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L’affaire de viol en bande à Chypre : Douze petits gars israéliens chopés à l’aube

Gideon Levy 22/07/2019
Nos forces sont entrées en action à la tombée de la nuit. Ils étaient 12, chacun le sel de la terre, venant de la région de Haïfa, de la capitale éternelle Jérusalem et de la capitale du racisme, Afula. Certains d’entre eux, curieusement, étaient même sur le point de rejoindre des unités d’élite de l’armée.

Tradotto da Fausto Giudice
Votre cœur crie vers eux. Laissez-les juste rentrer chez eux en paix. Ils sont maintenant en état d’arrestation, entre les mains des Gentils, et qui sait ce qu’ils vivent là-bas. On dit qu’ils sont menottés, qu’ils ont été battus. On dit qu’ils ont été transférés du côté turc sur le Midnight Express.
Après tout, qu’ont-ils fait ? Ce ne que des petits gars qui en voulaient un peu trop. Ils ont le droit de s’amuser, et comment, avant d’être enrôlés. Ils méritent de lâcher un peu prise. Laissons-les s’amuser un peu. Quel est le problème ? La nation est à leurs côtés. Même leurs mères disent qu’ils sont de bons garçons.
Le récit israélien habituel est clair dans la plupart des rapports d’Ayia Napa à Chypre : le monde entier est contre nous. Nous sommes (à nouveau) les victimes. S’ils n’étaient pas Israéliens, personne ne les aurait arrêtés. Douze enfants juifs en état d’arrestation dans la diaspora : vous réalisez ce que cela signifie ? Ce sont des enfants, évidemment. S’ils étaient Palestiniens, on les appellerait des jeunes hommes.
La victime du viol est une jeune femme, pas un enfant, même si elle a le même âge que les auteurs. Mais chez nous, Israéliens, les jeunes de 16 à 19 ans sont des enfants. Seulement nous aimons nos enfants, c’est pourquoi ils sont les enfants de nous tous. Attendez de voir l’accueil qu’ils recevront à leur retour, en supposant qu’ils reviendront bientôt. Les héros rentreront chez eux, apparaissant avec le maire sur la place principale de la ville.
Des rapports sur l’antisémitisme chypriote sont en cours d’élaboration. Et qui peut faire confiance au système judiciaire chypriote de toute façon ? Il est cruel et primitif, contrairement au nôtre, le plus progressiste et le plus humain du monde. Comment osent-ils, ces Chypriotes, arrêter 12 jeunes Juifs avant leur entrée dans des unités d’élite de l’armée ?
Les parents qui ont dit aux médias, comme circonstance atténuante, que leurs garçons étaient sur le point de rejoindre ces unités étaient inconscients de l’ironie : certains d’entre eux étaient sur le point de servir dans une armée dont la mission principale est l’abus, tout comme ce qui s’est passé cette nuit-là à Ayia Napa. Peut-être que cette nuit-là était un prélude à l’entraînement de base ?
La victime est évidemment en train d’inventer, les suspects sont des victimes, toute l’histoire israélienne est concentrée dans une nuit dans la chambre 723. S’ils étaient soupçonnés d’avoir violé une femme juive israélienne, votre cœur ne leur tendrait pas la main de la même façon. Mais ils sont soupçonnés d’avoir violé une goy, une shiksa, une petite pute, et c’est une toute autre histoire. Ce n’est pas dit explicitement, évidemment, mais c’est planté profondément dans le sous-texte des niouz, enrobé d’un mince vernis de décence et de correction sous lequel les vraies émotions jaillissent et bouillonnent.
Si seulement on pouvait dire à haute voix ce que beaucoup d’Israéliens ressentent à propos de cette nuit-là : un mélange de chauvinisme mâle et de suprématie ultra-nationaliste. Ces garçons restent le sel de la terre. Ils ont baisé un shiksa et maintenant ce sont les victimes.
Il s’agit en apparence d’une solidarité nationale réconfortante. En fait, c’est du tribalisme et du nationalisme ténébreux et borné, aveugle et réflexif, révoltant. Nos enfants sont toujours justes – nous sommes le peuple élu, toujours les victimes.
C’est la même solidarité affichée avec Elor Azaria, le soldat qui a tiré sur un assaillant qui était déjà immobile au sol, et avec les soldats qui visaient la tête d’un enfant de 10 ans dans le village de Kafr Qaddum, en Cisjordanie, ou avec ceux qui ont tiré sur un enfant de 15 ans escaladant la barrière de séparation près de Bethléem. Les soldats qui tirent sont perçus par la plupart des Israéliens comme des victimes, tout comme les suspects du viol à Ayia Napa, et non comme des ordures. Ils font du mal aux non-Juifs, qui ne veulent que notre destruction. C’est pourquoi ce qu’ils ont fait est bien, tant à Kafr Qaddum qu’à Ayia Napa.
Très peu de choses ont été dites dans les médias israéliens sur la victime, cette pauvre Britannique, ou sur les victimes palestiniennes d’un autre horrible viol collectif, qui dure depuis des années, le viol de l’occupation. Cela pourrait générer une certaine sympathie pour la vraie victime, ou au moins soulever des doutes moraux chez les auteurs. Ceux qui commettent ces actes, dans les deux cas, à Ayia Napa et à Kafr Qaddum, sont nos enfants, les plus purs et les plus innocents de tous les enfants. Osez un peu penser le contraire.