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Covid-19 : la guerre de race et de classe aux USA

Charles M. Blow 04/05/2020
Cette crise met à nu la sauvagerie de la démocratie usaméricaine.

Tradotto da  Fausto Giudice

Des personnes – pour la plupart blanches, parfois armées, portant à l’occasion des drapeaux confédérés ou branissant des pancartes avec un slogan nazi de l’Holocauste – ont protesté bruyamment pour pousser les gouvernements de leurs États à rouvrir les entreprises et les espaces avant que des progrès suffisants n’aient été accomplis pour contenir le coronavirus. C’est une nouvelle illustration de la division raciale et de classe que cette pandémie a mise en lumière dans ce pays.
Pour certains, la réouverture de l’économie et des espaces de loisirs signifiera la possibilité de gérer une entreprise, de retourner au travail, d’aller au parc ou à la plage, ou de passer une nuit en ville dans un bon restaurant ou un bar branché. Mais pour beaucoup d’entre eux, au bas de l’échelle économique, cela ne fera que les contraindre à s’exposer à un plus grand nombre de personnes, souvent dans des professions où il est difficile de se protéger et où le risque est peu rémunéré.
La Géorgie a été à l’avant-garde des réouvertures d’États. Les premières entreprises qui ont été autorisées à rouvrir étaient, pour la plupart, celles qui offrent des emplois à bas salaire nécessitant un contact important – comme les salons de tatouage, les salons de coiffure et les manucures.
Ce sont les travailleurs en difficulté qui divertissent et soignent l’esthétique des personnes fortunées. Ces entreprises ne sont nullement essentielles et elles mettent ces travailleurs en danger. Il est absolument impossible de pratiquer la distanciation sociale en gravant un tatouage à quelqu’un. (Aussi, qu’est-ce que vous avez si désespérément besoin de tamponner sur votre corps pour prendre des risques pendant une pandémie ?)
Et nombre de ces personnes devront prendre les transports en commun pour se rendre au travail et chercher une garderie adaptée avant de quitter leur domicile. Dans la plupart des cas, les écoles sont encore fermées.
Mais, même parmi les professions que nous ne considérons pas immédiatement comme faiblement rémunérées ou dominées par les minorités, il existe des domaines à haut risque et à bas salaire. Pour beaucoup de gens, l’image qui vient à l’esprit dans le domaine médical, ceux qui sont en première ligne, ce sont les médecins et les infirmières, des personnes très instruites et très bien payées. Mais il y a beaucoup d’autres personnes dans ces hôpitaux qui les font fonctionner.
Par exemple, une majorité d’aides-soignantes appartiennent à des minorités ethniques. Un tiers sont afro-américaines. La moitié n’ont pas fait d’études supérieures. Et, selon RegisteredNursing.org, le salaire annuel moyen aide-soignante dans un hôpital est de 30 000 dollars [=27 000 €] seulement. Pour les personnes qui travaillent dans des maisons de EPHAD et dispensent des soins à domicile, le salaire est encore plus bas.
Il a été largement rapporté que le virus a un impact disproportionné sur les personnes noires et brunes en Amérique, tant en termes d’infections que de décès. Mais ce n’est là qu’un aspect des disparités. Dans un pays où la race et l’ethnicité se croisent souvent avec la richesse et la classe sociale, il y a une cascade d’autres impacts, notamment économiques, dont il faut rester conscient.
Selon une enquête du Pew Research Center réalisée le mois dernier, 52 % des travailleurs à faible revenu ont déclaré qu’eux-mêmes ou un membre de leur famille avaient perdu leur emploi ou subi une baisse de salaire à la suite de la pandémie. Mais, si l’on examine la situation sous l’angle racial, une autre réalité frappante apparaît : 61 % des Hispaniques sont d’accord avec cette affirmation, contre 44 % des Afro-Américains et seulement 38 % des Blancs.
Et, comme l’a souligné Pew, « les adultes à faibles revenus sont moins préparés à supporter un choc financier que ceux qui ont des revenus plus élevés ».
Un rapport de McKinsey and Company du mois indique :
« Trente-neuf pour cent des emplois occupés par les travailleurs noirs, soit sept millions d’emplois au total, sont vulnérables en raison de la crise Covid-19, contre 34 % pour les travailleurs blancs. »
Quarante pour cent des revenus des entreprises appartenant à des Noirs sont réalisés dans les cinq secteurs les plus vulnérables – notamment les loisirs, l’hôtellerie et la vente au détail – contre 25 % des revenus de l’ensemble des entreprises usaméricaines.
Au-delà de la menace qui pèse sur l’économie personnelle des Noirs, la crise menace également les institutions noires. Comme l’a souligné le rapport McKinsey, la crise risque d’entraver « considérablement – et rapidement -» les collèges et universités historiquement noirs.
Même lorsque le pays commencera à se redresser, les disparités de race et de classe seront très probablement encore présentes et travailleront contre les minorités dans les emplois mal rémunérés. Comme l’a écrit le Center for American Progress le mois dernier, « Les faits montrent que si les travailleurs de couleur sont souvent les premiers à être licenciés pendant les périodes de ralentissement économique, ils sont souvent les derniers à être réembauchés pendant les périodes de reprise ».
Cette pandémie risque non seulement de mettre en évidence les inégalités, mais aussi de les exacerber.
L’USAmérique n’a jamais été à l’aise pour discuter des inégalités qu’elle a créées, et encore moins pour y remédier. L’USAmérique aime le mantra du « feel-good, forget-the-past-let’s-start-from-here »(Sentez-vous bien, oubliez le passé et repartons de zéro).
Mais ce virus exploite ces inégalités créées par l’homme et les rend impossibles à ignorer. Il démontre l’insensibilité incalculable de la richesse et des privilèges qui pousserait volontiers les moins bien lotis vers le plus grand danger pour le confort de quelques-uns.
Cette crise met à nu la sauvagerie de classe de la démocratie usaméricaine et le carnage économique qu’elle a toujours cautionné.