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Au Pakistan, l’appli Zoya relance le féminisme et l’accès à la gynécologie

Solène Fioriti 27-08-2018
Cette application gratuite pour smartphone, a été lancée la semaine dernière en ourdou, pachtoune et pendjabi, les trois langues principales du Pakistan. 

Le contenu de Zoya, qui signifie « la vie » en Ourdou, est destiné aux femmes et aborde essentiellement des problématiques gynécologiques, à commencer par les règles. Soit un sujet très sensible dans ce pays conservateur, présenté dans tous les classements internationaux comme l’un des plus dangereux au monde pour les femmes.
Zoya est aussi le prénom de la mascotte de cette application, elle se présente sous les traits d’une jeune femme non voilée et sur un scooter – une image peu représentative des quelque cent millions de Pakistanaises qui arborent traditionnellement un voile de couleur. Elle a toutefois une allure « moderne », à laquelle tenait Danielle Sharaf, la jeune chef d’entreprise qui l’a créée.
Quand on accède à l’application Zoya, un menu propose toute une série d’options, comme calculer le cycle menstruel ou de lire des articles pédagogiques sur des problématiques gynécologiques. Il y a aussi un onglet « symptômes » qui permet d’isoler sur un corps nu la zone à l’origine de douleurs et d’avoir ainsi accès à des diagnostics très simplifiés. Au Pakistan, l’accès aux structures de soin est quasi inexistant pour près de la moitié des habitants.
Les icônes sont naïves et parlantes, ce qui est réussi, et un petit micro permet d’entendre les articles plutôt que de les lire, conçu pour les femmes analphabètes. Dans certaines régions, comme au Baloutchistan, les chiffres de l’analphabétisme féminin restent alarmants : elles y sont seulement 24% à savoir lire et écrire.
Fierté des règles, repenser les codes du patriarcat : Zoya n’est pas qu’une application « médicale »
Zoya joue presque dans la provocation, avec des slogans féministes assez évocateurs du type « laissez-nous saigner en paix » ! C’est parce que la question des règles, à la croisée des problématiques de santé publique et des droits des femmes, s’étend à tout le sous-continent indien.
Il y a un peu plus d’un an à Lahore, au Pakistan, des étudiantes ont accroché des serviettes hygiéniques au mur de leur université pour protester contre cette honte sociale qui pèse sur les règles. Il y a eu aussi cette figure célèbre « l’homme à la serviette hygiénique » dans le sud de l’Inde, dont l’histoire a donné un film. Il avait conçu lui-même des protections menstruelles bon marché au début des années 2000 – au départ pour les femmes de son village.
En 2017, un institut de recherche estimait que 79% des Pakistanaises ne contrôlent pas l’hygiène de leur cycle menstruel. Certaines tassent des bouts de tissus ou de la cendre dans leurs sous-vêtements, d’autres n’ont pas accès à l’eau, ni à leur école ni dans leurs foyers.
Au Pakistan, il est difficile de se battre contre cette injustice faute de moyens et d’éducation. Dans un pays où les cours portant sur la sexualité sont toujours interdits dans les écoles à cause des pressions des religieux, les initiatives comme Zoya, très rares pour le moment, sont porteuses d’espoir.