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S’il existe quelque chose comme une culture meurtrière, c‘est en Israël qu’on la trouve

Gideon Levy 29/08/2019
Voilà ce que le rédacteur en chef du supplément Culture et littérature de Haaretz, Benny Ziffer, a écrit sur sa page Facebook à son retour d’une visite de condoléances dans la colonie d’Ofra* : « En route, j’ai regardé les villages palestiniens à côté des communautés juives, et j’ai pensé que pour les Palestiniens, le meurtre est une forme de sport ou de plaisir, peut-être un substitut à l’érotisme. De ce point de vue, nous n’aurons jamais rien en commun culturellement avec eux. »

Tradotto da Fausto Giudice
Et comme si cela ne suffisait pas, Ziffer écrivait aussi : « En ce qui concerne ce peuple mauvais et indigne qui vit parmi nous, nous ne pouvons qu’aspirer à ce que la terre le vomisse, car il n’est pas digne de cette terre, qui est pleine de sang juif qu’il a versé ».
Son message n’a suscité aucun commentaire. Ziffer a apparemment épuisé toute l’attention qui lui est accordé. En revanche, Yaron London [journaliste, acteur, compositeur de chansons, NdT] a réussi à soulever une tempête momentanée plus importante avec des remarques moins graves : « Les Arabes sont des sauvages. Ils ne détestent pas seulement les Juifs. En plus, ils se tuent les uns les autres. A droite, à gauche, d’est en ouest, des Arabes tuent des Arabes» [Canal 11, 26/8/2019]**.
Plus d’une ligne droite relie London et Ziffer. Leurs commentaires reflètent l’esprit du temps en Israël.
Tous deux étaient autrefois considérés comme des hommes de gauche ; la droite débridée considère toujours London comme tel. Tous deux sont des intellectuels extraordinairement talentueux, brillants, d’une érudition enviable. Il est parfois tentant de dire qu’en raison de leur rare talent médiatique, leurs remarques devraient être pardonnées, de peur que nous ne nous retrouvions avec Ayala Hasson [star télévisuelle, sévit sur Canal 10, NdT] et Yaakov Bardugo [homme d’affaires, likoudnik, commentateur de la radio militaire, NdT]. Contrairement à leur image d’avant-garde, London et Ziffer expriment ce que beaucoup pensent, pour ne pas dire l’opinion majoritaire en Israël, que seules les règles du politiquement correct empêchent de manifester leur consensus.
Plus que racistes, Londres et Ziffer disséminent des mensonges. J’étais assis dans le studio de London quand il a déclamé son propos ; j’ai essayé de répondre en temps réel mais en vain. Je vais donc essayer ici.
Nous avons examiné la dernière décennie ; depuis janvier 2009, ces assassins, ces Palestiniens sanguinaires et meurtriers ont tué 190 Israéliens. Combien de Palestiniens ont été tués par Israël, si épris de paix et de bonté, qui n’aura jamais rien en commun culturellement avec les Arabes ? Environ 3 500. Israël était 18 fois plus meurtrier. C’était pour le sport ? Plaisir érotique ? Bien sûr que non, mais le sang parle : Israël en fait couler beaucoup plus.
Est-il permis de dire que c’est la culture israélienne de verser du sang en gros ? D’après London, oui. Il y a ce qu’on appelle la culture nationale, même si c’est une culture du meurtre. Mais quand on parle de caractéristiques génétiques, c’est du racisme. On peut même généraliser, comme l’a dit London, qu’une généralisation sera toujours injuste envers l’individu et l’exceptionnel. Mais on doit se fonder sur la réalité, et la réalité est que les Blancs éclairés ont, au cours des 100 dernières années, massacré plus de personnes que tous les musulmans et les sauvages réunis. Non seulement Hitler et Staline n’étaient pas musulmans, mais depuis la Seconde Guerre mondiale, les USA, le pays de la liberté, s’est rendu coupable de plus de meurtres que tout autre pays. La plupart de ses tueurs de masse sont incontestablement des non-musulmans.
Quelqu’un qui généralise n’est pas forcément raciste. Mais il peut s’avérer être un menteur. S’il y a une culture du meurtre, elle existe bien en Israël. Les soldats et les policiers qui tirent pour tuer comme premier choix témoignent d’une moralité pervertie. La peur, la haine, l’apitoiement sur soi, le culte de la sécurité, la déshumanisation et un doigt qui démange sur la gâchette sont tous des traits culturels israéliens qui conduisent à cette effusion de sang massive, mais malheur à quiconque ose définir Israël comme ayant une culture meurtrière. Il serait condamné comme antisémite. Le peuple palestinien, d’autre part, est l’un des peuples les plus modérés de l’histoire dans sa résistance violente à l’occupation et à l’injustice. C’est la vérité, c’est indéniable.
Israël aime en fait les généralisations culturelles et nationales, surtout lorsqu’elles glorifient son image. Le “génie juif”, le “peuple élu”, la “morale juive” et “l’Israël éternel” témoignent d’une arrogance sans fondement. Ziffer est en droit de penser que les Palestiniens aiment tuer et London peut penser qu’ils sont des sauvages comparés à nous, les éclairés et les développés. C’est notre droit (et notre devoir) d’y répondre : Il n’y a pas de mensonges plus abominables que ceux-là.
NdT
* Le 7 août, Dvir Sorek, étudiant de 19 ans en propédeutique religieuse pour le service militaire, a été poignardé à mort près de la colonie où vit sa famille. Deux jeunes Palestiniens ont été arrêtés, accusés de ce meurtre. Son grand-père rabbin avait été tué pendant la deuxième Intifada
** Le lendemain, London a émis un communiqué déclarant notamment : « De nombreuses personnalités, en particulier nos spectateurs arabes, ont été blessés par ce que j’ai dit. Dans la nuit, j’ai regardé un enregistrement du programme et j’ai trouvé que je m’étais égaré dans mes propos. Le choix de mes mots n’était pas correct et ils ont raison d’être blessés. Je m’excuse pour cela » Il a également dit qu’il parlait des responsables des pays arabes, et pas des Arabes à l’échelle individuelle. « Je regrette profondément cela et pour dire les choses clairement : Dieu me garde de penser que les Arabes sont des sauvages »