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Trump contre Biden : impeachment bidon et combat de chiens au cœur de l’Empire

Mário Maestri 06/10/2019
Le 24 septembre, la présidente démocrate de la Chambre des représentants des USA a intenté une action en destitution (impeachment) contre Donald Trump.

Tradotto da Fausto Giudice
Malgré la gravité proposée des faits dénoncés, il s’agit d’une initiative bidon, qui n’arrivera jamais à bon port. La Constitution yankee exige que la Chambre des représentants ouvre le processus d’accusation constitutionnelle à la majorité simple. Celle-ci est garantie. Les démocrates sont 235 sur 435 députés. Toutefois, c’est le Sénat, qui juge et destitue le président, avec deux tiers des voix. Sur les 100 sénateurs, 52 sont républicains. Donc, des mois avant les élections, ni feux d’artifice ni fanfare !
Depuis la prise de fonction de Trump en 2017, le spectre de la destitution a été une arme puissante de l’opposition démocrate, en articulation avec les positions puissantes qui sont restées les siennes au cœur de la grande nation impérialiste. Le Deep State, l’ « État des ombres ou profond », constitué avant tout par les agences dites de sécurité, hypertrophiées aux USA, a continué à exprimer les intérêts des capitaux US hégémoniques, bellicistes et mondialistes, qui se sont vu retirer des rênes par l’Ogre au postiche doré. Les démocrates ont suivi et continuent de diaboliser Trump, avec toutes les armes dont ils disposent.
Le grand cheval de bataille de l’opposition démocrate a été l’intervention jamais prouvée de la Russie de Poutine dans les élections usaméricaines de 2016, en particulier par la fourniture d’informations, via WikiLeaks, au candidat républicain – les courriels privés d’Hillary ; le sabotage de la campagne de Bernie Sanders pour le Parti démocrate etc. Les enquêtes sur l’intervention ont traîné en longueur, dans le but de faire saigner Trump, de l’immobiliser et de déterminer son administration. John Brennan, l’ancien directeur de la CIA en 2013-2017, sous l’administration démocrate et au début du règne républicain, a accusé Trump de trahison lors de la conférence de presse tenue à Helsinki après une réunion privée avec Poutine le 16 juillet 2018.
Globalistes unipolaires contre globalistes multipolaires
Le combat de chiens entre les Démocrates et Trump exprime le choc de deux puissantes factions du capital -pas seulement US- que l’on peut définir sommairement comme, d’une part, l’hégémonique, favorable à la mondialisation usaméricaine unipolaire, soutenue par la force militaire, représentée aujourd’hui par les démocrates, et, d’autre part, les protectionnistes, favorables à une mondialisation multipolaire, soutenue par une forte économie industrielle usaméricaine reconstruite. Cette dernière a partiellement repris les rênes des USA avec la victoire de Trump, un outsider républicain.
L’option d’une mondialisation sans frein a engendré d’énormes profits pour le capital hégémonique US, mais elle a entraîné la désindustrialisation et le vieillissement de l’économie du pays ; elle a énormément endetté l’État ; elle a alimenté la locomotive chinoise débridée, qui aujourd’hui mord les talons de l’oncle Sam. Fortement ancrée dans l’industrie de l’armement et dans le capital financier, elle a maintenu l’hégémonie fondée sur la domination militaro-diplomatique mondiale, qui a assuré la dictature du dollar comme monnaie mondiale. Cette stratégie a régné souverainement, et sous une forme presque totale pendant un peu plus d’une décennie de monopole usaméricain, après la dissolution de l’URSS en 1990.
Cependant, avec l’expansion économico-militaire chinoise, en alliance avec la Russie reconstruite de Vladimir Poutine, remettant en cause la domination économique et militaire usaméricaine, ainsi que le dollar lui-même comme monnaie internationale d’échange et de commodité, le maintien du monopole usaméricain a exigé une guerre économique et surtout des confrontations militaires partielles, qui puissent saper l’économie et le consensus social en Russie et, surtout en Chine, considérée comme l’adversaire des USA au XXIe siècle. Pour cela, il fallait détruire les alliés des ennemis – Syrie, Libye, Iran – et établir un contrôle de fer sur les alliés des USA. Avec Obama, on est revenus à l’ère des putschs durs et soft en Amérique latine – Paraguay, Honduras, Équateur, Brésil, etc.
