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En applaudissant pendant des années les abus contre Assange, les journalistes lui ont pavé la voie vers le goulag yankee

Les audiences du tribunal britannique sur le dossier d’extradition de l’administration américaine contre Julian Assange commencent sérieusement le 7 septembre. La saga de dix ans qui nous a menés jusqu’ici devrait consterner tous ceux qui se soucient de nos libertés de plus en plus fragiles.

Tradotto da Viktor Dedaj
Un journaliste et éditeur est privé de sa liberté depuis dix ans. Selon les experts de l’ONU, il a été arbitrairement détenu et torturé pendant une grande partie de cette période en raison d’un intense confinement physique et d’une pression psychologique sans fin. Il a été mis sur écoute et espionné par la CIA pendant son séjour à l’asile politique, à l’ambassade de l’Équateur à Londres, d’une manière qui a violé ses droits les plus fondamentaux. Le juge qui supervise ses audiences est confronté à un grave conflit d’intérêts – sa famille étant intégrée dans les services de sécurité britanniques – qu’elle n’a pas déclaré et qui aurait dû l’obliger à se récuser de l’affaire.
Tout indique qu’Assange sera extradé vers les États-Unis pour y subir un procès devant un grand jury truqué, destiné à s’assurer qu’il passe ses jours dans une prison de sécurité maximale, où il purgera une peine pouvant aller jusqu’à 175 ans.
Rien de tout cela n’est arrivé dans une dictature du tiers-monde. Tout cela s’est passé sous notre nez, dans une grande capitale occidentale et dans un État qui prétend protéger les droits d’une presse libre. Cela s’est passé non pas en un clin d’œil, mais au ralenti – jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année.
Et une fois que nous avons mis à nu une campagne sophistiquée de diffamation contre Assange par des gouvernements occidentaux et des médias dociles, la seule justification de cette attaque implacable contre la liberté de la presse est qu’un homme de 49 ans a publié des documents exposant les crimes de guerre américains. C’est la raison – et la seule raison – pour laquelle les États-Unis demandent son extradition et pourquoi il croupit dans ce qui équivaut à un isolement dans la prison de haute sécurité de Belmarsh pendant la pandémie de Covid-19. Les appels de ses avocats pour obtenir une libération sous caution ont été rejetés.
Une tête sur une pique
Alors que la presse a abandonné Assange il y a dix ans, se faisant l’écho des discours officiels qui le clouaient au pilori pour l’hygiène des toilettes et le traitement infligé à son chat [Il convient de rappeler que 1) le personnel de l’ambassade nie un tel comportement et 2) après ces accusations, on a appris qu’Assange était filmé dans ses moindres faits et gestes et qu’il devrait donc exister des images pour les étayer… – NdT], Assange est aujourd’hui exactement là où il avait prévu qu’il serait si les gouvernements occidentaux obtenaient ce qu’ils voulaient. Ce qui l’attend, c’est une restitution aux Etats-Unis afin qu’il puisse être enfermé hors de vue pour le reste de sa vie.
Les États-Unis et le Royaume-Uni se sont fixé deux objectifs en persécutant, enfermant et torturant Assange de manière visible.
Tout d’abord, lui et Wikileaks, l’organisation pour la transparence qu’il a cofondée, devaient être mis hors d’état de nuire. S’engager avec Wikileaks devait être rendu trop risqué à envisager pour des lanceurs d’alerte potentiels. C’est pourquoi Chelsea Manning – le soldat américain qui a transmis des documents relatifs aux crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, pour lesquels Assange est maintenant menacé d’extradition – a également été soumise à un emprisonnement sévère. Elle a ensuite été condamnée à des amendes quotidiennes punitives pendant son incarcération pour la pousser à témoigner contre Assange.
L’objectif était de discréditer Wikileaks et d’autres organisations similaires et de les empêcher de publier des documents plus révélateurs – du genre de ceux qui montrent que les gouvernements occidentaux ne sont pas les “gentils” qui gèrent les affaires du monde dans l’intérêt de l’humanité, mais qu’ils sont en fait des brutes mondiales hautement militarisées qui appliquent les mêmes politiques coloniales impitoyables de guerre, de destruction et de pillage qu’elles ont toujours menées.
Et deuxièmement, il a fallu faire souffrir Assange horriblement et en public – pour en faire un exemple – pour dissuader d’autres journalistes d’envisager de suivre ses traces. Il est l’équivalent moderne d’une tête sur une pique exposée aux portes de la ville.
Le fait très évident – confirmé par la couverture médiatique de son affaire – est que cette stratégie, principalement avancée par les États-Unis et le Royaume-Uni (la Suède jouant un rôle moindre), a connu un succès foudroyant. La plupart des journalistes des médias commerciaux sont encore de connivence enthousiaste dans la diffamation d’Assange – principalement à ce stade en ignorant sa terrible situation.
L’histoire cachée à la vue de tous