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Allende, pour mémoire

Hugo Alcayaga Brisso 11/09/2018
Reprendre les rêves des majorités laissés inachevés par le renversement et la mort du président Salvador Allende, le 11 septembre 1973, est aujourd’hui la grande tâche nationale : ce sont des aspirations à une démocratie réelle, à l’égalité, à la justice sociale et aux droits des citoyens qui ne peuvent être contenues indéfiniment par les propriétaires de l’argent qui, profitant des privilèges que leur a laissé la dictature, entretiennent un modèle néolibéral qui exploite des millions de personnes vulnérables, hommes et femmes.

Lorsque le président constitutionnel a été tué à La Moneda par la conspiration militaro-patronale soutenue par l’empire yankee il y a 45 ans, un processus historique sans précédent a été interrompu, qui comptait sur le soutien massif et enthousiaste du peuple et était observé avec admiration dans le monde entier. À, une dictature sanglante s’est installée, qui a kidnappé, torturé et assassiné des milliers de compatriotes tout en démolissant un système républicain qui, jusqu’à présent, n’a pas été restauré.
Allende a toujours dit que l’objectif de son gouvernement était un socialisme adapté aux caractéristiques socio-économiques, politiques et culturelles du pays. C’est pourquoi il a promu un programme de changements révolutionnaires visant au développement et à la dignité de tous, dans une tentative de faire du Chili la première nation appelée à forger une transition vers une société socialiste construite selon un projet démocratique pluraliste et libertaire.
Ce programme a commencé à se dérouler au milieu de l’hostilité du grand patronat atteint dans ses intérêts et de la droite politique déguerpie du pouvoir par les citoyens. L’atmosphère raréfiée s’est rapidement transformé en une conspiration féroce – pénurie organisée, marché noir, attentats, sabotages – derrière laquelle se trouvaient des conspirateurs armés et des civils sournois dépendant de la Maison Blanche qui voyait un petit pays sud-américain échapper à sa domination.
La nationalisation du cuivre fut la principale réalisation du peuple (11 juillet 1971, Journée nationale de la dignité). Il s’agissait d’un pas gigantesque vers l’indépendance économique du Chili et d’un signe puissant de souveraineté contre les grandes entreprises usaméricaines qui avaient fait main basse sur le métal rouge. Ce geste permettait d’obtenir les ressources nécessaires pour les progrès sociaux indispensables qui constituaient la priorité du gouvernement populaire.
Agissant dans le respect absolu d’une Constitution bourgeoise, des progrès ont été réalisés dans la nationalisation des banques et dans l’approfondissement de la réforme agraire, tandis que diverses industries faisaient l’objet d’interventions de l’État et que le secteur de la propriété sociale était créé. Dans le même temps, le revenu national a été redistribué au profit des masses laborieuses, l’une des mesures urgentes pour la recherche de l’équité exigée depuis des décennies.
La classe ouvrière était un pilier fondamental du gouvernement d’Allende, qui comptait quatre ouvriers dans son premier cabinet. Dans son intervention à l’ONU en décembre 1972, le président chilien a déclaré : « Le rôle dirigeant progressiste assumé par les travailleurs dans le changement de la structure du pouvoir, la récupération nationale des richesses de base, la libération de notre patrie de la subordination aux puissances étrangères, sont l’aboutissement d’un long processus historique ».
Le passage violent, à feu et à sang – sans “transition” – d’un régime démocratique, juste, égalitaire et de droits sociaux à un régime antagoniste, excluant, capitaliste, marqué par la concentration des richesses par quelques-uns, la corruption et l’impunité, a été l’expérience la plus traumatisante de la société chilienne au cours de son histoire. Beaucoup de temps s’est écoulé, mais aujourd’hui il y a encore un manque d’unité et de résolution pour briser l’étau antipopulaire et ouvrir des espaces pour un Chili différent basé sur une nouvelle Constitution élaborée par une Assemblée constituante, loin de la dictature mercantile qui contrôle le pays et son peuple appauvri.
Avec l’exemple d’Allende – sa trajectoire, son zèle infatigable pour les classes subalternes, ses efforts unitaires, son courage et son attitude conséquente- il est temps de commencer à structurer un mouvement alternatif populaire solide. Pour cela, une chose s’impose : participation prioritaire des organisations de travailleurs, des forces sociales, des habitants de cités précaires, des étudiants, des femmes et de la nouvelle génération de jeunes politiciens aux mains propres qui apparaissant, suscitant des attentes..
L’héritage patriotique d’Allende est profondément enraciné chez ceux qui ont compris l’ampleur de son message pour le bien du peuple. Son nom est projeté jusqu’à nos jours, associé aux changements radicaux avortés par le crime et la trahison, et ses concepts révolutionnaires constituent un défi pour commencer la reconstruction d’une démocratie complète, pour la défense de laquelle le président héroïque a donné sa vie.