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Une personne, une voix pour Israël-Palestine

Gideon Levy 26/01/2020
Le plan de paix au Moyen-Orient de l’administration Trump apporte de bonnes et de mauvaises nouvelles. Il mettra le dernier clou dans le cercueil de ce cadavre ambulant connu sous le nom de solution à deux États – c’est la bonne nouvelle. Il créera également une nouvelle réalité dans laquelle le droit international, les résolutions de la communauté internationale et surtout les institutions internationales n’ont aucun sens.

Tradotto da Fausto Giudice
Remplis de l’espoir que le président usaméricain nous insuffle, dans sa grande miséricorde, commençons par la bonne nouvelle. Une fois sa proposition rendue publique, personne ne pourra plus jamais parler avec sérieux de la solution à deux États. Elle n’a probablement jamais vu le jour, mais maintenant elle est clairement morte. Il n’y a pas d’État palestinien et il n’y en aura jamais.
Le culot de l’USAmérique de soutenir l’annexion israélienne maintenant et la création d’un État palestinien seulement « à l’avenir » – comme si la question brûlante était l’annexion, et non l’occupation – n’est qu’un ornement pour le cercueil. L’Autorité palestinienne, l’Union européenne, les Nations unies, l’establishment juif et la gauche sioniste ne pourront plus évoquer cette option sans se ridiculiser complètement.
Comment les pays européens oseraient-ils mentionner la solution des deux États sans se déshonorer ? Comment la gauche sioniste oserait-elle parler de la création d’un État palestinien ? Où exactement ? Entre Bethléem et Beit Ummar, avec la monstruosité du bloc annexé de Gush Etzion au milieu ? Entre Jérusalem-Est et Jéricho, avec la grande colonie de Ma’aleh Adumim au milieu ? Un Lilliput* palestinien, une Mini-Palestine, un parc miniature avec des maquettes de bâtiments et de personnes à l’échelle réduite dans une démonstration grotesque d’une solution juste.
La vallée du Jourdain et la plupart des colonies de Cisjordanie étant sous souveraineté israélienne, les Palestiniens sont assurés de ne pas avoir d’État, de demi-État, de municipalité ou de quartier à gouverner. Rien d’autre qu’une colonie pénitentiaire. La vallée du Jourdain et la plupart des colonies étant annexées, Donald Trump rend officielle la création de l’État d’apartheid qui sera connu sous le nom d’État d’Israël. Ce que Herzl a commencé à Bâle, Trump l’a terminé à Washington.
Désormais, il sera impossible de laisser la communauté internationale, en particulier le prétentieux et le soi-disant chercheur de bien, continuer à se payer de mots sur la solution des deux États. Cela n’existe pas. Il n’y en a jamais eu. Il n’y en aura jamais. Si la communauté internationale, et avec elle l’Autorité Palestinienne, espèrent un jour résoudre le problème palestinien, elles n’ont qu’une seule voie à suivre : l’établissement d’une démocratie entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Il ne reste plus rien d’autre.
L’Europe, qui s’est transformée en muselière des critiques de l’occupation, doit adopter un nouveau langage, celui de l’égalité des droits. Le monde a deux choix : Il peut reconnaître l’apartheid ou il peut soutenir la solution de l’État unique démocratique. L’Europe ne peut pas continuer à donner l’accolade à Israël et à parler de « valeurs communes » avec un État pratiquant officiellement l’apartheid. Elle devra se souvenir, enfin, comment elle s’est comportée avec le prédécesseur de cet État, l’Afrique du Sud, et comment l’Europe et une variante du mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions ont conduit à la chute de ce régime.
Le président palestinien Mahmoud Abbas et l’AP devront également dire adieu au rêve. Il a été mis de côté. Il a été remplacé par un autre rêve, et ils devront l’assumer, parler son langage et travailler pour le réaliser : ce sera ça ou bien céder à l’apartheid en échange de la poignée de dollars promise par les USAméricains. C’est la même chose pour Israël, bien sûr. Leur rêve, un État juif, a également été mis de côté. Le sionisme est terminé. Vous avez gardé le silence, vous avez soutenu, vous avez ignoré. Maintenant, il faut faire avec.
Les nouvelles de Trump et la capitulation du monde, cependant, sont beaucoup plus menaçantes. Trump crée non seulement un nouvel Israël, mais aussi un nouveau monde. Un monde sans droit international, sans respect des résolutions internationales, sans même l’apparence de justice. Un monde dans lequel le gendre du président usaméricain est plus puissant que l’Assemblée générale des Nations unies. Si les colonies sont autorisées, tout est permis.
Ce qui a été gagné avec une force militaire brutale ne sera libéré que par la force. Dans le monde de Trump et de la droite israélienne, il n’y a pas de place pour les faibles. Ils n’ont aucun droit.
Désormais, c’est une personne, une voix : la voix unique de Trump (et Benjamin Netanyahou), ou le vote égal de chaque personne vivant en Israël-Palestine.
Européens, Palestiniens et Israéliens : le temps est venu de choisir entre les deux.
NdT
* Lilliput est une île imaginaire, dans Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, écrit en 1721. Située dans l’océan Indien, au sud de l’Australie, Lilliput est habitée par les Lilliputiens, des hommes de six pouces de haut (moins de quinze centimètres). Lilliput est constamment en guerre contre Blefuscu, une île voisine. Cette île est à l’origine de l’adjectif français lilliputien, défini par le dictionnaire de l’Académie Française dès 1878.