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Un projet d’exploitation minière dans une zone boisée du Minnesota était bloqué… jusqu’à ce que Trump soit élu président

Various Authors 21/07/2019
Ce retournement de situation a irrité les environnementalistes et a attiré l’attention sur un lien inhabituel entre le milliardaire chilien Luksic et la famille du président Trump.

Tradotto da Jacques Boutard

Editato da Fausto Giudice
ELY, Minnesota – Dans les derniers mois du mandat de Barack Obama, un conglomérat chilien perdait une bataille contre le gouvernement des USA à propos d’une mine de cuivre qu’il voulait ouvrir dans une zone de nature vierge du Minnesota.
L’élection à la présidence de Donad Trump, favorable aux milieux d’affaires, a changé la donne en faveur du projet. Dès le début de son mandat, son administration a œuvré, comme le montrent certains courriers électroniques et agendas officiels, pour éliminer les obstacles à l’ouverture de la mine, faisant fi des inquiétudes concernant les dommages qu’elle causerait aux Boundary Waters, une vaste zone protégée de lacs et de forêts longeant la frontière canadienne. 
Les courriers électroniques montrent que des dirigeants de la compagnie minière Antofagasta ont évoqué le projet avec des hauts fonctionnaires, dont le haut conseiller de la Maison Blanche à l’Énergie. Avant même la nomination d’un Secrétaire d’État à l’Intérieur, le département a entrepris le réexamen de concessions moins défavorables à la mine, et a finalement remis en vigueur celles que l’administration Obama avait refusé de renouveler. Et le Service des Forêts a annulé une inspection environnementale qui aurait pu entraver l’activité minière, bien que le Secrétaire à l’Agriculture ait déclaré devant le Congrès que celle-ci aurait bien lieu. Selon un porte-parole du département de l’Intérieur, cette décision rectifiait simplement « une décision précipitée » prise avant l’investiture de M.Trump. Mais plusieurs hauts fonctionnaires des administrations précédentes ont dit être surpris par ce changement soudain concernant un obscur projet minier au Minnesota, qui n’était pas un thème majeur de la campagne présidentielle de M.Trump. Pour la famille du milliardaire Andrónico Luksic, qui contrôle le conglomérat chilien, ce revirement de politique pourrait stimuler ses activités minières. Depuis le changement d’administration, la filiale d’Antofagasta, Twin Metals Minnesota, a fortement augmenté ses activités de lobbying à Washington, dépensant selon des révélations officielles 900 000 dollars.
Mais la percée du projet minier, déjà impopulaire auprès des défenseurs de l’environnement, a fait l’objet d’un nouvel examen et d’autres critiques, en raison du lien curieux existant entre M. Luksic et deux membres de la famille de M. Trump.
Juste avant l’entrée en fonction de M. Trump, M. Luksic a enrichi son portefeuille d’un investissement personnel : une maison de 5,5 millions de dollars à Washington. M. Luksic a acheté la maison dans le but de la louer à un nouvel arrivant fortuné dans la Washington de Trump, selon Rodrigo Terré, président du bureau d’investissement familial de M. Luksic, qui s’est occupé de l’achat. L’idée a fonctionné. Avant même que l’achat ne soit définitif, les agents immobiliers avaient déjà trouvé des locataires : Jared Kushner et Ivanka Trump.
Le contrat de location a préoccupé les experts en éthique et les groupes opposés à l’exploitation minière près des Boundary Waters, et a focalisé l’attention du pays, en particulier de certains membres démocrates du Congrès, sur une question a priori locale.
Le Wall Street Journal a parlé pour la première fois de cette maison en mars 2017. À l’époque, Twin Metals poursuivait le gouvernement fédéral au sujet des concessions minières, mais alors l’administration Trump n’avait pas d’orientation bien définie sur la question. 
Au cours des derniers mois, la vigilance s’est intensifiée. En mars, le député Raúl M. Grijalva, démocrate de l’Arizona et président de la commission des ressources naturelles de la Chambre des représentants, a écrit une lettre aux secrétaires à l’Intérieur et à l’Agriculture pour leur faire part de fortes préoccupations concernant le projet minier.
