L’armée birmane accusée d’abus constitutifs de crimes contre l’humanité envers les Rohingya
Le Monde 19/12/2017 |
L’ONG Human Rights Watch a documenté la destruction des localités de Tula Toli et Dual Toli, le 30 août 2017, au cours desquelles plus de 120 personnes ont été tuées. Meurtres, viols, persécutions et déportations forcées… Certains massacres commis dans des villages rohingya dans l’ouest de la Birmanie ont été clairement planifiés par l’armée birmane, aidée par les populations bouddhistes, affirme Human Rights Watch.
Dans un rapport s’appuyant sur des dizaines de témoignages de survivants et consacré à la destruction des 746 habitations des localités de Tula Toli et Dual Toli, le 30 août 2017, l’ONG montre comment les forces de sécurité ont piégé les musulmans rohingya sur les berges d’un fleuve pour ensuite tuer et violer hommes, femmes et enfants et incendier la petite ville.
« Le rapport fait la liste de nombreuses familles décimées (…) avec les noms de plus de 120 personnes tuées, mentionnés par ceux qui, le plus souvent, sont les seuls survivants au sein de ces familles. »
« Les atrocités de l’armée birmane à Tula Toli n’ont pas seulement été brutales, elles ont été systématiques. Les soldats ont tué et violé des centaines de Rohingya avec une efficacité particulièrement cruelle, qui n’a pu qu’être planifiée à l’avance », assure Brad Adams, directeur de Human Rights Watch Asie.
De nombreux villageois rapportent à Human Rights Watch que le chef de l’organisation locale, qui appartient à l’ethnie Rakhine (bouddhiste), leur avait conseillé de se rassembler sur la plage, prétendant qu’ils y seraient en sécurité. Les forces de sécurité ont ensuite encerclé la zone, tirant sur la foule rassemblée et ceux qui tentaient de fuir.
« Ils attrapaient les hommes et les forçaient à s’agenouiller, puis ils les tuaient. Ensuite ils empilaient leurs corps. D’abord ils les abattaient et s’ils étaient encore vivants, ils les achevaient à coups de machette », a témoigné Shawfika, 24 ans, dont le mari et le beau-père ont été tués sous ses yeux.
Hassina Begum, 20 ans, a tenté de dissimuler sa fille de 1 an, Sohaifa, sous son foulard, mais un soldat l’a aperçue. « Il a pris ma fille et l’a jetée vivante dans les flammes », a-t-elle raconté.
« L’ONU et les gouvernements étrangers doivent veiller à ce que les responsables de ces graves abus rendent compte de leurs actes », conclut Brad Adams.
Accusations de génocide
La semaine dernière, Médecins sans frontières a estimé qu’au moins 6 700 Rohingya avaient été tués entre la fin d’août et la fin de septembre. Les violences ont poussé environ 655 000 Rohingya à fuir au Bangladesh voisin. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a évoqué des éléments de « génocide ».
Jusqu’ici, l’armée birmane a toujours nié toutes les accusations de représailles contre les civils, assurant que seules 400 personnes avaient été tuées, parmi lesquelles « aucun innocent ». Les violences dans l’Etat Rakhine (ou Arakan) ont débuté par des attaques de postes de police par la rébellion rohingya de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), qui dénonce les mauvais traitements subis.