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Ronnie Kasrils dénonce l’apartheid israélien et le chantage à l’antisémitisme

EuroPalestine 7 avril 2019
“J’ai combattu l’apartheid en Afrique du Sud, et je vois la même politique en oeuvre dans toute sa brutalité en Israël. 

J’ai connu la prison en Afrique du Sud pour m’être opposé haut et fort au régime raciste alors au pouvoir, et c’est profondément choqué que je vois se répéter les mêmes politiques d’intimidation à l’égard des voix critiques d’Israël à ce jour”, déclare au Guardian Ronnie Kasrils, membre dirigeant de l’ANC, durant le règne de l’apartheid, puis ministre sous Mandela.
Ronnie Kasrils lors du Festival Free Palestine organisé aux Docks de Paris par Europalestine, le 1er novembre 2014.
“En tant que Sud Africain de confession juive, que militant anti apartheid, c’est avec horreur que je vois le déplacement à l’extrême droite du paysage politique israélien à l’approche des élections, et l’impact que cela a sur les territoires palestiniens, et le reste du monde.
Cela fait certes un moment que la répression israélienne sur les citoyens palestiniens, les réfugiés africains, s’est faite de plus en plus brutale. 
Purification ethnique, vols de terres, démolition de maisons, occupation militaire, largages de bombes sur Gaza et violation du droit international ont amené l’archevêque Desmond Tutu, à déclarer que le traitement réservé par Israël aux Palestiniens lui rappelait les années d’apartheid, mais en pire.
Je suis aussi profondément blessé et heurté, de voir que la moindre voix critique vis à vis des pratiques brutales d’Israël se voit menacée, bâillonnée en violation du droit fondamental à la liberté d’expression, triste réalité que je fus à même d’expérimenter il y a peu.
La semaine passée, un meeting public programmé à Vienne dans le cadre de la Semaine contre l’apartheid, et où j’étais invité à participer comme orateur en soutien à la libération du peuple palestinien, fut annulé par le musée où devait se tenir l’évènement. Ceci en raison des pressions exercées par la mairie de Vienne, poussée à réagir de cette manière contre le mouvement international engagé dans le boycott et le désinvestissement d’Israël.
Le régime d’apartheid sud-africain m’avait banni à vie de tout meeting. Aucun de mes textes n’avait droit de cité, en raison de mon opposition à l’apartheid.
Quelle honte, malgré les leçons que nous crûmes définitivement tirées de la lutte contre l’intolérance, de voir les vieux démons ressorti chaque fois qu’il est question de la Palestine, bafouant ainsi le droit à la liberté d’expression.
Durant la lutte en Afrique du Sud, nous étions accusés d’être aux ordres de Moscou, mais de telles insinuations nous laissaient de marbre. Aujourd’hui, la propagande israélienne use des mêmes techniques de dénigrement, reprises inlassablement par ses supporters, en assimilant la moindre opposition à de l’antisémitisme. Cela doit être combattu.
Heureusement, de plus en plus de Juifs s’élèvent de par le monde, pour dénoncer la politique d’Israël. Nombreux parmi les jeunes Juifs s’engagent activement en soutien au BDS, la campagne de boycott et de désinvestissement et de sanctions lancée à l’appel de la résistance palestinienne —une mobilisation pacifique s’inspirant précisément du mouvement citoyen qui, en prenant de plus en pus d’ampleur, finit par se débarrasser du régime raciste en Afrique du Sud.
On peut dresser de nombreux parallèles avec l’Afrique du Sud. 
“Benjamin Netanyahu a déclaré récemment : ” Israël, n’est pas un Etat pour tous ses citoyens… Israël est l’Etat nation du peuple juif – seulement et exclusivement pour les Juifs”.
De semblables déclarations avaient toute leur place, au sein de la classe politique raciste des années d’apartheid dans mon pays.
Lors de la lutte contre ce régime infâme, nous affirmions sans cesse qu’une paix juste ne verrait jamais le jour, tant que l’Etat continuerait sa politique d’oppression raciste à l’égard des Noirs. Et les Blancs eux-mêmes ne pouvaient espérer la moindre sécurité sans une société unie, démocratique assurant la liberté et l’égalité de toutes et tous, Noirs et Blancs.
En revanche, le Likoud de Netanyahou courtise désespérément les partis extrémistes et renonce à toute négociation avec les Palestiniens. Son projet d’introduire un parti de colons extrémistes et un parti terroriste kahaniste au sein de sa coalition gouvernementale est obscène. Son adversaire le plus sérieux est un général accusé de crimes de guerre à Gaza. Tant qu’un régime répressif semblable à celui de l’apartheid régnera, les choses ne feront qu’empirer pour les Palestiniens et pour les Israéliens.
Le mouvement anti-apartheid s’est développé pendant 30 ans, parallèlement à la lutte de libération du peuple sud-africain, et a apporté une contribution décisive au renversement du régime raciste. A l’époque, les Européens ont refusé d’acheter des fruits de l’apartheid ; il y avait des boycotts sportifs ; les dockers, de Liverpool à Melbourne, ont refusé de décharger les cargaisons sud-africaines ; un boycott universitaire a transformé les universités en hauts lieux du combat anti-apartheid ; et les sanctions sur les armes ont contribué à faire pencher la balance contre l’armée sud-africaine.
Au fur et à mesure que le mouvement se développait et que les résolutions des Nations Unies isolaient le régime de Pretoria, la pression s’exerçait sur les partenaires commerciaux et les gouvernements favorables. L’adoption historique par le Congrès américain de la loi globale contre l’apartheid (1986) a constitué un tournant majeur. Lorsque les banques Chase et Barclays ont fermé leurs portes en Afrique du Sud, et ont retiré leurs lignes de crédit, la bataille était presque terminée.
Cela nécessitait un effort organisationnel considérable, une mobilisation et une éducation de base. Des éléments similaires caractérisent le mouvement BDS d’aujourd’hui, qui vise à isoler le régime d’apartheid israélien.
Chaque action a son importance. Faire pression sur les institutions et les entreprises qui se rendent complices des crimes israéliens, et soutenir les Palestiniens en lutte pour leur libération. Il ne s’agit pas de destruction d’Israël et de son peuple, mais bel et bien de travailler pour une solution juste, comme nous y sommes parvenus en Afrique du Sud. C’est le devoir de toute personne éprise de justice, de se mobiliser internationalement en solidarité avec la lutte des Palestiniens, et de contribuer ainsi à l’avènement d’une ère de liberté.
(Traduit par Lionel R. pour CAPJPO-EuroPalestine)