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« L’Espagne ne peut pas se soustraire à sa responsabilité envers les Sahraouis » Le Front POLISARIO soutient la revendication de nationalité d’une femme née dans l’ancienne colonie espagnole

Miguel González 08/06/2020
Les Sahraouis n’existent pas selon la loi espagnole. Les habitants de ce morceau de désert qui, jusqu’à il y a 45 ans seulement, était la dernière colonie espagnole, ont moins de droits que les descendants des Juifs sépharades, expulsés il y a cinq siècles par les Rois Catholiques, qui peuvent obtenir la nationalité espagnole sans jamais avoir mis les pieds en Espagne ; ou que les Ibéro-américains, les Équato-Guinéens et les Philippins, qui peuvent obtenir la citoyenneté après seulement deux ans de résidence légale. L’Espagne ne reconnaît pas la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et, par conséquent, les Sahraouis n’existent pas. Ils sont marocains ou algériens. Ou apatrides.

Tradotto da Fausto Giudice
La chambre civile de la Cour suprême vient de statuer que même les 74 000 personnes qui vivaient au Sahara occidental lorsque l’Espagne a entamé en 1975 un processus de décolonisation inachevé à ce jour, n’étaient pas espagnoles, alors qu’elles avaient des cartes nationales d’identité, des passeports et des livres de famille espagnols, qu’elles pouvaient accéder à des postes de la fonction publique dans l’administration et combattre dans les rangs de l’armée, qu’elles avaient leurs propres représentants dans les Cortes (parlement) franquistes et qu’elles avaient pu voter lors du référendum convoqué par la dictature en 1966.
Mais la Cour suprême a statué que, bien que Franco ait déclaré que le Sahara occidental était la 53e province d’Espagne, il n’a jamais été un territoire espagnol et, par conséquent, ceux qui y sont nés n’ont jamais acquis le statut d’Espagnols ; ce qui les a rendus apatrides à la naissance.
Abdullah Arabi (El Ayoun, 1966), représentant du Front POLISARIO en Espagne depuis janvier dernier, affirme que son mouvement lutte pour l’indépendance du Sahara et donc la reconnaissance de la RASD, mais soutient la revendication des Sahraouis qui « veulent retrouver une nationalité qui leur appartient ».
Refuser la citoyenneté espagnole aux habitants de l’ancienne colonie, soutient-il, c’est « nier l’évidence. Il y a des documents, des cartes d’identité et des passeports. L’Espagne considère le Sahara comme sa 53e province, l’un des 17 territoires non autonomes figurant sur la liste de l’ONU des territoires en attente de décolonisation ».
Arabi lui-même en est un exemple : son père, sa mère et son frère aîné étaient sahraouis et avaient la nationalité espagnole, mais il n’avait que neuf ans lorsque l’occupation marocaine a eu lieu. Il y a vécu jusqu’en 1985, date à laquelle il s’est enfui en Espagne en passant par Ceuta. Aujourd’hui, il est espagnol, mais il a obtenu la nationalité comme tout autre étranger, après avoir prouvé plus de dix ans de résidence légale, sans tenir compte de ses liens familiaux avec l’Espagne.
« Ce qui nous préoccupe, souligne-t-il, c’est le contexte politique de la sentence. Nous craignons que, tout comme l’Espagne n’a pas résolu le conflit politique, elle veuille également se soustraire à sa responsabilité concernant la situation des Sahraouis ».
Le Front POLISARIO est prêt à apporter un soutien juridique à la Sahraouie qui s’est vu refuser la nationalité espagnole par la Cour suprême, après que le tribunal des Baléares la lui avait reconnue, pour qu’elle puisse faire appel devant la Cour constitutionnelle et même devant la Cour de Justice de l’UE à Strasbourg. Elle sera soutenue par le vote individuel de trois juges en désaccord avec la Cour suprême, qui soutiennent que la loi de 1975 qui a légalisé le retrait de la métropole et le décret de 1976 qui l’a sanctionné ne peuvent pas être appliqués rétroactivement.
Ce décret donnait aux Sahraouis un an pour opter pour la nationalité espagnole, mais cette mesure, selon l’opinion des juges dissidents, était invalide, non seulement parce qu’elle était inapplicable sous l’occupation militaire du Maroc, mais aussi parce qu’elle impliquait de priver les Sahraouis de leur citoyenneté pour une raison non prévue par le code civil de l’époque.
La décision de la Cour suprême est intervenue à un moment particulièrement difficile dans les camps de réfugiés de Tindouf. Les camps sahraouis ont réussi à se protéger contre le coronavirus, qui constitue une menace sérieuse pour leur fragile système de santé. Jusqu’à présent, aucune contagion n’a été enregistrée, mais le prix à payer a été un isolement strict.
La fermeture de la frontière a signifié une interruption drastique de l’arrivée de l’aide humanitaire internationale, dont les camps dépendent pour leur survie, et cela a conduit à une « urgence sanitaire et alimentaire », selon Arabi.
Parmi les projets qui ont dû être suspendus, il y a les Vacances en Paix, qui depuis 47 ans ont permis à des milliers d’enfants sahraouis de passer l’été dans des familles espagnoles, renforçant ainsi le lien entre les deux peuples. En 2019, ils étaient plus de 4 000, mais cet été, aucun ne viendra. Arabi explique que, pour compenser leur absence, on facilitera les prises de contact des familles espagnoles avec les enfants qu’elles connaissent des années précédentes et des envois de colis. Mais ce ne sera pas la même chose.