Italie : pays fermé, usines d’armement ouvertes
Mao Valpiana et Francesco Vignarca 29/03/2020 |
Gouvernement et virus. Il est évident pour tout le monde (sauf pour certains patrons et politiciens) que nous avons besoin de casques pour la respiration artificielle, et non de casques pour les pilotes de F-35. Nous avons besoin de lits en thérapie intensive, et non de postes de commandement dans les casernes.
Tradotto da Vanessa De Pizzol
La publication du décret de la présidence du Conseil relatif aux dernières restrictions (durcies) liées au coronavirus, en particulier pour les activités de production, a réservé une surprise que ceux qui œuvrent pour le désarmement n’ont pas appréciée. Entre les lignes des dispositions de lois approuvées, est en effet prévue la possibilité pour l’industrie de la défense de rester opérationnelle, quand la grande majorité des entreprises doit en revanche rester fermée.
L’industrie militaire semble vraiment intouchable, et le gouvernement Conte, considérer la production de systèmes d’armements parmi les activités stratégiques et indispensables. La réponse a été immédiate de la part de ceux qui (comme Sbilanciamoci, Rete Disarmo et Rete Pace) ont souligné le caractère insensé d’une mise en danger de la santé de milliers de travailleurs avec le risque d’une nouvelle diffusion de la contagion uniquement pour ne pas entamer les profits de l’industrie de l’armement.
Il est incompréhensible que le gouvernement n’ait pas le courage d’en ordonner l’arrêt, alors même que le président de la Région Vénétie, Luca Zaia (de la Lega) déclarait : « Il y a quelque temps encore, l’industrie de la guerre était considérée comme stratégique. Nous avons compris à présent qu’on s’en moque complètement, mieux vaut disposer d’une éprouvette, d’un respirateur ».
Les syndicats ont immédiatement réagi, provoquant plusieurs grèves spontanées jusque dans certaines entreprises de production militaire, faisant la preuve que, de plus en plus souvent, ce sont les travailleurs et les travailleuses qui, les premiers, ont une vision claire des choix qui devraient être les plus utiles pour le pays. Car de cette tragique situation d’urgence nous devons sortir avec des perspectives et des choix qui prennent leurs distances avec les logiques ayant déterminé la réduction des investissements de santé (passés de 7 % à 6,5% du PIB), la dépense militaire s’étant désormais hissée de manière stable à plus de 1,4%.
C’est d’une véritable alternative que nous avons besoin, qui ne peut être que non-violente (et donc de désarmement). Mais quel rapport entre la non-violence et l’urgence de santé publique liée au Covid-19 ? Il y a un rapport, bien entendu, car il s’agit d’un choix non seulement éthique mais aussi moral. La politique de la non-violence prend tout son sens aujourd’hui justement ; « autrement elle ne m’est d’aucune utilité », disait Gandhi, qui l’envisageait comme un instrument pour trouver du pain pour les crève-la-faim, comme aujourd’hui nous devons trouver des lits pour les malades.
C’est une non-violence qui n’a pas de racines anciennes. On pense à Raoul Follereau qui réclamait haut et fort « le coût d’un jour de guerre pour la paix » ou à Albert Schweitzer qui au début du XXème siècle avait déjà compris le lien étroit entre dépenses militaires et investissements dans la santé. Jusqu’à hier, ils avaient l’air de deux rêveurs dont la seule utilité est de finir en saints de paroisse, mais ils ont en revanche anticipé d’un siècle ce que, aujourd’hui, mis au pied du mur par l’évidence, même les gouvernants européens souverainistes sont obligés d’admettre : mieux vaut avoir un respirateur automatique en plus, et une bombe ou un missile en moins.
Il est évident pour tout le monde (sauf pour certains managers et politiques) que nous avons besoin de casques pour la respiration artificielle, et non de casques pour les pilotes de F-35. Nous avons besoin de lits en thérapie intensive, et non de postes de commandement dans les casernes. L’industrie de la guerre n’est pas un secteur essentiel et stratégique : cette situation peut être l’occasion d’un changement et d’une nécessaire reconversion (en premier lieu vers des productions pour la santé publique).
Pour la première fois peut-être, avec le nouveau monde né après le conflit mondial qui a défait le nazisme, et donné naissance à l’ONU, on se rend compte que même l’économie mondiale vient après la santé individuelle. C’est une révolution qui était impensable il y a encore quelques semaines. Et tout le monde comprend que pour garantir sa propre santé et celle de ses proches, enfants, petits-enfants, amis, il est absolument indispensable d’avoir un système de santé publique qui fonctionne. En Europe, bon an mal an, nous en avons encore un, avec ses qualités et ses défauts ; mais là où la santé est considérée comme une marchandise pure et simple, l’impact de la pandémie sera encore plus dévastateur.
C’est pour cette raison que l’engagement des réseaux et mouvements italiens pour la Paix et le Désarmement se fonde depuis longtemps sur la demande d’une réduction drastique des dépenses militaires, en faveur des dépenses sociales. Il s’agit de l’objectif principal de la campagne pour la « Défense civile, non armée et non-violente ». Lorsque nous disons : « une autre défense est possible », cela signifie qu’inverser la route est une chose nécessaire et à laquelle on ne peut déroger. Tant que nos institutions n’auront pas à disposition un choix possible d’action non armée et non-violente, le chantage de ceux qui réclament de l’argent pour les structures militaires et pour les armes sera facile.