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Procès de Wikileaks ou procès de Julian Assange ? Compte-rendu des audiences du 24 au 27 février 2020

Monika Karbowska 17/04/2020
Cet article a été fini juste avant les événements actuels. Il ne contient donc aucune allusion, sauf involontaire, à la crise que nous vivons (la fameuse pandémie).

J’ai décidé de le publier car le système répressif n’est pas suspendu : ceux dont les droits sont violés ont plus que jamais besoin de nous. Comme il est interdit de prendre les photos à l’intérieur du tribunal, j’ai réalisé les dessins pour montrer les lieux.

Pour l’association Wikijustice, depuis sa création, il n’y a pas d’audience « non importante » en contraste avec une « procès important ». C’est pour cela que nous ne nous sommes pas focalisés sur ces jours de fin février annoncée en grande pompe par les médias comme « le procès d’extradition du siècle ». Au contraire, depuis 6 mois nous avons déployé tous les efforts nécessaires pour être présents à toutes les audiences de la Westminter Magistrate Court, ce qui n’était pas évident – obtenir les informations fiables à temps, franchir les obstacles pour assister aux audiences du 181 avenue Marylbone. Chaque brève rencontre avec Julian Assange, direct ou en vidéo, était pour nous une preuve de vie et l’occasion de témoigner sur son état de santé et sa situation. Après ce travail intense depuis août dernier, soulagée de le savoir vivant, j’étais également heureuse de savoir que j’allais pouvoir le voir 4 jours durant, lui apporter notre soutien et notre sympathie et peut être pouvoir communiquer avec lui et transmettre un message de sa part. Tous nos efforts sont tendus pour sa libération pleine et entière, nous aimerions tellement qu’il le sache et qu’il soit prêt pour ce moment dont nous ne doutons pas de l’imminence.
J’ai donc pu assister pendant 4 jours au procès dans les locaux du tribunal jouxtant la prison Belmarsh, dans la localité de Thamesmead dans la banlieue de Londres et j’ai pu voir Julian Assange 5 à 6 heures chaque jour.
Lundi 24 février 2020
Mais d’abord il a fallu entrer dans les locaux. Je n’ai pu prendre le métro et le bus de banlieue de Londres qu’à 5h30 du matin et arriver sur place qu’à 6h45. D’emblée j’ai remarqué le camping de tentes dans le petit parc attenant à la grille de la prison et de la cour. Jamais une police n’aurait permis en France à des militants de camper devant les murs d’une prison. L’Angleterre n’en finit pas de m’étonner avec son système laxiste sur certains points, tolérant des passe droits, des discriminations, des violences et encourageant le viol des règles, des procédures et des droits dans d’autres circonstances. Justement la règle du « premier arrivé premier servi » pour laquelle nous avions tant lutté à la Westminster court est en passe d’être violée une nouvelle fois : Il y a 14 personnes devant la file d’attente devant la grille et Greekemmy a déjà crée une liste illégale sur laquelle elle inscrit les gens après leur avoir dument arraché leur nom sous la menace de ne pas pouvoir entrer malgré avoir attendu. Juste devant moi se tiennent Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, Christian Mihr, son homologue de la filiale en Allemagne et Rebecca Vincent, responsable du bureau de RSF en Grande Bretagne. Je proteste à haute voix contre l’apparition de la liste. Je sais d’expérience que de nouvelles personnes arrivées plus tard y seront inscrites et que du fait de cette resquille je ne pourrai pas entrer. Greekemmy fonce vers moi, élève le ton, me menace d’être expulsée du tribunal. Je prends Christophe Deloire à témoin, en Français. Il a l’air de soutenir la liste de Greekemmy alors que je lui dis qu’il ne tolérerait certainement pas ce genre de situation en France, qu’une personne lambda prenne le nom de gens dans l’espace public et décide de qui a le droit d’entrer dans un tribunal, alors pourquoi accepte – t-il cela dans le cadre du procès de Julian Assange. Il ne me répond pas, mais lorsque d’autres personnes arrivées plus tard passent devant nous, une Américaine vivant en France, qui se tient derrière nous décide elle aussi de ne plus se laisser faire. Nous restons ainsi une heure à discuter sur les aspects culturels de notre aventure alors qu’arrivent l’avocat Edward Hamilton Fitzgerald, Gareth Peirce, mais surtout de très nombreux journalistes et caméramans qui entrent directement dans le bâtiment après présentation d’une carte de presse aux agents de sécurité. Cependant, toutes les cartes de presse ne se valent pas car les membres de Wikijustice qui montrent la leur sont refoulés. Des policiers, probablement municipaux arrivent aussi et saluent Greekemmy et ses proches d’un air débonnaire. Ils demandent juste à un jeune homme derrière nous d’enlever son masque d’Anonymous et signalent qu’il n’y aura que 18 places pour le public.
