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Isaka varsham : Il pleut du sable au Rayalaseema, en Inde

Palagummi Sainath 15/07/2019
Le changement des modes de culture, le rétrécissement de la couverture forestière, l’explosion du nombre de puits d’irrigation, la mort d’une rivière, entre autres, ont eu des effets dramatiques sur la terre, l’air, les forêts et le climat dans le district d’Anantapur de l’État d’Andhra Pradesh.

C’est un décor classique du cinéma indien : celui du combat dans le désert. Sur un fond de dunes et de ravines, parsemé de quelques maigres buissons, le héros surgit des sables brûlants d’un désert aride pour réduire les méchants en bouillie. En ajoutant plein de chaleur et de poussière à celles qu’offre généreusement la nature, il apporte au film une conclusion heureuse (sauf pour les méchants). D’innombrables films indiens ont tourné de telles scènes dans quelque région désolée du Rajasthan. Ou même dans les ravins de la vallée du Chambal au Madhya Pradesh.
Mais voilà, le décor aride et désolé de la vidéo ci-dessous ne doit rien au Rajasthan ou au Chambal. Il est situé tout au sud de la péninsule, au Rayalaseema, une région de l’Andhra Pradesh. Ce lieu spécifique d’environ 4 00 hectares du district d’Anantapur – autrefois recouvert de champs de millet – s’est inexorablement transformé en désert au fil des décennies. Cela tient à des facteurs souvent paradoxaux, créant le genre d’espace recherché par les équipes de tournage.
Dans le village de Dargah Honnur, où vivent les principaux propriétaires fonciers de ce secteur, nous avons eu du mal à convaincre quiconque que nous n’étions pas en repérage. « C’est pour quel film ? Quand va-t-il être tourné ? » La question était, soit formulée, soit implicite. Certains montraient leur manque d’intérêt en apprenant que nous n’étions que journalistes.
Les réalisateurs du film en télougou Jayam Manade Raa (La Vicoire nous appartient), qui a rendu cet endroit célèbre, ont tourné ces scènes de combat ici entre 1998 et 2000. Comme tous les cinéastes commerciaux dignes de ce nom le feraient, ils ont bricolé leur « plateau » pour renforcer le côté désert. « Nous avons dû arracher nos plantations (ils nous ont indemnisés pour ça) », explique Pujari Linganna, 45 ans, dont la famille possède les 34 arpents où le combat a été tourné. « Nous avons aussi enlevé un peu de végétation et de petits arbres pour que ça ait l’air plus vrai ». L’habileté du cameraman et un emploi savant des filtres ont fait le reste.
Si les créateurs de Jayam Manade Raa tournaient un nouvel épisode aujourd’hui, 20 ans après, ils auraient beaucoup moins de travail. Le temps et la nature martyrisée, en plus de l’activité acharnée de l’homme, ont apporté au désert toutes les améliorations qu’ils pourraient espérer.
Cette scène, tournée dans un décor aride et sauvage (voir la vidéo) n’a pas été tournée au Rajasthan ou au Chambal, mais tout en bas de la péninsule, dans la région de Rayalaseema de l’Andhra Pradesh.
Mais c’est un curieux coin de désert. C’est encore une région agricole, car il y a encore de l’eau juste en-dessous de la surface. « Nous avons trouvé de l’eau à seulement 15 pieds sous terre », nous dit P. Honnureddy, le fils de Linganna. Dans une grande partie de l’Anantapur, les puits d’irrigation ne trouvent pas l’eau à moins de 150-180 mètres. Dans certaines parties du district, ils ont passé la barre des 300 mètres. Pourtant, à l’instant même, nous voyons de l’eau jaillir d’un puits de 10 cm de profondeur. Tant d’eau, si près de la surface, dans un coin aussi chaud et sablonneux ?
« Toute cette zone se trouve sur le lit d’une rivière », explique Palthuru Mukanna, un fermier d’un village voisin. Quelle rivière ? Nous ne voyons rien. « Ils ont construit un barrage il y a une cinquantaine d’années, à environ 25 à 30 kilomètres de Honnur, sur la rivière Vedavathi qui coulait à cet endroit. Notre partie du Vedavathi (un affluent du Tungabhadra, ou Aghari) s’est simplement tarie. »
« C’est effectivement ce qui s’est passé », dit Malla Reddy du Centre Écologique (du Rural Development Trust d’Anantapur) . Peu de gens connaissent la région aussi bien que lui. « La rivière est peut-être morte, mais elle a contribué au fil des siècles à créer une nappe d’eau souterraine constamment exploitée, à un rythme qui annonce une catastrophe imminente. »
Ce désastre ne sera pas long à venir. « Il y a 20 ans, il y avait tout juste un seul forage », explique V. L. Himachal, 46 ans, qui exploite 5 hectares dans la zone désertifiée. « C’était entièrement de l’agriculture pluviale. Aujourd’hui, il y a entre 300 et 400 puits d’irrigation sur environ 400 hectares. Et nous touchons l’eau vers 10-12 mètres, parfois plus. » Ça fait un puits pour 1,2 hectares, ou moins.
