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Lorsque l’enfant paraît : Greta Thunberg, entre Minou Drouet et Lisbeth Salander

Rosa Llorens 23/07/2019
Après avoir parlé à la COP24 à Katowice en décembre dernier, à Davos en janvier 2019, aux Parlements européen et britannique en avril et s’être entretenue avec le Pape le même mois, tous deux se congratulant mutuellement, Greta a reçu dimanche dernier, 21 juillet, le Prix Liberté à Caen, en lien avec les commémorations du Débarquement et de la Libération (par les Américains bien sûr).

Ce 23 juillet, elle est invitée à l’Assemblée nationale française par les 162 députés membres du collectif transpartisan pour le climat « Accélérons », à l’initiative de Mathieu Orphelin, ex-Vert et ex-Républicain en Marche resté macronien. En septembre prochain, Greta se rendra à New York pour participer au sommet mondial sur le climat organisé par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Comme elle a annoncé qu’elle renoncerait désormais à se déplacer en avion, on ignore par quel moyen elle s’y rendra.

Greta est une sorte de Cassandre à l’envers : la jeune Troyenne annonçait des catastrophes auxquelles personne ne voulait croire ; la jeune Suédoise voit ses prédictions apocalyptiques aussitôt avalisées par les plus hautes autorités de la planète, qui nous somment de nous prosterner devant ses vaticinations. 
On a déjà souligné l’invraisemblance d’une situation où les hommes les plus puissants du globe écoutent avec componction une adolescente de 15 ou 16 ans (le temps passe) leur faire la leçon : « Vous n’êtes pas assez matures », leur dit-elle, et ils boivent ses reproches comme du petit-lait. 
Ce phénomène de vénération parfois hystérique autour d’un enfant prodige n’est pas nouveau : sans parler de Jésus devant les Docteurs de la Loi, Mozart enfant était reçu à Versailles par Marie-Antoinette – mais ses talents de pianiste étaient indéniables ; plus près de nous, dans les années 50-60, le petit Joselito enthousiasmait le public espagnol – mais sa voix était vraiment celle d’un rossignol. 
Plus proche du cas de Greta est l’affaire Minou Drouet, en 1955 : à 8 ans, elle écrit des poésies que l’éditeur Julliard publie en un tirage limité destiné aux opinion makers, qui s’extasient. Voici comment le journal L’Alsace, dans un article du 5 juillet 2018, « Minou Drouet, génie ou marionnette ? », décrit ce succès :
« La petite, servie à toutes les sauces, devient la coqueluche des médias : défilés de mode, concerts avec Jacques Brel ou Charles Aznavour, lectures dans des boîtes de nuit, premier rôle au cinéma dans Clara et les Méchants, et même audience privée au Vatican où elle est reçue par le pape Pie XII !».
L’Histoire se répète, toujours aussi bouffonne, dans les plus petits détails : François vient seulement prendre la place de Pie XII. 
Las, on soupçonne la mère d’être le véritable auteur des poèmes, et des professionnels avertis, comme Cocteau et Barthes, y reconnaissent un modèle poétique qui remonte au XIXème siècle : « Minou Drouet ? Une naine de 80 ans », juge le premier, qui conclut : « Tous les enfants ont du génie, sauf Minou Drouet ». On pourrait paraphraser la formule : « Tous les enfants sont écologistes, sauf Greta Thunberg ». 
Selon Barthes, qui analyse l’affaire dans Mythologies, la crédulité du public cultivé s’explique par le fait que Minou Drouet vient confirmer la vision bourgeoise traditionnelle (depuis le romantisme) de l’enfance, du génie et de la poésie, conçue comme une accumulation virtuose de métaphores gracieuses. Toutefois, tout en portant un jugement sévère sur la poésie pseudo-drouetienne, Barthes dédouane la petite fille – et devance les accusations d’insensibilité : « …que la société ne se lamente pas hypocritement : c’est elle qui dévore Minou Drouet, c’est d’elle et d’elle seule que l’enfant est la victime. Victime propitiatoire sacrifiée […] pour que la poésie, le génie et l’enfance, en un mot le désordre, soient apprivoisés à bon compte, et que la vraie révolte, lorsqu’elle paraît, trouve la place prise dans les journaux ». 
Il n’y a qu’un mot à changer pour appliquer cette conclusion au cas Greta : elle sert à « apprivoiser » l’écologie, empêcher qu’on ait l’idée de réfléchir, sans pleurs ni invectives, aux moyens d’améliorer concrètement l’état de la planète (quelques exemples en vrac : interdire la pub sur papier, fermer les aéroports des petites villes, interdire les pubs pour des week-ends exotiques en avion, mettre en place une politique ambitieuse de transport du fret par le rail, réduire les échanges internationaux aux produits qu’on ne peut fabriquer ou produire sur place…). 
Il est désormais évident que « Greta » a été inventée par des spin doctors, en réunissant tous les critères qui pouvaient assurer la réussite médiatique du produit. Mais est-ce aller trop loin que de penser que cette fabrication avait en outre un modèle précis, pris dans un roman qui a connu pendant plusieurs années un succès sensationnel, l’héroïne de Millenium, Lisbeth Salander ? 
En tout cas, les ressemblances sont troublantes entre ces deux Suédoises : un physique d’adolescente menue et fragile (Lisbeth et Greta font même exactement la même taille : 1,50 m!), et chez toutes deux un syndrome d’Asperger, qui explique que Lisbeth soit une grande mathématicienne autodidacte, et Greta une grande climatologue tout aussi autodidacte. Il ne manque qu’un élément au tableau : un rôle au cinéma pour Greta, celui de Lisbeth dans un remake de Millenium. 
On peut ainsi voir dans l’affaire Greta un septième tome des aventures de Lisbeth, Lisbeth contre les hommes qui n’aimaient pas la planète ; mais, pour ce volume, les auteurs, à la différence de David Lagercrantz, ne sont pas pressés de se faire connaître*. 
*NdE : le journaliste suédois Andreas Henriksson a révélé sur le site realtid.se que le “produit” Greta a été lancé sur le “marché” par une start-up ciblant le “marché de (l’inquiétude pour) l’environnement” appelée We don’t have time (Nous n’avons pas le temps), créée et animée par Ingemar Rentzhog, avec la participation activé de toute la famille Thunberg, à commencer par la mère de Greta, Malena Ernman et avec le soutien d’une milliardaire suédoise du parti social-démocrate, ancienne ministre du Futur (sic) du gouvernement Stefan Löfven. Tous font partie du think tank Global Utmaning (Défi mondial). Rentzhog a essentiellement fait de la pub payante (pour quelques millions de couronnes) sur Facebook, afin d’attirer des investisseurs intéressés par ce “marché” du catastrophisme soft. Il a attaqué ce marché en décembre dernier, dans les couloirs de la COP24 à Ktaowice, où il proposait des options d’achat d’actions de son entreprise. On pourrait lui suggérer de s’associer à Richard Branson, le patron de Virgin, pour financer un moyen de transport intercontinental “propre” pour Greta, dans le genre montgolfière ou planeur. À suivre…
Editato da Fausto Giudice