La lettre disait que les deux ministères avaient agi « en ignorant ouvertement les résultats des enquêtes scientifiques et économiques ». Elle mentionnait également la « coïncidence intéressante » avec la location de la maison Luksic aux parents de M. Trump. Par ailleurs, un groupe du Minnesota opposé au projet minier, Save the Boundary Waters, a qualifié le contrat de location de « profondément choquant » et s’en est saisi pour mettre en cause la politique de l’administration.
La Maison-Blanche et les avocats du couple ont refusé de répondre aux questions visant à savoir si le contrat de location avait été examiné par des fonctionnaires de l’Office chargé des questions d’éthique . « M. Kushner et Mme Trump suivent les conseils d’éthique qu’ils ont reçus lorsqu’ils sont entrés dans la fonction publique », a déclaré Peter Mirijanian, un porte-parole de l’avocat de M. Kushner, Abbe Lowell.
M. Terré a qualifié le bail de simple transaction immobilière qui s’est trouvé impliquer la famille du nouveau président. « Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit de contraire à l’éthique ou d’inapproprié dans cette transaction commerciale », a-t-il dit.
Comme M.Mirijanian, M.Terré a dit que la location n’était pas liée à la mine du Minnesota. « Il n’y a aucune corrélation », a dit M. Mirijanian. Il s’agissait de « deux questions sans aucun rapport » et les lier était « fondé sur des rumeurs et des spéculations sans fondement », a dit M. Terré.
Une porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré que ni M. Kushner ni Mme Trump n’avaient participé aux discussions sur la mine.
Néanmoins, plusieurs experts en éthique disent avoir mis en garde M. Kushner et Mme Trump contre la location de la maison, au regard de cette affaire où était impliquée la famille Luksic avec la nouvelle administration.
« Il n’y a peut-être rien de mal », dit Arthur Andrew Lopez, fonctionnaire fédéral de l’Office de l’éthique pendant deux décennies, et maintenant professeur à la Kelley School of Business de l’Université d’Indiana. « Mais ça ne sent pas bon. »
La richesse enfouie sous la nature sauvage
Les Boundary Waters occupent une place à part dans la géographie des USA : Plus de 400 000 hectares de lacs et de forêts offrent un riche habitat à des milliers d’espèces animales, dont le loup gris et le lynx du Canada. Mais sous la surface, il y a une autre sorte de richesse, près de quatre milliards de tonnes de minerai de cuivre et de nickel, un des plus grands gisements de minerai non exploité au monde, selonles estimations .
Antofagasta, le géant minier de la famille Luksic, a pris le contrôle total du projet en 2015, et ses dirigeants l’ont qualifié d’ « opportunité la plus avancée de l’entreprise au niveau international ». Antofagasta, qui est cotée en bourse à Londres, profiterait de l’emploi croissant du cuivre dans les énergies renouvelables telles que l’ éolien et le solaire. M. Luksic est membre de son conseil d’administration et son frère cadet, Jean-Paul Luksic, en est le président.
L’entreprise a déjà dépensé plus de 450 millions de dollars pour ce projet, géré par sa filiale Twin Metals Minnesota. Elle prétend que le projet créera des centaines d’emplois dans le secteur minier.
La promesse d’emplois est bien accueillie dans l’Iron Range du Minnesota, qui a perdu un quart de ses emplois miniers depuis l’an 2000. « L’industrie minière a un effet massif sur la communauté en termes d’emplois, d’écoles, de tout, » déclare Andrea Zupancich, maire de Babbitt, une ville de 1 500 habitants située près du site minier en projet.
Le bilan environnemental d’Antofagasta, cependant, a soulevé des inquiétudes. Au Chili, la mine de cuivre Los Pelambres de l’entreprise a subi des déversements toxiques, selon des groupes environnementaux. La compagnie a déclaré que la mine n’avait connu que des ” incidents mineurs impliquant des déversements limités ” qui n’étaient pas toxiques, et qu’elle était fière de son bilan environnemental.
Dans une analyse effectuée en 2016, Thomas Tidwell, qui était alors chef du Service des forêts des USA, a mis en garde contre les risques pour les eaux limitrophes de la mine proposée de Twin Metals, y compris la lixiviation de métaux dangereux. L’exploitation minière, concluait-il, risquait de “causer un tort grave et irremplaçable à cette nature sauvage unique, emblématique et irremplaçable “.
