General

Le « chaos créatif » made in USA frappe à nouveau

Alberto Negri 06/01/2020
Incendie. L’objectif de Washington était et est de pulvériser les États arabes et musulmans qui peuvent s’opposer à Israël, le gardien des USA dans la région, et à l’Arabie saoudite.

Tradotto da Fausto Giudice
La nouvelle année usaméricaine s’ouvre sur un autre chapitre déconcertant de la déstabilisation permanente du Moyen-Orient souhaitée par Washington : tu parles d’un retrait des USA de la région. Frapper au cœur le régime iranien et porter un coup à l’appareil de sécurité chiite en Irak.
Tuer le général iranien Qassem Soleimani et son bras droit irakien Abou Mahdi al Mouhandisi, chef des forces de mobilisation populaire des Kataeb Hezbollah : tel était l’ordre de Trump, anticipé 24 heures plus tôt, publiquement, par l’ancien agent des services US Michael Pregent sans d’ailleurs que personne ne le remarque.
NOUS SOMMES EN PLEIN dans ce « chaos créatif » – cette fois aussi avec des conséquences impondérables – que les USA poursuivent depuis une vingtaine d’années avec une détermination criminelle dans notre arrière-cour.
Une décision qui s’inscrit parfaitement dans la stratégie US de bouleversement de l’équilibre précaire du Moyen-Orient qui a commencé avec l’invasion de l’Irak en 2003, s’est poursuivie avec les raids de 2011 en Libye contre Kadhafi, de concert avec la France et la Grande-Bretagne, et a continué avec la guerre par procuration en Syrie contre Assad, un conflit qui a vu les monarchies du Golfe et la Turquie s’engager, avec les djihadistes, à combattre d’abord l’influence iranienne et ensuite aussi celle de la Russie. Tout cela avec le consentement des USA.
L’OBJECTIF de Washington était et est de pulvériser les Etats arabes et musulmans qui pourraient d’une certaine manière s’opposer à Israël, le gardien des USA dans la région, et à l’Arabie Saoudite, le principal acheteur d’armes des USA, lié depuis 1945 à Washington par un pacte de fer signé entre le souverain Ibn Saoud et le Président Roosevelt. La substance du conflit séculaire entre chiites et sunnites, déjà manœuvré avec l’attaque de Saddam Hussein contre l’Iran révolutionnaire en 1980 et relancé en Syrie et au Yémen, réside dans l’objectif d’éliminer tôt ou tard le régime de la République islamique.
L’objectif de déstabilisation permanente a été atteint en Irak, plongé dans le chaos depuis 17 ans, et en partie aussi en Syrie, dans la ligne de mire constante des missiles israéliens. Mais l’influence de Téhéran est restée et demeure en Irak, à Damas et surtout au Liban, où le Hezbollah allié de Téhéran est équipé d’un arsenal de missiles qui a arrêté Israël en 2006. L’attaque US contre Soleimani s’inscrit dans cette logique et ce n’est pas un hasard si le général iranien, maître d’oeuvre de la politique étrangère et pas seulement militaire dans la région, rentrait hier à Bagdad depuis Beyrouth. Il était l’architecte de la résistance chiite qui adressait aussi ses mises en garde directement aux généraux usaméricains comme Petraeus.
LES VENTS DE GUERRE anticipés hier par le titre du Manifesto pour la Libye se sont ponctuellement concrétisées en Irak. Mais ce n’est pas tout : 24 heures avant que Qassem Soleimani et Al Mouhandis ne soient frappés par un drone à l’aéroport de Bagdad, le site Internet de la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya a publié un article de Michael Pregent, ancien agent US et consultant auprès du gouvernement irakien, dans lequel il déclarait explicitement : 3Il est temps de frapper Soleimani et Mouhandis parce qu’ils sont les plus grands ennemis des USA et de l’Arabie saoudite ».
ENTRE AUTRES, l’ancien agent – qui n’est pas si ancien que cela même s’il travaille maintenant pour l’Institut Hudson – nous informait que le secrétaire d’État Mike Pompeo avait appelé au téléphone Hadi Al Amiri, un membre du parlement et chef des brigades chiites pro-iraniennes Al Badr, qui venait de demander le départ des soldats usaméricains d’Irak après l’attaque contre l’ambassade US à Bagdad : bref, il lui avait passé un coup de fil d’avertissement, parce que maintenant tous les alliés irakiens de l’Iran sont dans la ligne de mire.
MAIS POURQUOI LES USA ont-ils frappé Soleimani juste maintenant ? Sa présence et sa capacité d’organisation étaient incompatibles avec les plans usaméricains visant à faire de l’Irak une base opérationnelle anti-iranienne. Les signes de l’escalade en Irak ont déjà pu être observés dans les semaines passées avec les attaques du Hezbollah contre les USA et les ripostes usaméricaines immédiates. Les USA sont en train de plier bagages en Turquie, qui a conclu des accords militaires avec la Russie et l’Iran : Incirlik n’est plus une base sûre pour eux pour entreposer les armes nucléaires ou attaquer l’Iran.
ERDOGAN, qui a également acheté les batteries anti-missiles russes S-400, n’est plus un allié fiable de l’OTAN et a déjà fermé Incirlik après le coup d’Etat manqué de 2016, puis a accordé à contrecœur la base aux USAméricains pour les raids contre le Califat. Les USA ont ainsi renforcé leur présence en Irak, ajoutant 750 soldats aux 5 000 déjà présents et y transférant une partie de leur arsenal balistique et de leurs bombes au cas où les USA attaqueraient la République islamique. Avec, bien sûr, les drones qui auraient pu frapper Soleimani également depuis le territoire irakien. Si cette hypothèse se confirmait, comme l’agent informé Pregent le laisse entendre à la BBC, la tension deviendrait explosive. C’est le « chaos créatif », bébé, et nous sommes en plein dedans.