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Le Palestinien Elia Suleiman primé à Cannes

CAPJPO-EuroPalestine 26 mai 2019
Le réalisateur palestinien Elia Suleiman, qui avait été couronné du prix du jury pour l’extraordinaire film “Intervention divine”, en 2002, a été applaudi pendant 6 minutes samedi, lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, alors qu’il recevait une mention spéciale de la part du jury, des mains de l’actrice française Chiara Mastroianni, pour son nouveau film “It Must Be Heaven”.

Dans cette nouvelle comédie dramatique, Elia Suleiman fuit la Palestine à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil, avant de réaliser que son pays d’origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d’une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l’absurde.
Entre Keaton, Tati, Etaix et Kafka”, “It Must Be Heaven” (Cela doit être le Paradis, qui devient “Le Pacte” en Français), est un conte burlesque dans lequel la Palestine se rappelle constamment à Suleiman, qu’il soit à Paris ou à New York.
Le héros (Elia Suleiman) quitte sa Palestine natale, pensant trouver la vraie vie ailleurs. Arrivé à Paris, il découvre des rues désertes, une omniprésence policière, et se retrouve dans des situations absurdes qui lui rappellent son pays. Pensant qu’il en ira différemment à New York, il débarque aux États-Unis et fait le même constat. Au fond, y a-t-il un endroit on l’on soit aussi bien que chez soi ?
Dans interview au Monde, Elia Suleiman répond ainsi :
-Mais vous n’êtes pas interdit en Israël ?
Je n’y suis pas du tout le bienvenu en tout cas. Il y a dix ans, la dernière fois que j’étais à Cannes, on a diffusé en Israël mon discours à la conférence de presse sur un montage d’images d’attentats-suicides à Tel-Aviv. Un de mes amis juif m’a appelé pour me conseiller de rester en France. Je suis resté ici un an et demi sans rentrer. Il y a même eu une discussion à la Knesset pour savoir si je devais être classé comme ennemi d’Israël.
Pensez-vous, comme certains cinéastes y appellent, qu’il faille boycotter les films israéliens ?
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. On ne peut pas boycotter une œuvre d’art, à moins qu’elle soit raciste ou l’œuvre du pouvoir. Je dis : boycottez les produits Isaréliens, ne venez pas à Tel-Aviv aussi longtemps qu’Israël bombardera des populations civiles, mais ne vous en prenez pas aux artistes.
Votre film est dédié entre autres à l’écrivain John Berger, mort il y a deux ans.
C’était mon ange gardien. Je l’ai rencontré à Paris il y a trente ans. J’étais jeune et inculte. Il a été une sorte de mentor.
Inculte, vraiment ?
J’ai arrêté l’école à 15 ans.
Pourquoi ?
Nazareth était un ghetto. Une ville avec nulle part où aller, où apprendre quoi que ce soit, pas même y faire du sport. Sans argent, vous passez vos journées assis à l’arrêt de bus à grignoter des graines de courge et à vous demander ce que tout cela peut bien signifier. De quoi vous pousser à vous échapper. Normalement, les jeunes partent vers la grande ville. Dans notre cas, il n’y avait pas de grande ville, c’était Tel-Aviv, et ce n’était pas notre ville. Moi je me suis enfui à Londres.