Tribunal du « Que le plus fort gagne »
L’ambiance se tend néanmoins lorsque les agents de sécurité nous font entrer dans le jardin et nous stockent devant la porte du bâtiment entre deux rangées de barrières de sécurité. Nous sommes déjà 30 dans la file alors que des supposés journalistes fendent notre groupe pour se retrouver devant. Les journalistes entrent également facilement par la file de droite délimitée par deux autres barrières de sécurité. Il y aura plus de 100 journalistes entrant et sortant en permanence du tribunal, 26 auront une place directement dans la salle d’audience. C’est le moment que choisit Greekemmy pour m’agresser une nouvelle fois avec force insultes tout en me filmant avec son portable alors que je proteste contre son comportement. Je vois surtout qu’elle se donne pour mission de détourner l’attention de la resquille d’une toute jeune fille qui arrive de derrière et pousse brutalement mes camarades pour se mettre devant nous. Nous protestons mais lorsque je lui touche le bras pour l’inciter à arrêter elle se met à hurler « don’t touch me » avec une arrogance cynique qui nous plonge dans la stupeur. Elle est secondée par son compagnon, le garçon au masque d’Anonymous pendant que Greekemmy continue de m’agresser verbalement. Le ton et la violence monte dans la file, les agents de sécurité ne font rien pour désamorcer le conflit mais lorsque je me tourne vers les policiers qui nous regardent à 1 mètre de là, pour qu’ils ramènent un peu d’ordre, je suis stupéfaite de constater que voir des gens se battre pour entrer dans un tribunal les fait rire. Ils ont l’air d’attendre que le plus fort gagne. Décidemment le système anglais n’en finira plus de m’agacer. J’explique à mes compagnes d’infortune que lorsqu’on commence par trouver normal les passe droits et violences dans une file d’attente devant la cour, il ne faut pas s’étonner qu’on finisse par s’habituer aux viols de droits et aux vices de procédures par la même cour dont Julian Assange est victime depuis plusieurs années.
L’organisation du tribunal est également on ne peut plus étrange. Le panneau suspendu sur la grille d’entrée signale « HMCS », « Her Majesty Court Services », soit l’administration des tribunaux. Sur un panneau en métal devant le bâtiment avant les barrières de sécurité il est indiqué « Woolwich Crown Court », mais lorsque je me trouve devant la porte de gauche ou nous orientent les agents de sécurité, je vois une simple feuille A4 collée dessus avec une flèche vers la gauche et une inscription « Belmarsh Magistrate Court ». Sur la porte de droite, par laquelle entre d’autres usagers, une feuille similaire indique « Woolwich Crow court ». Pendant que le procès de Julian Assange a lieu dans l’aile de gauche, la vie continue donc dans l’aile droite du bâtiment ou travaille la vraie Woolwich Crown Court. De plus, dans l’aile gauche du bâtiment nous retrouverons presque tous le personnel que nous connaissons de la Westminster Magistrate Court. Alors, ou nous trouvons nous vraiment ? La « Belmarsh Magistrate Court » n’a l’air d’avoir qu’une existence très formelle : le site du ministère de la justice britannique lui donne comme adresse le 1 London Road à Bromley[1], dans la banlieue sud de Londres alors que le site the Law pages donne 4 Belmarsh road à Thamesmead[2]. Cependant sur le plan de Thamesmead le 4 Belmarsh Road est introuvable, le numéro 2 étant l’adresse de la Woolwich Court, c’est-à-dire le bâtiment devant lequel nous nous trouvons alors qu’à 1 London Road à Bromley se trouve en réalité la Bromley Magistrate Court[3].
Nous sommes épuisés lorsqu’enfin un jeune agent de sécurité, affolé et débordé, déverrouille la porte et nous pousse pour empêcher la foule qui nous appuie par derrière de se précipiter à l’intérieur. Il exige de nous des pièces d’identité et ne fait entrer que 6 personnes à la fois. En effet, lorsque je suis venue les deux fois précédentes pour information, la Woolwich Crown Court ne disposait que d’un seul portique de détection de métaux, visiblement suffisant pour l’activité assez clairsemée de l’institution. Aujourd’hui un autre portique est installé pour les usagers de la Woolwich Crown Court à droite de l’entrée tandis que des tables sont disposées à gauche pour gérer de façon plutôt artisanale le contrôle des visiteurs du procès de Julian Assange. Sur les tables se trouvent des petits casiers en plastique dans lesquels il faut mettre l’ordinateur, les manteaux et les écharpes, les ceintures, les chaussures… cela fait très « aéroport». Dans tous les débordements, les deux jeunes resquilleurs de derrière se retrouvent évidemment devant nous. Je cours le plus vite possible à l’étage, renseignement pris auprès de deux agents de sécurité, car le procès Assange n’est indiqué nulle part, ni sur l’écran qui affiche les audiences du jour, ni sur le panneau d’information à gauche du hall.
