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Rohingyas: Amnesty international veut des poursuites contre le chef de l’armée birmane

Courrier International, 27.06.2018

Le chef
de l’armée birmane et 12 autres haut gradés responsables d’une “offensive
systématique et orchestrée” contre les musulmans rohingyas, doivent être
poursuivis pour crimes contre l’Humanité, a accusé mercredi Amnesty
international, qui demande la saisine de la Cour pénale internationale.
Des
réfugiés rohingyas, fuyant les violences en Birmanie, arrivent à Palongkhali,
près d’Ukhia, le 16 octobre 2017 au Bangladesh – AFP/Archives
“Le
déferlement de violence de la part des forces de sécurité (…) – meurtres, viols,
actes de torture, destruction par le feu et famine induite – n’est pas le fait
de quelques soldats ou unités livrés à eux-mêmes”, a estimé Matthew Wells,
d’Amnesty International.
“Une
foule d’éléments tendent à prouver que ces actes s’inscrivent dans le cadre
d’une offensive systématique et parfaitement orchestrée contre la population
rohingya”, a-t-il ajouté.
Entre
août et décembre 2017, plus de 700.000 Rohingyas ont fui une offensive de
l’armée birmane lancée en représailles d’attaques de postes-frontières par des
rebelles rohingyas. Ils ont trouvé refuge au Bangladesh où ils vivent depuis
dans d’immenses campements de fortune.
©
POOL/AFP/Archives. Le chef de l’armée birmane
Min Aung Hlaing, le 3 février
2018 dans la région
d’Ayeyarwaddy
L’étude,
fouillée, “montre que dans plusieurs villages”, “des hommes, des
femmes et des enfants” ont été “massacrés”. “Dans les
villages de l’État Rakhine, les forces de sécurité de Birmanie ont violé et
commis d’autres actes de violence sexuelle contre les femmes et les filles
rohingyas et ont brûlé des centaines de villages”, accuse l’ONG.
L’ONU
condamne elle aussi depuis des mois un “nettoyage ethnique” et
réclame la fin des opérations militaires, un accès sans entrave pour l’aide
humanitaire et le retour des Rohingyas dans leur région d’origine.
-Documents
militaires confidentiels-
Le
rapport de 186 pages accuse nommément de hauts responsables de l’armée et
s’appuie sur des images satellite mais aussi sur des documents confidentiels de
l’armée birmane. L’ONG a interrogé plus de 400 témoins entre septembre 2017 et
juin 2018 au Bangladesh et en Birmanie.
Elle
apporte de nouvelles informations concernant la hiérarchie militaire birmane et
le déploiement des troupes, ainsi que sur les arrestations, les disparitions
forcées et les actes de torture…
©
AFP/Archives. Des maisons incendiées
dans un village à Warpait, dans l’Etat
Rakhine, le 14 octobre 2016 en Birmanie

D’après
Amnesty, le haut commandement militaire a placé en première ligne ses
“unités de combat les plus redoutables”, connues pour avoir déjà
perpétré des exactions. Une décision qui “a eu des conséquences
catastrophiques pour la population rohingya”, écrit l’ONG.

Elle
rappelle par ailleurs que le chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing et
d’autres responsables se sont rendus en personne dans la région, avant et
pendant la campagne de nettoyage ethnique, afin de superviser une partie des
opérations.
Ce
rapport est publié quelques jours après l’annonce de sanctions de la part de
l’Union européenne et du Canada visant sept hauts responsables birmans chargés
de la sécurité, responsables à leurs yeux de graves violations des droits de
l’Homme contre les Rohingyas.
Quelques
heures après, l’armée birmane a annoncé que l’un de ses généraux, cité par l’UE
et le rapport d’Amnesty, avait été renvoyé. Toutefois l’armée n’a fait aucune
mention des sanctions.
Les
Birmans “renvoient des généraux comme Maung Maung Soe et mettent en place
des commissions d’enquête manquant de crédibilité”, analyse Aaron
Connelly, spécialiste de l’Asie du Sud-Est à l’Institut Lowy d’Australie.
“Mais
aucune de ces mesures n’a de chance de marcher, sans mises en examen pour
crimes contre l’Humanité”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Et
mercredi, les autorités birmanes gardaient le silence sur ce rapport et l’appel
d’Amnesty à une saisine de la CPI.