General

Février sahraoui : Pablo Iglesias déçoit

Alfonso Lafarga 10/03/2020
Le leader d’Unidas Podemos, la principale force politique espagnole défendant la cause sahraouie, déçoit les Sahraouis et les mouvements de solidarité à la première occasion qu’il a de parler du Sahara occidental en tant que ministre du gouvernement de Pedro Sanchez.

Tradotto da Fausto Giudice

Les publications pro-sahraouies critiquent Pablo Iglesias et rappellent ses paroles de soutien au peuple sahraoui et la promesse électorale de Podemos de reconnaître la RASD.

L’Espagne défend « le droit à la présomption d’innocence, à un procès équitable, à l’assistance juridique, à l’égalité devant la loi et à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements dégradants”, dans le cadre du “respect des principes fondamentaux de l’État de droit et des droits de l’homme ».
Cette déclaration du 19 février du ministère des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération pourrait bien concerner régime marocain, qui maintient dans ses prisons, dans des conditions déplorables, cinquante prisonniers politiques sahraouis condamnés à des peines allant jusqu’à la prison à perpétuité, à l’issue de procès qui ont violé les principes proclamés par le département dont Arancha Gonzalez Laya est la cheffe.
Mais non, le communiqué des Affaires étrangères visait à saluer « avec satisfaction » la libération de deux opposants en Guinée-équatoriale après plusieurs mois de prison « en situation précaire ». Il s’agit d’un énième communiqué du ministère pour montrer la préoccupation et la condamnation du gouvernement espagnol face aux atteintes aux droits humains, atteintes… qui se produisent partout dans le monde, mais jamais si elles se produisent dans le Sahara Occidental occupé par le Maroc,
Quatre jours après la déclaration, la ministre Gonzalez Laya s’est empressée de dire sur Twitter que la réunion tenue par le secrétaire d’État aux Droits sociaux, Nacho Alvarez – adjoint du vice-Premier ministre Pablo Iglesias – avec la ministre sahraouie des Affaires sociales et de la Promotion de la femme, Suilma Beiruk, ne représente pas la position du gouvernement espagnol, qui ne reconnaît pas la RASD (République sahraouie). Il fallait satisfaire son homologue marocain, Nasser Bourita, qui avait protesté contre la rencontre, s’ingérant clairement dans la politique espagnole.
L’empressement de Gonzalez Laya de ne pas contrarier le Maroc s’inscrit dans la ligne de la politique pratiquée par son prédécesseur Josep Borrell, et que celui-ci continue à pratiquer à la tête de la diplomatie européenne. À titre d’exemple, la décision prise par le Bureau du Congrès des députés, avec les voix du PSOE et du PP, de refuser en novembre 2018 la tenue d’une conférence sur le Sahara au siège de la représentation nationale, sur la base d’un rapport du ministère dirigé par Borrell, avertissant que cela pourrait nuire aux relations avec le Maroc. Les parlementaires des autres groupes ont décrit cela comme un acte de lâcheté.
Après l’ingérence marocaine, Pablo Iglesias, deuxième vice-Premier ministre et ministre des Droits sociaux, a assumé, selon Europa Press, la position du ministère des affaires étrangères sur le Sahara, à la déception des Sahraouis et de ceux qui soutiennent la cause. Celui qui a un jour qualifié les Sahraouis de « nos frères qui ne seront pas abandonnés », a déclaré que la position de l’Espagne sur le Sahara était marquée par le ministère des Affaires étrangères et a minimisé l’importance de la réunion de son secrétaire d’État « avec le Front Polisario », en disant qu’elle était organisée par l’ONCE (organisation nationale des aveugles espagnols) et que son seul but était de collaborer avec les mal-voyants. En réalité, le secrétariat d’État a publié sur Twitter que Nacho Alvarez a rencontré « la ministre sahraouie », à laquelle il a exprimé son engagement et sa solidarité avec le peuple sahraoui, un gazouillis qui a ensuite disparu.
À Podemos, il y a eu une réponse et celle qui encore sa coordinatrice en Andalousie, Teresa Rodriguez, a critiqué la « servilité » de la ministre vis-à-vis du régime marocain et a regretté qu’il soit nécessaire de s’excuser auprès du Maroc pour avoir rencontré les autorités sahraouies.
La Coordination étatique des associations solidaires du Sahara (CEAS-Sahara) a estimé que le vice-Premier ministre Iglesias aurait pu, au moins en tant qu’Unidas Podemos, « clarifier et rappeler l’injustice qui a été commise envers ce peuple depuis longtemps, et où l’État espagnol reste responsable de cette violation permanente des droits humains ».
Quand Iglesias défendait la cause sahraouie
Iglesias avait évoqué cette injustice en novembre 2014 lors de la 39e Conférence internationale de soutien au peuple sahraoui (EUCOCO), qui s’était tenue à Madrid. Dans son discours, il avait appelé la communauté internationale, en particulier l’UE et le gouvernement espagnol, à « assumer leur responsabilité » et avait exigé que « la légalité et les droits soient respectés ». « Le Maroc envahit un territoire colonial espagnol, exploitant illégalement ses ressources », a-t-il affirmé, ajoutant : “Nous sommes nés précisément pour être un outil permettant de convertir la dignité, la légitimité et la justice en changement politique », et a conclu par un « Vive la lutte du peuple sahraoui ! »
