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Décret Relance en Italie : « Une régularisation qui nous met à la merci des patrons » Les travailleurs de l’agriculture en grève le 21 mai

DINAMOpress 21/05/2020
Le 21 mai, les travailleurs de l’agriculture croiseront les bras pour réclamer des droits et de la dignité. Dans des dizaines de villes, il y aura des flashmobs et des piquets devant les préfectures pour contester les mesures de régularisation contenues dans le Décret Relance*.

Tradotto da Fausto Giudice
« Le Conseil des ministres a émis le Décret Relance qui contient une mesure de régularisation des bras et non de la santé des personnes », déclare Aboubakar Soumahoro dans une vidéo publiée sur sa page Facebook pour lancer la grève des travailleurs du jeudi 21 mai. Le syndicaliste de l’USB [Union Syndicale de Base, confédération créée en 2010, NdT] l’avait dit en direct à la télévision chez Lucia Annunziata il y a deux dimanches, défiant ouvertement l’ancien ministre Salvini : « Soit il y aura une véritable amnistie, soit ce sera la grève ».
Après un long bras de fer au sein de la majorité, la mesure permettant la légalisation des travailleurs « clandestins » est arrivée, mais sous une forme réduite et émoussée.
Les provocations de la droite et la pression du duo ministériel 5 étoiles Crimi-Di Maio ont finalement imposé un compromis à la baisse qui exclura des centaines de milliers de personnes de la possibilité de sortir de l’invisibilité.
Par exemple, tout le secteur du BTP, qui est plein d’irréguliers et contrôlé par des caporaux.
La mesure prévoit deux moyens de parvenir à la régularisation. La première voie est l’embauche contractuelle d’étrangers ou la légalisation d’une relation de travail antérieure irrégulière dans les secteurs de l’agriculture et des soins personnels (aides domestiques et soignant·es). Cette voie répond donc directement aux besoins du marché dans cette situation particulière de pandémie et est à l’entière discrétion des employeurs.
La deuxième voie, en revanche, permet aux citoyens étrangers présents sur le territoire national de demander un permis (d’attente ) de travail de six mois, éventuellement convertible en travail. La possibilité d’obtenir un document pour « l’emploi en attente » a été immédiatement indiquée par les associations, en particulier par la proposition élaborée par l’ASGI [Association pour les Études Juridiques sur l’Immigration] et signée par des milliers de réalités collectives et individuelles, comme l’instrument permettant de libérer le permis de séjour du contrat de travail.
Le gouvernement a toutefois considérablement restreint cette deuxième possibilité, la réservant, moyennant une redevance, aux seules personnes dont le permis a expiré après le 31 octobre 2019 et à celles qui peuvent prouver qu’elles ont déjà travaillé dans les domaines de l’agriculture et de l’élevage, des soins aux personnes âgées et du travail domestique.
Lorsque le débat politique sur la mesure de régularisation a commencé, on parlait d’une mesure qui pourrait potentiellement toucher environ 600 000 personnes. Dans la version approuvée par le gouvernement, les estimations sont tombées à 200 000.
En réalité, elles vont encore diminuer. Sans compter que les permis de six mois sont, de toute façon, extrêmement précaires et ne garantissent aucun pouvoir contractuel aux travailleurs pour leur permettre de sortir des conditions d’exploitation très dures dans lesquelles ils sont contraints dans les campagnes italiennes, surtout dans le sud. D’ailleurs, cela n’a jamais été un objectif du gouvernement.
« Nous contestons que la régularisation soit subordonnée à l’utilisation des bras dans certains secteurs, qu’elle soit exclusivement réservée à ceux qui ont un permis de séjour expiré le 31 octobre 2019, ce qui exclut la plupart des victimes des décrets de sécurité, qu’elle soit subordonnée à un contrat de travail car elle rend les travailleurs vulnérables et soumis à un chantage les exposant à l’exploitation », poursuit Soumahoro.
Le 21 mai, les travailleurs croiseront les bras pour réclamer des droits et de la dignité. Dans des dizaines de villes, il y aura des flashmobs et des garnisons devant les préfectures.
L’un des moments symboliques les plus forts sera la marche qui partira à 9 heures de Torretta Antonacci (l’ancien ghetto de Rignano) vers la préfecture de Foggia, dans les Pouilles, où les travailleurs livreront des caisses de fruits et légumes. C’est grâce à leur sueur que ces produits arrivent chaque jour sur nos tables, même pendant la pandémie. Pour exprimer son soutien et sa solidarité à cette bataille, l’USB a invité les consommateurs à éviter ce jour-là « les achats de fruits et légumes, en signe de solidarité avec la demande de régularisation qui émane de l’armée des invisibles des campagnes et des banlieues italiennes ». Un autre appel a été lancé aux agriculteurs et aux paysans : prendre le parti des travailleurs agricoles contre la grande distribution, qui affame les uns comme les autres.
NdT
*Le « Decreto Rilancio » est un ensemble de mesures, exposées dans 256 articles, adopté par le gouvernement de Giuseppe Conte le 13 mai. Il est destiné à modifier et compléter certaines dispositions du Décret « Cura Italia» (Décret-Loi n. 18/2020, converti en Loi n. 27/2020), en mettant en place des mesures supplémentaires, pour un montant global d’environ 55 milliards d’Euros, destinées au soutien de certaines catégories particulièrement touchées par la crise économique résultant de l’urgence sanitaire. Le décret a fait l’objet d’un vif débat au sein du gouvernement, surtout en ce qui concerne la régularisation des travailleurs saisonniers et des collaborateur·trices domestiques en situation irrégulière contre laquelle les représentants de l’opposition s’étaient longuement battus.