Cela fait beaucoup, comme le souligne Malla Reddy, même pour Anantapur, qui « a près de 270 000 puits, bien que la capacité du district soit de 70.000 puits. Et sur ce nombre énorme, près de la moitié sont à sec cette année. »
Alors à quoi servent les puits d’irrigation dans ces badlands [mauvaises terres : terres erodées] ? Qu’est-ce qu’on y cultive ? Ce qu’on remarque le plus dans la parcelle que nous explorons, ce n’est même pas l’arachide omniprésente dans le district, mais le bajra [mil perlé ou petit mil]. Ce mil est cultivé ici pour la multiplication des semences. Pas pour la consommation ou pour le marché, mais pour les entreprises semencières qui ont passé contrat avec les agriculteurs pour ce travail. On voit des plantes mâles et femelles disposées de façon ordonnée en rangées adjacentes. Les compagnies créent un hybride à partir de deux souches différentes de bajra. Cette opération va nécessiter beaucoup d’eau. Ce qui restera de la plante après l’extraction des graines servira de fourrage, au mieux. 
« Nous gagnons 3 800 roupies [= 49€] par quintal pour ce travail de multiplication de semences », dit Pujari Linganna. Cela semble peu, compte tenu de la main-d’œuvre et des soins nécessaires – et du fait que les entreprises vendront ces semences à la même catégorie d’agriculteurs à des prix très élevés. Une autre cultivatrice sur cette même parcelle, Y. S. Shantamma, dit que sa famille gagne 3 700 roupies par quintal.
Shantamma et sa fille Vandakshi disent que le problème de la culture ici n’est pas l’eau. « Nous avons même l’eau au village bien que nous n’ayons pas l’eau courante à la maison. » Leur problème, c’est le sable qui – en plus de l’énorme quantité qui existe déjà – peut s’accumuler très rapidement. Et marcher, même sur de courtes distances, sur un sable de plusieurs pieds de profondeur, peut être très fatigant.
« Il peut tout bonnement détruire le travail que vous avez fait », disent la mère et la fille. P. Honnureddy est d’accord. Il nous montre une bande de terrain, au pied d’une dune de sable, où il avait laborieusement disposé des rangées de plantes, il n’y a pas quatre jours. Maintenant, ce ne sont plus que des sillons recouverts de sable. Ce village, situé à l’intérieur d’une zone de plus en plus aride battue par des vents violents, connaît des tempêtes de sable.
« Trois mois par an, il pleut du sable sur ce village,», dit M. Basha, un autre fermier du désert. « Ça entre dans nos maisons, dans notre nourriture. » Les vents apportent du sable jusque dans les maisons, même celles qui ne sont pas si près des dunes. Les treillis à mailles fines ou les portes supplémentaires ne sont pas toujours efficaces. « Isaka varsham [la pluie de sable] fait partie de nos vies maintenant, nous vivons avec. »
Les sables ne sont pas étrangers au village de D. Honnur. « C’est vrai, ils sont devenus plus intenses », dit Himachal. Beaucoup de buissons et d’arbustes qui formaient des coupe-vent efficaces ont disparu. Himachal parle en connaissance de cause de l’impact de la mondialisation et de l’économie de marché. « Maintenant, on calcule tout en argent. Les arbustes, les arbres, toute la végétation est partie parce que les gens voulaient utiliser chaque parcelle de terre pour la culture commerciale. » Et « si une pluie de sable s’abat quand les graines sont en cours de germination », dit le fermier M. Tippaiah, 55 ans, « tout est détruit ». Les rendements sont plus faibles malgré l’accès à l’eau. « Nous obtenons trois quintaux d’arachides par arpent (0,4ha), au mieux quatre, dit le fermier K. C. Honnur Swamy, 32 ans, alors que le rendement moyen du district est d’environ cinq quintaux par arpent.