Je m’engouffre dans un couloir, puis dans un espace équipé de fauteuils comme une salle d’attente, puis dans un espèce d’étroit boyau-couloir, j’arrive dans une autre antichambre et là je vois la porte de la salle d’audience. J’entre, et j’aurais pu y rester car personne ne me demande rien, mais comme je ne suis pas sûre que j’ai le droit de rester, je préfère chercher mes camarades et attendre avec le public pour ne pas perdre la précieuse place. L’endroit où quelqu’un leur a dit d’attendre s’avère ce minuscule boyau entre deux couloirs, ou nous sommes bientôt serrées les uns contre les autres devant une porte verrouillée et un petit panneau en plastique marqué « public gallery » avec une flèche. La resquille violente continue car nous sommes 25, les agents de sécurité ont laisser entrer bien plus que les 18 places prévues. Pire, lorsqu’un agent de très petit gabarit tentera d’amadouer la foule, il faudra qu’il crie fort pour annoncer que 6 places doivent être réservées à la famille…
La tension est telle que je ne remarque que deux jours plus tard que le « boyau » ou nous allons passer beaucoup de temps d’attente est en fait un sas, que les 25 personnes stockées dedans empêchent donc le dégagement des CHC (Circulation Horizontale Commune[4]) et leur présence bloque le RIA (Robinet d’Incendie Armé) enfermé dans une gaine –cette situation viole les normes de sécurité incendie communément admises, en Grande-Bretagne comme en France. Pire, je remarque bientôt que la porte verrouillée devant laquelle nous attendons est une… sortie de secours ! Une sortie de secours donnant sur un escalier de de secours ne doit jamais être verrouillée car en cas d’incendie nous ne pourrons pas évacuer et nous pouvons tout simplement mourir. Justement, peu avant 10 heures, l’agent de sécurité déverrouille la sortie de secours et nous fait entrer dans un escalier qui est visiblement un escalier de secours. Nous devons monter par là pour arriver sur un palier ou nous passons une porte coupe-feu, nous nous trouvons dans une antichambre ou se trouve des toilettes femmes à droite et homme à gauche, et d’où deux couloirs mènent à droite à la « court 3 » et à gauche à la « court 2 ». La notre est la salle 2, il faut encore entrer dans un autre espace ou se trouvent deux portes qui probablement sont les accès vers la galerie en temps normal. Un autre agent de sécurité, grand rouquin sévère, ouvre une troisième porte et nous indique les sièges à occuper. Derrière une baie vitrée, surplombant la salle d’audience de 10 mètres au moins, se trouve la galerie du public avec 18 sièges disposés en deux rangées. Au fond se trouve encore une porte verrouillée.
Je n’ai pas le loisir de réfléchir à l’étrange disposition des lieux ce premier jour du procès : au moment ou l’agent ouvre la sortie de secours, un homme de type méditerranéen, corpulent, qui se trouvait en première place de la file avec Greekemmy m’arrête en me prenant le bras et me somme de laisser ma place « à la Courage Foundation » qui vient d’arriver. Stupéfaite, je réponds sans hésitation « non » et lorsque l’homme, sur un ton menaçant me dit « comment j’ose refuser ma place à la fameuse et célèbre Courage Foundation », je réponds que j’ai aussi le droit à être là. Puis je cours dans l’escalier sans demander mon reste et arrivée dans la galerie, je ne peux m’installer qu’à une place centrale du deuxième rang d’où je ne verrai Julian Assange que d’assez loin. Cependant les deux membres de la Courage Corp, un jeune homme roux barbu, peut être Nathan Fuller, le gérant de l’entreprise new-yorkaise comme on peut le vérifier sur le site du du NYS Departement of State Division of Corporation[5], et une femme de 60 ans, ont pris place juste à gauche de notre groupe. La femme fera plusieurs photos de Julian sans que l’agent de sécurité ne l’inquiète. De même la jeune arrogante qui a poussé tout le monde ce matin prend une place à côté de son compagnon, mais elle s’éclipsera de la salle pendant toute la matinée et l’après midi elle prendra plusieurs photos de Julian. L’agent de sécurité l’expulsera enfin après la quatrième photo.
Aujourd’hui je ne suis pas encore revenue de ma surprise ayant constaté que l’homme qui voulait me chasser de la cour était Patrick Henningsen, journaliste à Russia Today International. L’hostilité déclaré de ce journaliste à ma personne me surprend d’autant plus que je le vois pour la première fois et que des membres de Wikijustice travaillent sans problème avec Russia Today, un des journalistes de RT France doit m’interviewer ici même tout à l’heure.