Hillary Clinton, la ” dame aux mains ensanglantées “, au département d’État de 2009 au 2013, a été responsable de la destruction de la Libye et, surtout, de l’organisation de l’hécatombe qui a frappé la Syrie en 2011. Parfaite alliée du sionisme israélien, elle a promis que, si elle était élue, elle établirait, par la force des armes usaméricaines, une “zone d’exclusion aérienne” et “libre de conflit” en Syrie, ce qui conduirait inexorablement à une confrontation directe avec la Russie. Trump, quand il était candidat, commenta le plan pyromane ainsi : « Si on écoute Hillary, on finira par une troisième guerre mondiale ».
Réindustrialiser les USA
Donald Trump a exprimé avant tout le capital industriel et commercial concentré sur le méga-marché domestique usaméricain, soit environ 24% du PIB mondial. C’est le marché intérieur qui a assuré l’expansion initiale des USA à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, menant le pays au statut de première nation industrielle du monde. Trump a proposé de ramener à la maison les industries qui étaient parties à l’étranger en général et en Chine en particulier. Il s’est engagé à investir dans les écoles, les routes, les ports, les aéroports et le logement. L’industrie de la construction est une machine puissante qui crée des emplois.
Pour rendre son programme viable, il réduirait les dépenses militaires à l’étranger, fermerait les bases disséminées dans le monde entier et ramènerait au pays des milliers de soldats dont les dépenses profitent à l’économie des pays où ils sont en poste. Il mettrait fin aux interventions militaires en cours, notamment en Afghanistan, une véritable guerre sans fin, et n’en déclencherait aucune autre. Il obligerait les riches alliés de l’Europe et de l’Asie à payer pour leurs défenses, fabriquées par les USA. Il établirait une politique de bon voisinage, principalement avec Poutine, cherchant ainsi à mettre fin au rapprochement entre la Russie et la Chine. 
Surtout, il mettrait un terme au commerce mondial mondialisé, sans restrictions, en promouvant des accords bilatéraux et autres qui favoriseraient et protégeraient l’économie usaméricaine et la production nationale. Le programme de Trump a reçu l’appui, avant tout, de la classe ouvrière blanche, d’un grand nombre de travailleurs noirs et même de Latinos régularisés, qui étaient d’accord avec la proposition de répression contre le travail des immigrants clandestins. Hillary, en plus de beaucoup de guerre, s’est présentée comme une défenseure des droits civils des homosexuels, des lesbiennes, des femmes et des Noirs. En d’autres termes, la politique typique des libéraux new-yorkais. Elle n’a jamais réussi à dépasser son image élitiste et de représentante de l’establishment dominant, et en parallèle elle s’est enrichie, associée à son mari.
Donald Trump a assuré les républicains de la victoire, sans espoir de l’obtenir, avec un programme qui n’était pas, cependant, celui du noyau central du parti. De plus, l’approche belliciste extrême d’Hillary était partagée par les néo-conservateurs, qui étaient représentés au sein de l’administration de Donald Trump, forcé de faire des compromis avec eux. L’un des principaux représentants néoconservateurs était John Bolton, 71 ans, conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale en 2018-2019, qui vient d’être défenestré par Trump. Il était en travers de la gorge du président, exigeant qu’il envahisse le Venezuela, attaque la Syrie, bombarde l’Iran, lâche les chiens contre Poutine. Tout ce que Trump avait promis de ne pas faire et n’avait pas l’intention de faire. Après l’avoir renvoyé, Trump a dit qu’il avait “passé les bornes” sur le Venezuela !
Arme commerciale
Sous la pression de la faction néocon incrustée, Trump a été à deux doigts des aventures militaires, sans jamais s’y engager effectivement. Au contraire, il a usé et abusé des sanctions, des pressions et du blocus commercial contre la Russie, Cuba, l’Iran, la Corée, etc. Dans l’attaque générale contre la Chine, il a recouru sans restrictions à la taxation des biens et services exportés vers les USA, provoquant également des pertes énormes pour le capital mondialisé des USA, qui a d’innombrables usines, enjeux et intérêts en Chine. Il est allé plus loin, essayant de paralyser des entreprises chinoises de pointe, comme Huawei, pour forcer le pays à négocier à ses conditions.