Les publications spécialisées sur la question sahraouie ont rappelé l’engagement électoral d’Unidas Podemos à soutenir « par des actions concrètes » le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et à établir des « relations diplomatiques de haut niveau » avec la RASD.
La violation des droits humains au Sahara occidental occupé par le Maroc a été rappelée il y a quelques jours à Genève, lors de la 43ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, par Aminetu Haidar, la militante applaudie par Pablo Iglesias à Madrid à l’EUCOCO, où le dirigeant de Podemos s’était engagé à faire siennes les revendications du peuple sahraoui.
Le prix Nobel alternatif 2019 a cité quelques-unes des méthodes du régime marocain contre les citoyens sahraouis : « torture, traitement cruel et dégradant, détention arbitraire, fausses accusations, expulsion du travail, déportation forcée vers les villes marocaines et diffamation par la presse marocaine ».
Aminetu Haidar a ajouté que les violations ont lieu à un moment où « l’accès des observateurs internationaux au territoire occupé est impossible », a-t-elle déclaré le 28 février, le jour même où le Maroc a empêché une commission de parlementaires catalans d’entrer à El Ayoun et trois jours après l’expulsion d’un observateur du Conseil général des avocats espagnols.
La chronique ci-dessous, pour l’information de la ministre Gonzalez Laya et un rappel au vice-Premier ministre Iglesias, énumère certaines des violations des droits humains commises au Sahara occidental occupé et dans les prisons marocaines avec des prisonniers politiques sahraouis en février 2020, selon les données des organisations sociales et des médias sahraouis.
Février sahraoui 2020
3 février – Plusieurs défenseurs sahraouis des droits humains, dont le lauréat du prix Rafto pour les droits de l’homme, Mohamed Daddach, sont blessés lorsqu’ils sont attaqués à El Ayoun au cours d’une manifestation appelée par les mouvements civils sahraouis de l’Intifada pour condamner la tenue de la Coupe d’Afrique de football en salle, que le Maroc a organisée dans la capitale du Sahara occidental. Selon l’activiste Abdelaziz Biay, plusieurs agents civils et en uniforme ont attaqué un groupe d’activistes et d’anciens prisonniers politiques sahraouis et Daddach a été emmené par plusieurs agents dans une ruelle, où il a été battu, insulté et harcelé.
6- L’Observatoire européen pour la protection des défenseurs des droits de l’homme de l’OMCT, lance un appel urgent aux autorités marocaines pour qu’elles garantissent la sécurité physique et psychologique de la militante sahraouie Mahfouda Bamba Lafkir, emprisonnée au Maroc, et exige sa libération immédiate. L’Observatoire demande aux autorités d’occupation de fournir « les soins médicaux nécessaires pour améliorer l’état de santé de la détenue sahraouie, qui a subi une grave détérioration de son état de santé en raison du refus de la direction de la prison de la transférer à l’hôpital ».
14- Une douzaine de jeunes Sahraouis manifestent pour dénoncer le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental, où se trouve la plus longue bande transporteuse de phosphate au monde, permettant aux cargos de transporter les phosphates vers différents pays, où ils sont utilisés dans la production d’engrais. Cette industrie procure des revenus importants au Maroc, tandis que de graves dommages sont causés à la population civile sahraouie, qui est réprimées, opprimées et soumises à des tortures quotidiennes.
13- Le Barreau d’Agadir (Maroc) refuse d’enregistrer l’avocat sahraoui Mohamed Hali pour avoir rencontré des « leaders séparatiste », fait des déclarations « hostiles à l’intégrité territoriale », et s’être fait photographier avec le drapeau de la République arabe démocratique sahraouie (RASD). Il est accusé d’avoir « participé à plusieurs reprises à des activités dans des villes algériennes, dans les camps de Tindouf et dans la zone tampon de Tifariti ». L’avocat sahraoui a présenté sa candidature en octobre 2019 après avoir obtenu un diplôme universitaire et passé un examen complémentaire.
14.- Les autorités d’occupation forcent les familles sahraouies à quitter leurs maisons pour les transformer en soi-disant « consulats » de certains pays africains dans la capitale occupée du Sahara occidental. Les familles sont contraintes de quitter leur maison, dans le cadre d’un plan stratégique marocain visant à normaliser l’occupation.