Les meilleures places du premier rang sont occupées par les représentants de RSF assis à côté de Kristinn Hrafnsson et Fidel Narvaez. Après la pause, les députés du parti de gauche allemand die Linke Sevim Dagdelen et Heike Hänsel arriveront et deux jeunes leurs céderont leur place. Angela Richter, la femme de théâtre allemande, sera assise sur la 5 place du premier rang en partant de la gauche. A droite au premier rang on nous annonce la famille de Julian Assange : John Shipton, son fils Gabriel Shipton, un homme âgé, grand et bien bâti, une femme de 55 ans aux longs cheveux châtains bouclés et un jeune homme brun au nez pointu. Je me renseigne – il parait qu’il s’agit du frère de John Shipton, de la femme du frère et de leur fils. Tout au bout à droite Craig Murray est assis avec la famille. Ce qui m’a frappé est que pendant toute l’audience aucune de ces personnes n’a montré la moindre émotion, sauf peut-être un peu Murray. Julian n’a pas salué ces gens qui se disent « sa famille », il n’a eu aucun signe de connivence avec eux, aucun geste, pas même avec Shipton. Quand Julian Assange tournait la tête vers cette partie de la galerie, on aurait dit qu’il voyait des étrangers. Il y avait dans leur comportement des aspects « je regarde un spectacle » assez déplaisants. Certains membres de la famille ne pouvaient s’empêcher d’êtres sur leur téléphone malgré l’interdiction formelle énoncée par le surveillant.
En contrebas je retrouve du regard tout le personnel de la Westminster Court telle qu’on l’a connu depuis septembre. Je vois Rosie Sylvester, la manageure, un des greffiers que j’ai déjà vu. Je vois le procureur Lewis mais l’équipe « d’Américains » et Clair Dobbin sont par le balcon de la galerie car ils sont assis tout au bout de leur banc à droite, au premier rang. Sur le coté gauche de ce banc prennent place Edward Hamilton Fitzgerald et Mark Summers. Gareth Peirce est assise derrière eux avec ses deux assistantes et Alistar Lyon. Enfin, surprise car je ne savais pas qu’un avocat d’un autre barreau européen pouvait participer à un procès en Grande-Bretagne (quelle directive européenne rend elle cela possible ?), je constate la présence de Baltazar Garzon dans la rangée de derrière, à ses cotés Jimenez Martinez, Stella Morris et le jeune Mc McGrath. Jennifer Robinson est assise avec trois hommes sur un banc perpendiculaire aux avocats, juste devant les rangées ou prennent place les 26 journalistes qui ont la chance d’avoir été admis dans la salle. Le long box des accusés avec sa baie vitrée se trouve donc juste derrière Baltazar Garzon qui sera le seul avocat à saluer Julian Assange deux fois, à lui serrer la main dans la jointure des vitres. De même, lorsque Julian Assange essaiera de communiquer avec Gareth Peirce, il fera passer d’abord des petits papiers écrits de sa main à Baltazar Garzon pour que celui-ci les donne à l’avocate. L’ancien juge paraitra nerveux pendant la lecture de l’acte d’accusation et sortira plusieurs fois de la salle. Vanessa Baraitser trônera derrière une longue table sur une estrade faisant face à la salle. De lourds dossiers de documents se retrouveront éparpillés sur les pupitres au fur et à mesure que les audiences avancent, à côté de stabilos et d’ordinateurs, des documents tomberont par terre, mais certains avocats passeront aussi du temps sur leur téléphone portable, ce qui se voit très bien d’en haut.
L’émotion est palpable lorsque Julian Assange entre par la porte du fond du box. Il est encadré par deux gardes, un homme noir en uniforme de Mitie (tous les agents de sécurité présents sont salariés de l’entreprise Mitie) et un autre, blanc et costaud en chemise blanche et pantalon noir. Ce dernier jette des coups d’œil suspicieux au public dans la galerie et sera celui qui avertira son collègue lorsqu’une de mes collègues s’aventurera à faire une photo de Julian Assange. Il semble au premier abord plutôt correct avec son prisonnier. Julian Assange porte un costume gris, avec un pull gris et une chemise blanche. Ses cheveux sont coupés court, il est rasé et porte deux paires de lunettes- une sur son front et l’autre il la tiendra à la main pour s’en servir lorsque parfois il consultera l’énorme dossier qu’il pose à coté de lui sur le banc. Comme il s’assied au milieu du banc, j’arrive à le voir de ma place. J’aperçois qu’il a du mal à se mouvoir, même à rester assis, il doit s’agripper au dossier du banc. De même, lorsqu’il met sa jambe gauche sur son genoux droit il me semble que c’est pour pouvoir tenir en équilibre le gros dossier sur ses genoux. Le plus souvent il reste les mains jointes, les doigts croisés, dans une attitude de prostration et de résignation. Je vois son visage triste, surtout lorsqu’il lève les yeux vers le plafond, le ciel qu’il ne voit pas, dans l’attitude de celui qui veut s’échapper à tout prix d’ici… Il cligne des yeux en renversant la tête en arrière, répète ce tic toutes les 10 minutes environ. Lorsque son regard balaye alors la première rangée de la galerie, je crois déceler dans son regard une expression de colère, de dégout, un sentiment de trahison peut être. Parfois je vois dans ses traits quelque chose de plus négatif encore, un rictus de douleur, peut-être de la haine, et de la peur. Alors il se frottent nerveusement les doigts d’un contre l’autre, les mêmes gestes répétitifs que nous avons pu observer auparavant et que le médecin de Wikijustice a dument analysé comme symptômes de souffrance dus à la torture.