Les USA ont été surpassés dans d’innombrables secteurs technologiques par la Chine et la Russie. Un bon exemple est le G5 et l'”Internet des objets”, avec d’énormes retards de la part des entreprises usaméricaines. Les USA sont incapables de faire avancer de grands projets économiques mondiaux, tels que l’initiative de la Ceinture et de la Route et les Nouvelles routes de la soie. Dans de nombreux secteurs de l’industrie d’exportation militaire, les Russes surclassent les USAméricains en termes de prix et de qualité. Le récent fiasco de la défense aérienne en Arabie saoudite en est un exemple éclatant. Poutine n’a pas raté m’occasion, offrant au pays ses S-400 ! De plus en plus, le gouvernement US est forcé de faire pression sur les alliés pour qu’ils achètent ses armes. Il pratique la diplomatie du bâton, sans la carotte.
Le postulat belliciste unipolaire des USA de domination du monde par la force militaire est similaire à celui de l’Empire romain déclinant, qui n’avait plus l’hégémonie économique pour soutenir sa domination mondiale axée sur la Méditerranée. L’hégémonie par la force peut garantir d’énormes profits pour l’industrie de guerre, le pillage des nations soumises et l’orgie d’’émission de dollars et d’obligations publiques. Dans le même temps, elle conduit inévitablement à une confrontation militaire généralisée. Plus réaliste, Donald Trump avance la stratégie d’un monde multipolaire, avec une place pour la Chine et la Russie, dans le contexte d’une économie usaméricaine reconstruite qui dépasse qualitativement l’expansion des dix dernières années, largement dopée par la reprise de la production de gaz et de pétrole dans le pays.
Treize mois cruciaux
Dans treize mois, une élection présidentielle aura lieu aux USA. La réélection éventuelle de Donald Trump garantira la possibilité de faire avancer son projet original, débarrassé de nombreux obstacles de la première administration. Ce serait une terrible défaite pour un grand capital mondialisé. Pour ce faire, il doit réussir les négociations avec la République populaire démocratique de Corée, avec la République islamique d’Iran et surtout avec la Chine, qui célèbre les soixante-dix ans de sa fondation moderne. Un éventuel accord avec le Venezuela lui-même n’est pas impensable. Cette renégociation est également essentielle pour ne pas plonger l’économie usaméricaine et mondiale dans une dépression générale qui liquiderait son gouvernement avant ou après les élections. Tout porte à croire que Trump se prépare à cette opération, qui sera exécutée dans les mois à venir.
L’expansion de l’économie usaméricaine fait le jeu de Trump, même si la menace de dépression de l’économie mondiale est annoncée. Le chômage a reculé à des niveaux historiques – 3,7 %. En d’autres termes, le pays connaît pratiquement le plein emploi. Mais en général, ce sont de mauvais emplois, précaires, partiels, à bas salaires. Le pouvoir d’achat des travailleurs usaméricains est encore à des années-lumière du niveau des “années dorées” 1960. Et la réindustrialisation du pays, en faveur du capital, exige qu’il poursuive la surexploitation de ses travailleurs, surtout si le flux migratoire latino-américain est interrompu.
Le candidat de l’establishment démocrate est Joe Biden, 76 ans, ancien vice-président d’Obama, qui se présente en promettant de restaurer le pouvoir usaméricain sur la scène mondiale. En d’autres termes, revenir dans le monde en gros sabots, par le fer et par le feu. Pour être désigné candidat démocrate, il doit affronter deux concurrents puissants de la nouvelle gauche démocrate : le socialiste Bernie Sanders, 78 ans, qui vient d’être hospitalisé pour problèmes cardiaques, et Elizabeth Warren, 70 ans, une centriste. En 2016, le même affrontement entre la droite et le centre-gauche démocrate a provoqué une forte usure de la candidature d’Hillary Clinton, qui, donnée favorite, a connu une défaite cuisante, dont elle ne s’est pas encore remise.