20- L’avocat d’origine sahraouie, Mohamed Hali, que le Barreau d’Agadir (Maroc) refuse d’inscrire à son organigramme en raison des positions de l’avocat contre la « marocanité » du Sahara occidental, déclare à l’agence EFE qu’il s’agit d’un « acte sans précédent dans l’histoire de la profession d’avocat » au Maroc. Il considère que son adhésion « n’a pas été rejetée pour des raisons éthiques, mais pour des raisons politiques. C’est un acte de vengeance et une honte pour le Barreau qui se considère comme le prolongement des organismes de défense des droits de l’homme ». Le cas de Hali, rapporte EFE, est sans précédent car il y a des avocats sahraouis qui ne cachent pas leurs sympathies pro-indépendantistes et qui, par le passé, ont réussi à s’inscrire auprès des différents organes professionnels, ainsi qu’à défendre devant les tribunaux des accusés sympathisants du Polisario.
21.- Des dizaines de jeunes Sahraouis au chômage manifestent pour exiger du travail et condamner la mort de Mohamed Ali Massik. Des policiers marocains encerclent les manifestants, les insultent et les menacent. Ali Massik est mort en septembre 2016 après de longues souffrances et deux ans de négligence médicale de la part du Maroc, qui n’a pas traité sa maladie rénale. Il était diplômé et avec ses camarades, ils protestaient pacifiquement pour le droit à l’emploi dans les territoires occupés du Sahara occidental.
24.- La jeune militante sahraouie Nafai Al-Hasnaoui est libérée après avoir purgé 2 mois dans la Prison noire d’El Ayoun. Elle a été accusée de « jeter des pierres ».
Selon sa famille, elle a été torturée par les autorités d’occupation marocaines dans la voiture de police et au poste de police. En raison des mauvais traitements et de la torture, Nafai a été très malade en prison, et son ouïe et sa vue sont gravement atteintes.
25.- Le Maroc empêche l’entrée à El Ayoun de l’avocate espagnole Ana Sebastian, qui en représentation du Conseil général des avocats espagnols allait assister au procès du militant sahraoui Khatri Farachi Dadda en tant qu’avocate observatrice. C’est la deuxième fois qu’elle est expulsée du Sahara occidental, la première fois ayant été le 30 août 2018. Les autorités marocaines refusent de parler au personnel du consulat espagnol à Casablanca les interrogeant sur la situation de l’avocate.
25 – L’armée et les forces de sécurité marocaines sont déployées dans plusieurs rues des principales villes sahraouies, ce qui est interprété par les Sahraouis comme moyen de dissuasion de toute tentative d’organisation des actions ou des manifestations pour commémorer le 44e anniversaire de la proclamation de la République sahraouie. Le vice-président de l’Association pour la protection des prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines, Hasanna Douihi, dénonce sur son compte Facebook que sa maison, dans le quartier d’Al-Raha, est sous surveillance policière et que sa famille est exposée aux provocations quotidiennes des agents marocains.
26- Le tribunal marocain d’El Ayoun reporte le procès prévu du militant sahraoui Khatri Farachi Dadda, arrêté le 25 décembre 2019 dans la ville de Smara pour avoir participé à une manifestation pacifique pour l’autodétermination du Sahara occidental. Trois jours plus tard, il a été transféré à la prison noire d’El Ayoun.
27- Hussein Zaoui, un prisonnier politique sahraoui du groupe de Gdeim Izik, est dans un état de santé déplorable selon sa famille et son avocat, Maître Olfa Ouled. Zaoui souffre d’asthme et de diverses douleurs chroniques suite aux tortures qu’il a subies depuis son arrestation en 2010. La famille signale qu’il a de graves problèmes rénaux et qu’il a subi des pertes de sang dans les urines. Malgré les multiples plaintes déposées par le prisonnier politique et son avocat auprès de la Direction Générale de l’administration pénitentiaire et de la Réinsertion Sociale (DGPR) du Maroc, du Procureur Général du Roi et du Conseil National des Droits de l’Homme du Maroc, il ne reçoit toujours pas d’assistance médicale.
28.- Les autorités d’occupation marocaines empêchent d’entrer à El Ayoun une délégation parlementaire catalane, qui n’est pas autorisée à descendre de l’avion, et la forcent à retourner à Las Palmas de Gran Canaria. La délégation est composée de Susana Segovia, députée de Los Comunes ; Ferran Civit, député de l’ERC ; Vidal Aragonés, député de la CUP, Guadalupe Moreno, de l’Agence catalane pour le développement et la coopération ; Oriol Puig, de Sahara Dempeus ; David Minoves, directeur général de Fons Catala, Fonds catalan de coopération au développement ; Gemma Aristoy, présidente de la Coordinadora catalana d’Ajuntaments Solidaris amb el Poble sahraui – Coordination catalane des conseils municipaux solidaires avec le peuple sahraoui – et Toni Royo, de Fons Catala
29.- Un groupe de jeunes Sahraouis sans emploi descendent à nouveau dans la rue à El Ayoun pour réclamer le droit à l’emploi, comme ils le font nuit après nuit dans un lieu où les manifestations sont démantelées par les autorités d’occupation marocaines, généralement avec des arrestations et des tortures. Un des manifestants montre la photo de son frère, Massik, qui est mort de négligence médicale.