L’acte d’accusation justifiant l’extradition – la question de la responsabilité juridique
D’emblée Vanessa Baraitser donne la parole au procureur et nous assisterons toute la matinée à la présentation de l’acte d’accusation. C’est important de l’entendre enfin, tant de rumeurs ont circulé à son sujet. Néanmoins il est douloureux d’entendre proclamer avec tant de dureté des assertions qui nous paraissent monstrueuses. En effet immédiatement le procureur détaille les deux chefs d’accusation : Julian Assange est accusé de « computer misuse » et de « conspiracy » avec Chelsea Manning en vue de voler des documents classifiés puis de dissémination de ses mêmes documents avec mise en évidence des noms, ce qui a conduit à la mise en danger de ces personnes, collaborateurs de l’armée américaine en Irak et Afghanistan qui risquaient ainsi la mort ou la torture. En clair, intrusion informatique et vol en réunion… il est très perturbant d’entendre cela. De plus, le procureur s’appuie curieusement sur les « preuves » données par les médias : il cite des articles de journaux (El Pais, Le Monde, Guardian…) qui à l’époque en 2010 avait accusé « Wikileaks » de publier des milliers de documents « unredacted », « non expurgés ». Cette partie de l’acte d’accusation s’entend déjà comme un procès de la presse, puisqu’on s’appuie sur la presse pour fournir les preuves d’une accusation, sans que cependant le procureur n’explicite le rôle exact de Julian Assange dans la structure ou organisation « Wikileaks ». Le lien entre « Julian Assange, homme physiquement présent ici et « Wikileaks », dont le procureur ne précise pas « ce que c’est » (association ? entreprise ? Site internet ? Selon les lois de quel pays ?), n’est pas prouvé autrement que par les assertions du procureur : Julian Assange serait « Wikileaks founders » ou « the puppet master » (le marionnettiste).
Pour nous qui savons depuis un certain temps que John Shipton est propriétaire des noms de domaines de Wikileaks au sein de la société californienne Dynadot[6] et que Julian Assange n’était que salarié de la Fondation Wau Holland qui pilotait le projet « 04 Wikileaks » d’Allemagne[7], il apparait que ce n’est pas Julian Assange qui est responsable juridiquement des agissements de « Wikileaks » mais justement John Shipton et les dirigeants de la Wau Holland Stiftung comme Andy Müller Maguhn, Bernd Fix, Jens Ohlig, Winfried Motzus et Hendrik Fulda. Le procureur enfonce le clou en citant des points de son documents… 15, 16 et 17, Julian Assange n’aurait rien de moins que facilité la vengeance des talibans après avoir hacké des ordinateurs et volé les documents d’Etat en association de malfaiteurs. Il ne serait donc pas journaliste. Curieusement cependant, il n’est « chargé » que des documents publiés de septembre 2010 à novembre 2011. Il n’est pas accusé pour le film « collateral murder » ni pour les « Spy files », ces fameux documents d’espionnage généralisé qui ont tant énervé la chancelière Merkel lorsqu’elle a découvert par eux que son portable personnel était écouté par la CIA. Ces documents étaient si importants pour les dirigeants de la Wau Holland Siftung qu’ils ont été trois à se déplacer à Londres pour préparer la conférence de presse de lancement de ces publications du 1 décembre 2011[8]. Le procureur finit la tirade en moquant les médias écrivant sur les « 175 ans de prison ». Selon lui la jurisprudence montrerait que les peines pour ce type de délit ne vont que de 48 à 65 mois de prison. Mais juste après que nous reprenons espoir, il assène que dans ce procès, nul besoin de preuves, puisque c’est un procès d’extradition. Les preuves seraient présentées aux USA quand Julian Assange y sera.
On a l’impression d’assister à une levée de rideau d’un spectacle d’horreur. Baraitser le lève, nous sommes chassés de la salle. Julian Assange parait résigné mais pourtant il lève le poing, sans toutefois regarder le public. L’agent de sécurité nous chasse de l’escalier de secours et nous nous retrouvons dans le sas, avec toute la foule. Je comprends vite qu’il n’est pas question de profiter de notre pause de 10 minutes car nous perdrons notre place chèrement acquise. Je reste donc devant la porte de secours, à essayer de raisonner avec mes camarades la jeune resquilleuse qui continue son comportement asocial et perturbateur : elle nous pousse du coude, crie qu’elle est la plus importante et doit le rester, répond fièrement qu’elle a 23 ans lorsque nous lui demandons médusés ce qui lui donne à penser qu’elle a droit à tant de privilèges. Elle parait comme sous emprise de substances et c’est déroutant de voir quelqu’un se comporter ainsi dans un tribunal et d’assister à la passivité totale de l’agent chargé de l’ordre, qui la laisse même revenir devant tout le monde dans la galerie. Privilégiée, absolument. Pourquoi, nous ne le savons alors pas.