Twin Metals a qualifié l’analyse de “truffée d’erreurs” et a déclaré que “les risques environnementaux seront correctement gérés”. 
Cependant, la peur divise les riverains. « L’été nous buvons cette eau», dit Susan Schurke, gérante de Wintergreen Northern Wear, une entreprise de vêtements de loisirs. « Une fois qu’elle sera polluée, ce sera fini. Comment pouvons-nous courir ce risque ? » 
Quand l’ administration Obama a décidé de stopper le projet en 2016, Twin Metals a porté plainte. La compagnie a alors déclaré dans un communiqué que la décision de l’administration menaçait l’emploi et « allait interdire l’accès à certaines des plus grandes ressources de cuivre, de nickel et de platine de la planète — ressources d’importance stratégiques pour l’économie et la défense nationale des USA. »
Au moment même où la compagnie semblait sur le point d’essuyer une cinglante défaite, l’élection de Trump, avec son programme favorable au lobby de l’industrie, a constitué une divine surprise.
Des locataires célèbres à Washington
Sachant qu’une nouvelle administration allait s’installer à Washington, M. Luksic a contacté un agent immobilier de ses relations pour qu’il l’aide à conclure un projet d’investissement : acheter des résidences à Washington, dont une maison de luxe, en vue de les louer.
Avec l’aide du courtier Rodrigo Valderrama, le bureau d’investissement familial de M. Luksic, qui, par l’intermédiaire de personnes morales, possède un portefeuille de biens immobiliers aux USA, a acheté deux immeubles dans la capitale. L’un d’eux ne fut jamais loué, puis fut revendu à perte.
Quant à la résidence de luxe, M. Valderrama a passé des semaines à visiter des maisons et à informer les courtiers immobiliers qu’il avait un client intéressé. Une maison qu’il a visitée sur Tracy Place, dans le quartier de Kalorama, était gérée par la société immobilière Washington Fine Properties.
Mme Trump et M. Kushner avaient recours à la même entreprise dans leur recherche d’une maison à louer. Accompagnés des parents de M. Kushner, ils ont aussi visité la maison de six chambres à coucher de Kalorama, d’une superficie de 650 mètres carrés.
En l’espace d’une semaine, les représentants de M. Luksic ont accepté d’acheter la maison et ont réglé la transaction entièrement en espèces, pendant que leurs locataires prospectifs attendaient que l’affaire soit conclue.
Les deux parties, par l’entremise de courtiers, ont convenu d’un loyer de 15 000 dollars par mois. M. Terré a décrit la résidence comme étant dans le “haut de gamme” du secteur, opinion confirmée par certains agents immobiliers. Pourtant il semble que ce loyer était nettement inférieur à celui que le couple avait envisagé de payer pour une autre maison, selon nos sources.
M. Terré a déclaré que les deux parties étaient au courant de leurs identités respectives avant que le contrat de location ne soit conclu. « Nous avons dit quel était notre nom et celui de mon patron, » a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique. M. Mirijanian a déclaré que le couple avait décidé de louer la maison avant de connaître l’identité du propriétaire. Il n’a pas répondu directement aux questions visant à savoir s’ils avaient pris connaissance de son identité avant de signer le bail.
M. Luksic a déclaré sur Twitter qu’il ne connaissait ni M. Trump ni aucun autre membre de sa famille, et qu’il n’a rencontré M. Trump que brièvement lors d’un match des New England Patriots il y a des années. M. Terré a dit que M. Luksic « n’a [jamais] eu aucune interaction avec la Maison Blanche. »
Les critiques de la famille Luksic disent qu’ils se méfient de ses investissements à Washington à cause des activités passées de M. Luksic au Chili, où il a été accusé de chercher à gagner la faveur de la famille d’un ancien président chilien. La famille Luksic, l’une des plus riches du monde, a des intérêts dans le secteur bancaire, l’industrie de transformation, l’énergie, les transports et la bière.
Mr. Luksic a été attaqué pour avoir rencontré le fils et la bru de Michelle Bachelet, qui à l’époque était candidate à la présidence du Chili, alors qu’ils sollicitaient un prêt de 10 millions de dollars pour leur compagnie auprès de la Banco de Chile, qui était sous le contrôle du conglomérat de la famille Luksic. Après l’élection de Mme Bachelet en 2013, la banque a accordé le prêt.
