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L’arrière-cour La Colombie, Premier Paillasson des USA en Amérique latine

Antonio Caballero Tradotto da  Fausto Giudice 18/02/2019
« Je n’aime pas ce que je vois dans notre arrière-cour », a déclaré le président US Donald Trump lors de sa rencontre avec le président colombien Ivan Duque. 

Et ce qu’il voit, c’est d’abord son arrière-cour : l’espace ouvert du monde où son pays se sent autorisé à faire ce qu’il veut. Il voit la dictature de Nicolás Maduro au Venezuela, qui ne le préoccupe pas parce que c’est une dictature (son gouvernement en soutient quelques autres) mais parce qu’elle a le soutien de la Russie et de la Chine : deux intrus dans son arrière-cour. Et il voit aussi le “retard” de la Colombie, comme il a dit, dans ses engagements en matière de guerre frontale contre la drogue, imposée comme une obligation pour son arrière-cour.
La conclusion est que Maduro doit être renversé, ce pour quoi “toutes les options sont sur la table” (y compris l’invasion militaire). En envoyant des troupes à travers le territoire de la Colombie ? « On verra », a répondu Trump, ajoutant qu’il avait des plans B, C, D et F : en d’autres termes, que tout dépend de son caprice. Mais l’acquiescement de la Colombie est tenu pour acquis : ses gouvernements sont « de vieux amis ». Et s’il était nécessaire de leur forcer la main, il suffit de leur sonner les cloches à propos du “retard” dans les engagements liés à la drogue : la menace de décertification pour ne pas combattre avec suffisamment d’énergie les cultures illicites de coca et de marijuana qui alimentent le vorace marché US. Duque s’est défendu, alléguant la destruction croissante de ces cultures. Pourtant, celles-ci se développent encore plus que leur destruction coûteuse.
Une incise: pourquoi les cultures illicites croissent-elles ? Parce qu’elles sont rentables. Pourquoi le sont-elles ? Parce qu’elles sont illicites. Et pourquoi sont-elles illicites ? Parce que c’est ce que les gouvernements des USA, de Richard Nixon à Donald Trump, ont décrété depuis un demi-siècle.
Puis le président Duque a pris la parole, lui qui, comme on le sait, parle fluently (couramment) l’anglais : ce n’est pas pour rien qu’il a vécu la moitié de sa vie aux USA. Et il a dit que pour lui, lutter contre la croissance des cultures illicites “est un devoir moral”. Il s’est souvenu de la position pathétique du président du siècle dernier (1994-1998), Ernesto Samper, lorsqu’il avait assuré, pour que son visa d’entrée aux USA ne lui soit pas retiré, que sa lutte contre la drogue venait “de la conviction, pas de la coercition” :
Le président Duque est une carpette des USA.
C’est pourquoi il ne fait aucun doute que, si ces derniers décident finalement d’intervenir militairement au Venezuela pour renverser Maduro, Duque leur prêtera sans rechigner les eaux territoriales colombiennes et les bases militaires qui leur seront nécessaires, les sept bases qui leur ont été cédées par les gouvernements de Santos et Uribe, eux aussi des carpettes. Car il s’agit d’une soumission volontaire qui date de l’époque où le général Santander était vice-président de la Grande Colombie.
La même soumission qui a fait que la Colombie a été le seul pays des Amériques à envoyer des troupes pour combattre pendant la guerre US de Corée, lorsque le président était Laureano Gómez, le plus admiré par Álvaro Uribe. qui est aussi “l’éternel président” d’Ivan Duque. La même soumission volontaire qui a valu à la Colombie le titre de Caïn d’Amérique lorsqu’elle a pris le parti du Royaume-Uni de Mme Thatcher et des USA de M. Reagan dans la guerre d’Argentine pour les îles Malouines, lorsque le président était Julio César Turbay, celui dont le jeune Ivan Duque avait un portrait accroché dans son bureau. Une soumission volontaire qui est, pour ainsi dire, héréditaire. “Respice polum”, avait diagnostiqué en latin il y a cent ans le président Marco Fidel Suárez : il faut regarder au nord.
Comme tant d’autres fois, la position de la Colombie vis-à-vis de ses voisins est entre les mains du gouvernement US.