L’audience reprend dès que Julian Assange revient, porteur du classeur et d’un cahier dans lequel il essaiera d’écrire ses petits mots. Son visage prend un air accusateur lorsqu’il lève les yeux vers la première rangée du public. Le procureur continue sa charge : les milliers de documents fuités sont détaillés, Julian Assange est accusé d’avoir encouragé Manning à voler les documents en l’aidant à craquer un mot de passe pour accéder à un intranet de l’armée. Il voulait donc attenter à la sécurité des USA , surtout que « Wikileaks » sur son site internet « sollicite le public à lui livrer des documents secrets ». Pour appuyer ses dires et amener un semblant de liens entre Julian Assange et « Wikileaks » le procureur cite la conférence du Chaos Computer Congress à Berlin de fin décembre 2009 lors de laquelle Assange aurait présenté ce projet comme « le service de renseignement du peuple ». La Wau Holland Sitftung n’apparait curieusement pas dans la tirade du procureur, alors qu’elle s’assume comme pleinement responsable du projet Wikileaks dans ses propres rapports d’activités de 2006 à 2014, comme si l’Etat britannique voulait épargner une institution allemande, en pleine négociations avec l’Allemagne autour du Brexit. Manning aurait donc répondu aux sollicitations de Julian Assange et aurait alors téléchargé les documents cryptés de de février jusqu’à son arrestation le 27 mai 2010. Le lien entre Manning et Assange serait fourni par leur communication sur la messagerie Jabber de novembre 2009 à avril 2010. Je suis surprise d’entendre parler de la relation entre Julian Assange et Chelsea Manning. J’étais restée sur les dénégations de Julian Assange qui avait toujours affirmé ne pas avoir été en contact avec le soldat Manning et j’avais cru que Manning avait lâché ses informations en discutant avec le hacker Adrian Lamo[9], assassiné mystérieusement en 2016 et c’est ainsi que l’armée avait pu trouver son identité. La messagerie Jabber a aussi été un projet de la fondation Wau Holland depuis 2008[10]. Il va falloir que le procureur fournisse les preuves techniques des conversations sur Jabber, des relevés issus des fournisseurs d’accès internet, et non pas des aveux de Manning arrachés après torture.
Malgré la situation dramatique, le frère de John Shipton s’endort alors sur son siège. Julian Assange regarde Kristinn Hrafnsson d’un air résigné mais rempli de colère. Les hommes de RSF partent. Garzon a l’air énervé. Alors le procureur passe à l’étape supérieure : des Talibans au Pakistan se seraient servis des documents publiés pour commettre des crimes, Julian Assange aurait donc donné des « informations utiles pour l’ennemi », il savait qu’il mettait ses sources en danger. C’est très différent de la première phase des publications qui ne ciblaient que les Chinois et les Syriens. Bref, si Julian Assange a sciemment donné des informations à l’ennemi il peut être accusé « d’intelligence avec l’ennemi », donc d’espionnage. On entend la clameur des Gilets Jaunes monter en puissance. Julian Assange l’entend sûrement aussi… C’est fort.
Il s’agite sur son banc, cherche une position, écrit quelque chose, ne peut pas se départir de ce tic qui lui fait cligner des yeux et chercher la lumière en levant le visage vers le haut, vers nous. Maintenant le procureur va prouver pendant 1 heure que la loi sur la « conspiration » est la même en Grande-Bretagne qu’aux USA , et réfuter déjà les arguments de la défense sur le « abuse of authorities », abus de pouvoir, c’est-à-dire les vices de procédure. Julian Assange semble aller mieux – il écrit un petit papier à l’attention de Garzon. Baraitser est bien obligée de demander des débuts de preuves au procureur. Celui-ci explique que si les journaux ont aidé à la dissémination de l’information à l’ennemi, alors oui, ils pourront aussi être inculpés. En clair dans « certaines circonstances », le traité d’extradition permet bien l’extradition pour raisons politiques, toute personne, qu’elle soit de nationalité britannique ou non.