Un porte-parole de Mme Bachelet a déclaré qu’une enquête sur cette rencontre n’a mené à aucune inculpation. Des représentants de M. Luksic ont déclaré qu’il n’avait jamais parlé du prêt avec Mme Bachelet, et que les régulateurs n’ont trouvé « absolument aucune irrégularité dans le fait que la banque ait accordé le prêt ».
Les obstacles au projet minier commencent à tomber
Les courriels gouvernementaux montrent que les efforts de l’administration Trump pour favoriser les ambitions minières d’Antofagasta ont commencé moins de deux semaines après son entrée en fonctions, quand les fonctionnaires du Département de l’Intérieur ont commencé à réexaminer les concessions. Ce qui ressortait de l’une des premières réunions, selon une personne présente parlant sous condition d’anonymat, c’était que les fonctionnaires devraient se préparer à un changement d’orientation. Les fonctionnaires se sont aussi assurés que le futur secrétaire d’état à l’Intérieur, Ryan Zinke, pas encore en fonctions, soit mis au courant. Dans un courriel, un fonctionnaire du Département de l’Intérieur a parlé à ce sujet d’un « exercice d’alerte à l’incendie ». Les efforts de l’administration en ce sens sont documentés par des milliers de pages de courriels et d’agendas gouvernementaux, dont beaucoup ont été obtenus grâce aux demandes d’accès aux archives de Louis V. Galdieri, un documentariste, et du Sierra Club, Un organisation de défense de l’environnement. Une rencontre capitale a eu lieu début mai, quand le directeur général d’Antofagasta, accompagné d’autres cadres et de lobbyistes, a discuté de la question avec Michael Catanzaro, le conseiller principal de la Maison Blanche pour les questions d’énergie domestique et d’environnement La compagnie a déclaré qu’elle voulait qu’on revienne sur les décisions d’Obama qui, selon elle, étaient illégales et lui infligeaient des « dommages injustifiés » .
Le mois suivant, les fonctionnaires du département de l’Intérieur ont appris que la Maison Blanche avait « exprimé son intérêt pour la question du Twin Metals, » selon un courriel envoyé par un avocat du Département marqué « TIME SENSITIVE » [urgent]. Peu de temps après, des émissaires du département de l’Intérieur se sont rendus sur le site du Minnesota. En décembre de la même année, le Département est revenu sur son refus concernant les concessions à Twin Metals, et la compagnie a retiré sa plainte. Le Département de l’Intérieur a renouvelé formellement les concessions le mois dernier, assorties de quelques restrictions. 
Twin Metals a remporté une autre victoire en septembre quand le Service des Forêts a suspendu ses travaux d’évaluation concernant l’interdiction de l’exploitation minière. Un porte-parole de l’agence a déclaré que celle-ci avait conclu que ni l’étude ni l’interdiction n’étaient nécessaires. Un porte-parole de Twin Metals, David Ulrich, a déclaré que le projet de la compagnie faisait partie d’un effort de longue haleine pour partager son point de vue avec le gouvernement fédéral. Des fonctionnaires de l’administration Obama avaient également visité le site minier, a-t-il déclaré. « Nous avons la certitude de ce que cette ressource minérale de niveau mondial peut être exploitée en toute sécurité avec un impact minimal sur l’environnement, » a-t-il dit dans un communiqué. 
La mine doit encore en passer par un processus d’approbation et d’obtention de permis qui peut durer des années. Les ingénieurs ont effectué des forages pour étudier la nature géologique et hydrologique de la région, et la compagnie prépare un plan d’exploitation. « Le gouvernement précédent avait de grandes exigences, » a déclaré M.Ulrich lors d’une visite à proximité du site des Boundary Waters. « mais les choses n’avançaient jamais. » 
Lors d’ un voyage au Minnesota en avril, M.Trump se réjouissait de la reprise du projet minier. « Sous l’administration précédente, les riches ressources naturelles de l’Amérique ont été mise sous clé », a-t-il déclaré dans un discours prononcé dans une usine de camions. Les changements qui sont survenus depuis lors, a-t-il dit, sont « vraiment assez incroyables ».