Les destructions de Tombouctou, un crime de guerre aux yeux de la CPI
par RFI Afrique
22 Août 2016
Un jihadiste malien comparaît devant les juges de la Cour pénale internationale (CPI). Ahmad Al Faqi Al Mahdi s’apprête à plaider coupable de crimes de guerre pour la destruction de plusieurs bâtiments à Tombouctou. Les faits remontent à 2012, lorsque la ville était tenue par les groupes terroristes Ansar Dine et al-Qaïda. Neuf mausolées emblématiques de cette ville, et la porte de la mosquée Sidi Yahya, avaient été détruits.
Avec notre envoyée spéciale à La Haye, Laura Martel
La porte d’une mosquée de la ville, neuf mausolées, des tombeaux de saints musulmans, c’est à dire des personnalités vertueuses de la ville dont la tombe a été surmontée d’une construction en terre cuite, notamment pour la protéger des pillages… Ce sont ces mausolées, dont les plus anciens datent du XIVe siècle, qui donnent à Tombouctou notamment son surnom de « cité aux 333 saints ».
Les personnalités de ces mausolées sont vénérées par la population, qui vient régulièrement prier devant les tombeaux pour solliciter un saint, par exemple pour qu’il pleuve, pour un mariage ou encore une récolte. Ces mausolées témoignent aussi du passé prestigieux de la ville. Lieu de pèlerinage, au centre de l’islam, Tombouctou est d’ailleurs classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988, ainsi que 16 de ses mausolées.
Contraire à l’idée que se faisaient Aqmi et Ansar Dine de l’islam
En tant que chef de brigade des mœurs, à partir d’avril 2012, Ahmad Al Faqi Al Mahdi devait définir ce qui relevait du vice ou de la vertu. Consulté par les chefs d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’Ansar Dine, il a estimé que les pratiques religieuses autour de ces mausolées étaient illégales en droit coranique, et a ensuite participé à toutes les phases de la destruction, de la planification à l’exécution. Par exemple, il a rédigé le serment le vendredi précédant l’attaque, et fourni les pioches.
Dans certains cas, il détruisait lui-même ces mausolées. La cour souligne donc qu’il s’agit d’un crime de guerre, puisque ces bâtiments n’étaient pas des objectifs militaires, et que c’est au contraire pour leur valeur religieuse traditionnelle, qui s’inscrit en fait dans un islam ouest-africain de rites malékites tolérants qui ne convenait pas à la vision des terroristes islamistes radicaux, qu’ils ont été détruits.