C’est alors que je vois Julian Assange lever la tête et poser son regard sur Angela Richter, assise au milieu du premier rang. Il lui fait un geste de main comme quand on veut chasser quelqu’un, lui signifier qu’il faut qu’il parte. Il lui désigne clairement la porte. J’ai l’impression que Richter est gênée, elle regarde autour d’elle pour voir si quelqu’un d’autre a compris ce qui se passe. Le procureur déclare qu’il n’a pas besoin de soumettre des preuves, ce qu’il dit est « selfsufficient », se suffit à soi-même, curieuse catégorie du droit tout de même. A ce moment-là Julian Assange parait très fatigué. Il n’a même pas un verre d’eau devant lui, contrairement aux avocats et aux journalistes. Il croise et décroise les doigts, regarde les journalistes… puis il veut parler ! Il se lève, se tient les mains jointes devant la vitre et parle. Baraitser veut le couper lui enjoignant de parler à travers ses avocats. Mais lui insiste et veut parler lui-même. Nous n’entendons pas ce qu’il dit, car il n’y a pas de micro et nous n’entendons que ce qui est dit directement dans les micros. En se concentrant sur sa voix étouffée par les barrières, on croit l’entendre se plaindre de ne pas entendre. Et ce n’est surement pas les slogans décidés des Gilets Jaunes qui le gênent, contrairement à ce que soutiendra Baraitser. On ne le laisse pas continuer à parler. Un carton est posé sous le micro de Fitzgerald pour augmenter le volume… Enfin, à 13 heures passées Fitzgerald a le droit de commencer la défense. 20 minutes plus tard Baraitser suspend la séance pour la pause de déjeuner. Nous sommes sommés de quitter les lieux par l’escalier de secours.
Nous n’avons que 45 minutes, la cafétéria est minuscule et la queue vite énorme. Je suis épuisée et je prends un café au distributeur avant de regagner le sas. Mon amie qui a fait la photo lorsque Julian Assange a parlé a été immédiatement expulsée du bâtiment, elle n’insiste pas. J’essaye d’en savoir plus sur ce que Julian a dit en le demandant à Fitzgerald dans un couloir du tribunal. Peine perdue, il reste évasif. Je me dépêche de regagner le sas, car même s’il y a moins de monde l’après-midi, c’était prévisible que certains soient plus intéressés par leurs relations publiques que par le procès, Greekemmy veille au grain pour introduire les siens.
Qu’est ce exactement que Wikileaks ? Plaidoirie de Me Hamilton Fitzgerald
Je réussis sans trop de dommage à revenir dans la galerie après attente dans le sas et le passage par l’escalier de secours, malgré ma peur de nouveau subir des pressions de la part des présents pour céder ma place à quelqu’un de « haut placé ». Les sièges libérés sont remplis rapidement : Sevim Dagdelen et Heike Hänsel sont assises à coté d’Angela Richter. Le copain de la jeune resquilleuse cligne des yeux assis derrière moi. Julian Assange entre à 14 heures dans le box. Il est toujours aussi triste, assis les mains jointes, il ne regarde pas la famille, ne sourit à personne… Hamilton Fitzegerald reprend son discours : il veut s’appuyer sur l’article 10 du traité d’extradition, présenter les « abuse of procedures », vices de procédures et prouver « sur la base de la jurisprudence Castillo et Murua » (probablement Adgar Castillo contre l’Espagne – jugement de la Cour Européenne des Droits de l’homme en 1998) que Julian Assange avait dans son action des opinions politiques, qu’il est donc poursuivi pour ces opinions et que par conséquent le traité d’extradition serait violé si l’extradition venait à s’appliquer à son cas. Par ailleurs, son extradition risquerait de l’exposer à des traitements inhumains et dégradants, au risque de suicide, et au risque de la peine de mort. Par la suite l’avocat cite les témoins qui vont comparaitre : des universitaires et journalistes spécialisés dans les questions d’espionnage et de fuites de données informatiques, Jamil Jabber de l’université de Columbia, Michael Tigar, attorney et professeur américain, et aussi le très célèbre Noam Chomsky. Puis l’avocat refait le récit des publications « Wikileaks » : il raconte comment Bradley Manning a déclaré avoir de lui-même téléchargé les documents, contacté le Washington Post, puis décidé en février 2010 de tout donner au site internet « Wikileaks », notamment le film de « l’attaque aérienne sur des civils innocents en Irak » et, le 8 mars 2010, les documents relatifs au bagne de Guantanamo, guidé par l’idée qu’il était « dans l’intérêt du public » de les éditer. Passant rapidement sur le fait que ce fut l’administration Obama qui a initié les hostilités contre Julian Assange, l’avocat charge le président Trump en rappelant ses tirades violentes contre la profession de journaliste. Gareth Peirce va alors vers Julian Assange et lui tend un document. Il se lève difficilement pour le prendre, se rassied et regarde fixement devant lui sans bouger.