Joe Biden a un squelette dans le placard qui a motivé la tentative de destitution de Trump de la part du parti démocrate. Immédiatement après le coup d’État du 18 février 2014 en Ukraine, dans le cadre de l’offensive d’Obama contre la Russie le 18 avril, Robert Hunter Biden, fils du vice-président de l’époque, a été nommé membre du conseil d’administration de Burisma Holdings, le principal opérateur gazier d’Ukraine. Lorsque les actions obscures de la méga-entreprise ont commencé à faire l’objet d’une enquête, Joe Biden, à la vice-présidence, a exigé la démission du procureur ukrainien fouineur, menaçant de réduire l’aide à ce pays d’un milliard de dollars. C’est seulement en 2019 que son fils n° 2 a laissé tomber la tétine des millions ukrainiens. Il participe également à d’autres business internationaux.
La tête du fils pour 250 millions de dollars
Le 25 juillet, lors d’une conversation téléphonique avec le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelenszy, Trump aurait suggéré d’élargir son enquête sur ces faits obscurs, menaçant de suspendre le versement d’un prêt de 250 millions $ au pays. Ce qui est faux, du moins en ce qui concerne le prêt, qui a été accordé avant la conversation. La dénonciation vise à tuer deux lapins ukrainiens d’un seul coup de bâton démocrate. Transformer la défense de Biden père et fils en attaque et concentrer la campagne contre Trump dans sa tentative de saboter, de l’extérieur, son concurrent démocrate le plus fort, qui, sur le plan économique, a peu de choses à dire.
La dénonciation de la conversation est née d’une grave irrégularité provenant du Deep State : un membre de la CIA aurait utilisé son accès fonctionnel privilégié pour révéler la conversation du président et influencer la dénonciation démocrate. Nous ne sommes pas les seuls à avoir nos Moro et Dallagnol qui travaillent dans l’ombre. Maintenant, les démocrates font pression pour la publication des procès-verbaux de toutes les conversations personnelles de Trump avec des chefs d’État, en particulier Poutine. Le Russe vient de rappeler que les conversations bilatérales doivent être rendues publiques avec l’autorisation des deux chefs d’État concernés, ce qui est logique.
La destitution n’est qu’une arme de plus à utiliser par les démocrates et le capital usaméricain et mondial mondialisé contre Donald Trump, dans une campagne féroce, avec du sang dans la bouche et la volonté de tuer. Elle décide simplement des voies à suivre dans l’économie et la politique internationale par les USA, qui restent la nation la plus puissante du monde. La manœuvre pourrait nuire à Donald Trump ou même couler la campagne pour la nomination de Joe Biden, qui jure ses grands dieux qu’il n’a jamais parlé avec son gros malin de fiston de ses affaires louches à l’étranger au cours des cinq dernières années !
Les cartes sont distribuées et la partie ne fait que commencer. Il est possible qu’elle soit gagnée ou perdue sur la scène internationale, en raison d’une solution meilleure ou pire pour les relations des USA, en particulier avec la Chine, très importante.
En ce qui nous concerne au Brésil, si Donald Trump gagne, Bolsonase se renforcera, s’il est encore à la présidence, et continuera à se soumettre sans retenue aux USA. Si c’est un Démocrate qui gagne, le camp putschiste soutiendra peut-être comme interprète au Brésil quelqu’un du profil de Rodrigo Maia, Hamilton Mourão ou Dória Júnior*, certainement plus élégants dans l’obéissance à la botte US. Et, surtout, nous devrons baisser la tête, car la fusillade reprendra, peut-être même pire qu’à l’époque d’Obama et de Clinton, avec des résultats difficiles à imaginer. 
* NdT
Rodrigo Maia : président du Congrès des députés depuis 2016, du parti DEM (Démocrates), membre de l’Internationale démocrate-chrétienne.
Hamilton Mourão : vice-président de Bolsonaro, général à la retraite, fils d’un général ayant participé au putsch de 1964.
João Agripino da Costa Doria Junior, alias João Doria Jr. (né en 1957) : maire de São Paulo puis gouverneur de l’État homonyme, après son père, Junior a gagné les élections pour la mairie de la métropole pauliste contre Fernando Haddad (PT) en 2016. Il concluait chacun de ses meetings de campagne en lançant à son adversaire : « qu’il aille se faire voir à Cuba ». Son programme : « moins d’impôts, moins de régulation du marché et zéro entrave à la libre entreprise »…