, une journaliste de 31 ans – et la fille d’amis proches de M. Green – s’est plainte de harcèlement sexuel par M. Green. En 2015, celui-ci lui aurait touché le genou de façon très appuyée sous la table, après l’avoir invitée à boire un verre en tête à tête.
Mme May avait alors commandé un rapport officiel sur la conduite de son allié. Celui-ci, rendu public mercredi, conclut que M. Green a violé le code de conduite ministériel. Ce qui cause sa perte, c’est d’avoir menti. Il avait affirmé que la police ne l’avait jamais informé de ce qui avait été retrouvé dans son ordinateur, alors qu’il avait été mis au courant dès 2008. Quant à son acte déplacé sur Mme Maltby, il est jugé « plausible », même s’il est impossible de le vérifier de façon certaine.
Impopulaire, isolée, affaiblie
Face à ces conclusions, la première ministre britannique n’avait guère d’autre choix que de demander à M. Green de partir. Elle a, cependant, attendu le meilleur moment pour appuyer sur le bouton du siège éjectable. Mme May est renforcée à son poste maintenant qu’elle a obtenu un accord sur la première phase des négociations du Brexit. De plus, la trêve de Noël approche, et la dernière séance de questions au Parlement est passée.
Sa situation n’en reste pas moins très précaire. Depuis les élections législatives de juin, quand la première ministre a perdu la majorité absolue, son autorité est fortement réduite. Ses deux plus proches conseillers, Nick Timothy et Fiona Green, très controversés pour exercer un contrôle excessif autour d’elle, ont été forcés à la démission. Tout comme deux ministres : Michael Fallon, ministre de la défense, dans le cadre d’un scandale de harcèlement sexuel, et Priti Patel, ministre de l’aide internationale, pour avoir rencontré en privé le premier ministre israélien lors de ses « vacances », sans l’accord de Mme May. Impopulaire, isolée, affaiblie, surnommée « Morte-vivante » par George Osborne, l’ancien chancelier de l’Echiquier, la première ministre a pourtant de bonnes chances de continuer à « survivre ». Les conservateurs sont terrifiés à l’idée de provoquer une nouvelle élection législative, qui pourrait apporter la victoire des travaillistes et de leur leader, Jeremy Corbyn.
De plus, les Brexiters voient en elle leur meilleure chance de mener à bien la sortie de l’Union européenne, craignant qu’un éventuel successeur soit moins déterminé sur le sujet. Enfin, aucun autre leader naturel ne se profile chez les tories, minés par les divisions internes sur le Brexit et les querelles de clocher. Le spectacle de funambule offert par Mme May depuis des mois pourrait continuer encore longtemps.