Edward Hamilton brosse alors de quelques phrases flatteuses la « saga Wikileaks » qui a duré quelques mois, un an maximum en 2010 et 2011. Dans sa bouche Julian Assange se mélange à « Wikileaks » sans qu’on sache trop qui décide de quoi. Il crédite même le site de « catalyseur des révolutions arabes en exposant la corruption du clan Ben Ali en Tunisie» ce qui me fait sourire un peu jaune. Par les amis de l’UGET, de Redeyef, du Parti Patriote Démocrate que j’ai soutenus dès 2011, je sais bien que les Tunisiens n’avaient pas besoin d’Occidentaux pour se rendre compte de la violence et de la corruption de la dictature dans laquelle ils vivaient. Je sais aussi que la vraie Révolution de décembre 2010 est bien partie de manifestations lancées par les militants de l’UGET, l’une des plus vieilles organisations syndicales de l’Afrique, de même que le mouvement de la « Kasbah 1 » en février 2011 a été initié par deux jeunes filles désespérées par la répression, Zahra et Hawra Khammassi, Zahra étant responsable du syndicat UGET à la Faculté du 9 avril. J’espère un jour pouvoir faire rencontrer à Julian Assange les vrais protagonistes de cette histoire, mais pour cela il faut le sortir de cette taule. Pendant que l’avocat continue d’exposer le déroulé de l’affaire, je vois enfin que Julian Assange me regarde fermement, je répond immédiatement en soutenant son regard. Puis il parait plus fatigué et les gestes auto-centrés et répétitifs réapparaissent : il se frotte les doigts et de nouveau lève la tête vers le plafond comme quand on a mal au dos. Mais je vois alors encore mieux son regard qui dit sa souffrance.
Fitzgerald fait alors le procès de l’entreprise UnderCover Global, de l’espionnage qu’elle a exercé sur les avocats comme Gareth Peirce qui sera d’ailleurs témoin, comment elle a « empoisonné » les relations dans les locaux du 3 rue Hans Crescent en abusant de la bonne foi de Fidel Narvaez, responsable sécurité de la diplomatie équatorienne. C’est dans ce contexte que Fitzgerald place l’histoire qu’il raconte alors : celle de Dana Rohrabacher, sénateur proche de Trump venu en 2016 promettre à Julian Assange de le laisser sortir de sa captivité en échange d’informations prétendument donnés par les Russes. Fitzgerald condamne encore une fois l’administration de Trump comme pratiquant le chantage politique, cherchant à extorquer des bénéfices sur le dos de son client. Je pense que le récit politique s’égare un peu : pour ma part j’aurais aimé en savoir davantage sur les motivations de la Wau Holland Stiftung lorsqu’elle a décidé en décembre 2006 de « fördern », c’est-à-dire à la fois soutenir et faire exécuter, le projet 04 Wikileaks[11].
Pour ce qui est de l’Allemagne, les journalistes du Spiegel joueront un rôle important comme témoins de la défense – Fitzgerald cite John Goetz et même Jacob Augstein, le fils de Rudolf Augstein, le fondateur du magazine comme témoins ayant toujours affirmé que Julian Assange protégeait ses sources et n’avait jamais participé au hacking des documents classifiés. Malheureusement alors que l’avocat fait le portrait d’un homme politiquement engagé, champion de la transparence et de la lutte anti impérialiste, multimédaillé, l’éloge flatteur n’a pas d’effet sur le moral de Julian Assange qui parait immobile, enfermé dans sa souffrance. Je commence moi aussi à me sentir mal d’assister à sa souffrance et ce ne sont pas les mots de Fitzgerald citant une charge de Chomsky sur Trump qui vont me donner me redonner confiance, Obama étant largement aussi responsable de la « chasse à l’homme Julian Assange ». Enfin, l’avocat aborde le plus dur mais le plus évident : l’extradition mènera Julian Assange à subir « des traitements dégradants et inhumains », le risque d’une condamnation à la prison à vie est évoqué, et les conditions de l’emprisonnement aux USA détaillés. Enfin, Fitzgerald expose que les conditions de vie de son client, le fait « d’être exposé avec sa famille en tant que cible », d’être « exposé à l’isolement » a mené son client, selon deux médecins cités, Dr Crosby et Prof. Malon, à une « clinical depression ». L’extradition va aggraver « son état de santé fragile » (« fragile state fo health ») et le mener au suicide.
Le rideau tombe. Baraitser lève sa séance. Julian Assange lève le poing mais parait épuisé. Je refuse de sortir de notre box tant que lui n’a pas quitté le sien. J’observe sa démarche, ses gestes, j’observe les gardiens. J’ai néanmoins pu croiser son regard une dernière fois. Lorsque je sors du bâtiment, une centaine de journalistes, certains agenouillés, recueillent religieusement la parole de John Shipton. Je reconnais et salue certains amis Gilets Jaunes. Il faut se débriefer et se reposer, comprendre ce qui se passe. Demain je reviendrai.
Notes
[8] Op. cit, page 5
[11] http://www.wauland.de/media/2009-12-28_Protokoll.pdf, Compte rendu de réunion du CA du 28 decembre 2008