Ils ne voient aucun intérêt aux coupe-vent naturels ? « Ils ne chosissent que des arbres qui ont une valeur commerciale », dit Himachal. Ceux-là, inadaptés à ces conditions, peuvent ne pas pousser du tout ici. « En plus, les autorités disent tout le temps qu’elles vont nous aider à planter des arbres, mais rien ne vient. »
« Il y a quelques années », dit Palthuru Mukanna, « plusieurs représentants du gouvernement se sont rendus dans la zone des dunes pour une inspection. » Leur safari dans le désert s’est mal terminé et leur 4×4, enlisé dans le sable, a dû être remorqué par les villageois avec un tracteur. « Nous ne les avons plus revus depuis», ajoute Mukanna. Il y a aussi des périodes, dit le fermier Mokha Rakesh, « où le bus n’arrive même plus jusqu’à l’autre côté du village. »
La disparition des arbustes et de la forêt est un problème dans toute la région du Rayalaseema. Dans le seul district d’Anantapur, 11 % de la superficie est classée comme « zone forestière ». Le couvert forestier réel a chuté à moins de 2%. Cela a eu un impact inévitable sur le sol, l’air, l’eau et les températures. La seule grande forêt que l’on voit à Anantapur est la jungle des éoliennes qui constellent le paysage, même en bordure du mini-désert. Elles ont poussé sur des terres achetées ou louées à long terme par des entreprises productrices d’énergie éolienne.
De retour à D. Honnur, un groupe de cultivateurs du désert nous assure que les choses ont toujours été ainsi. Ils présentent ensuite des preuves irréfutables du contraire. Les sables ont toujours été là, oui. Mais leur force, cause des tempêtes de sable, s’est accrue. Il y avait plus d’arbustes et de couverture arborée autrefois. Il en reste très peu. Ils ont toujours eu de l’eau, oui, mais on apprend ensuite que leur rivière est morte. Qu’il y avait très peu de forages il y a vingt ans, qu’il y en a des centaines aujourd’hui. Chacun a à l’esprit la forte augmentation du nombre de phénomènes météorologiques extrêmes au cours des vingt dernières années.
Le régime des précipitations a changé. « Pour ne parler que de la période où nous avons besoin des pluies, je parlerais d’un déficit de 60 pour cent », dit Himachal. « Il y a eu moins de pluies autour d’Ugadi [le Jour de l’An télougou, habituellement en avril] ces dernières années. » Anantapur est touché – de façon limitée – par les moussons d’été [de juin à septembre, NdT] et d’hiver [à partir de septembre], mais ne profite pleinement ni de l’une ni de l’autre.
Même les années où le district reçoit des précipitations annuelles moyennes de 535mm, leur fréquence, leur durée et leur étendue ont été terriblement irrégulières. Certaines années, les pluies sont passées de la saison de culture à la période de jachère. Parfois, il y a eu des pluies diluviennes dans les premières 24 à 48 heures, et de grandes périodes de sécheresse ensuite. L’an dernier, certains mandals (cantons) ont connu des périodes de sécheresse de près de 75 jours pendant la période de culture (de juin à octobre). Avec 75 pour cent de la population d’Anantapur vivant dans les zones rurales et 80 % de tous les travailleurs engagés dans l’agriculture (comme fermiers ou ouvriers), cela s’avère dévastateur.
Il n’y a eu que deux années vraiment « normales » à Anantapur au cours de chacune des deux dernières décennies », dit Malla Reddy du Centre d’écologie. « Au cours de chacune des 16 autres années, 2/3 à 3/4 du secteur ont été déclarés touchés par la sécheresse. Au cours des 20 années qui ont précédé cette période, il y avait trois sécheresses par décennie. Les changements sont apparus à la fin des années 80 et se sont aggravés chaque année. »
Un district qui abritait autrefois une grande variété de mils s’est tourné de plus en plus vers les cultures commerciales comme l’arachide. En conséquence, un nombre massif de puits d’irrigation ont été creusés. (Un rapport de la National Rainfed Area Authority indique qu’il y a maintenant des « poches où l’exploitation des eaux souterraines a dépassé 100 pour cent »).
« Il y a quarante ans, nous avions un schéma clair – trois sécheresses en dix ans – et les agriculteurs savaient quoi planter. Il y avait entre 9 et 12 cultures diverses et un cycle de culture stable “, dit C.K.’Bablu’ Ganguly. Il dirige le Collectif Timbaktu, une ONG qui, depuis trois décennies, se concentre sur le mieux-être économique des pauvres des zones rurales de cette région. Son engagement de quatre décennies lui a permis d’acquérir une connaissance approfondie de l’agriculture de la région.
« L’arachide [qui couvre maintenant 69 pour cent des terres cultivées d’Anantapur] nous a fait ce qu’elle a fait en Afrique, au Sahel. La monoculture que nous avons adoptée n’a pas seulement modifié les conditions hydrographiques. Comme l’arachide ne supporte pas l’ombre, les gens enlèvent les arbres. À Anantapur, le sol a été détruit. Mils et millets ont été décimés. L’humidité a disparu, ce qui rend aléatoire un retour à l’agriculture pluviale. » L’évolution des cultures a également remis en question le rôle des femmes dans l’agriculture. Traditionnellement, elles étaient les gardiennes des graines des diverses cultures pluviales cultivées ici. Une fois que les agriculteurs ont commencé à acheter des semences sur le marché pour faire pousser les hybrides commerciaux qui ont envahi Anantapur (comme pour l’arachide), le rôle des femmes a été largement réduit à celui d’ouvrières non qualifiées. En deux générations, beaucoup d’agriculteurs ont perdu le savoir-faire acquis dans l’art complexe de faire cohabiter des cultures nombreuses et variées sur le même champ.
Les cultures fourragères représentent aujourd’hui moins de 3 % des superficies cultivées. « Anantapur avait autrefois l’un des plus grands nombres de petits ruminants du pays », dit M. Ganguly. « Les petits ruminants sont la meilleure ressource – des biens meubles – des vieilles communautés pastorales traditionnelles comme les Kurumbas. Le cycle traditionnel où les troupeaux des éleveurs fournissaient aux fermiers le fumier à base de bouses et d’urine qu’ils étendaient sur leurs champs après la récolte, est maintenant perturbé par la modification des modes de culture et l’agriculture chimique. Dans cette région, la planification a nui aux secteurs les plus marginaux de la population. »
À Honnur, Himachal admet la diminution de la biodiversité agricole locale et ses conséquences. « Autrefois, dans ce village même, nous avions du bajra, du niébé (cornille), du pois cajan, du ragi (éleusine), du millet des oiseaux, du soja vert, des fèves…, » énumère-t-il. « Beaucoup plus faciles à cultiver, mais l’agriculture pluviale ne rapporte pas d’argent. » L’arachide l’a fait, pendant un certain temps.
Le cycle de culture de l’arachide est d’environ 110 jours. Sur cette durée, elle ne couvre le sol, le protégeant de l’érosion, que pendant 60 à 70 jours. A l’époque où l’on cultivait neuf variétés de millets et de légumineuses différentes, chaque année de juin à février, elles offraient à tour de rôle leur ombre protectrice à la terre arable.
À Honnur, Himachal est pensif. Il sait que les puits d’irrigation et les cultures de rente ont été très profitables pour les agriculteurs. Il observe aussi la tendance à la baisse dans ce domaine – qui se manifeste par les migrations croissantes à mesure que les moyens d’existence diminuent. « Il y a toujours plus de 200 familles qui cherchent du travail ailleurs », dit Himachal. Soit le sixième des 1 227 ménages enregistrés lors du recensement de 2011 dans ce village du mandal de Bommanahal d’Anantapur. « Environ 70 à 80 pour cent de tous les ménages sont endettés », ajoute-t-il. La détresse agricole est sévère à Anantapur depuis vingt ans : c’est le district de l’Andhra Pradesh où l’on compte le plus de suicides d’agriculteurs. 
« Le temps du boom des puits d’irrigation est révolu », dit Malla Reddy. « Il en va de même pour les cultures de rente et les monocultures. » Tous trois prolifèrent encore, cependant, sous l’impulsion de cette mutation fondamentale, de la polyculture vivrière à la « création de produits destinés à de nouveaux marchés. »
Si le changement climatique n’est que le signe que la nature se réinitialise, alors, qu’est-ce que nous constatons à Honnur et à Anantapur ? En outre, à ce que nous disent les scientifiques, le changement climatique intervient sur de très vastes régions et zones naturelles – Honnur et Anantapur ne sont que des unités administratives, de simples points sur la carte, trop petits pour être pertinents. Se pourrait-il que des changements à grande échelle concernant des régions beaucoup plus vastes puissent parfois aggraver les phénomènes bizarres qui se produisent dans les sous-régions de ces régions ?
Presque tous les éléments du changement local résultent de l’intervention humaine. L’épidémie de forages, le passage massif aux cultures commerciales et à la monoculture, la perte de la biodiversité qui pourrait être la meilleure défense d’Anantapur contre le changement climatique, l’épuisement continu de la nappe phréatique, la destruction de la mince couverture forestière dans cette région semi-aride ; la dégradation de l’écologie des prairies et une grave dégradation des sols ; l’intensification de l’agriculture chimique poussée par l’industrie ; l’effritement des relations symbiotiques entre la ferme et la forêt, les éleveurs et les agriculteurs – et la perte des moyens de subsistance ; et enfin la mort des rivières. Tous ces facteurs ont eu un impact évident sur les températures, les conditions météorologiques et le climat, qui ont à leur tour accentué ces processus.
Si l’action humaine, guidée par un modèle de développement économique devenu fou, est un facteur déterminant dans les changements que nous subissons, il y a beaucoup à apprendre de cette région et de bien d’autres comme elle.
« Peut-être devrions-nous fermer les puits d’irrigation et revenir à l’agriculture pluviale », dit Himachal. « Mais c’est trop difficile. »
Le projet de reportages au niveau national de PARI (Archives populaires de l’Inde rurale) sur le changement climatique fait partie d’une initiative soutenue par le PNUD pour saisir ce phénomène à travers les voix et l’expérience vécue de gens ordinaires.