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Pourquoi les violences conjugales augmentent pendant la Coupe du monde

Par Juliana
Bruno, Le Figaro, Le 20 juin 2018

Une étude
britannique avance, chiffres à l’appui, que les brutalités au sein des foyers
augmentent durant les périodes intensives de matchs. Un constat loin d’être
isolé mais difficile à expliquer.
Les
violences conjugales augmentent de 38% lorsque l’équipe britannique
échoue. Photo Image Source / Getty Images

Une femme
assise dans son canapé, les yeux rivés sur son écran de télévision, comme si
son avenir dépendait de l’issue du match. C’est la campagne choc réalisée en 2014 par
l’association britannique « Tender Education & Arts »
. Et c’est
malheureusement parfois le cas dans la réalité, selon une étude de l’université
de Lancaster qui a constaté l’augmentation des violences domestiques selon les
résultats des équipes supportées au Royaume-Uni lors de la dernière Coupe du
monde. Une telle corrélation a déjà été mise en avant dans différents pays mais
il est difficile de pointer les causes exactes de ces violences. Un
dénominateur commun paraît pourtant se dégager : le contexte fortement
émotionnel du foot favorisant la consommation d’alcool, parfois mélangé à une
forme de sexisme.

Une
augmentation de 38% des violences
L’étude
parue alors dans le Journal of Research in Crime & Delinquency s’appuyait
sur les matchs de 2002 à 2010 au cours desquels les Britanniques ont perdu.
Selon ses conclusions, les violences conjugales augmenteraient de 38% lorsque
l’équipe nationale échoue. D’après les chercheurs, une victoire n’assurerait
pas non plus l’absence de coups puisqu’une hausse de 26% est également observée
en cas de triomphe.
En
octobre 2012 déjà, une journaliste de la BBC, Rebecca Cafe, et Allan
Brimicombe, un statisticien, s’étaient intéressés au rapport entre violences
domestiques et Mondial de foot à plus grande échelle. Publiée sur
le site Science Daily, l’étude rapportait
que lors de la Coupe du
monde de 2010 les sévices au sein des foyers avaient augmenté d’environ 30% en
Afrique du Sud, par rapport au même jour de l’année précédente. Le Home Office,
le bureau en charge de la sécurité publique britannique, remarquait la même
tendance en 2006, et dans les mêmes proportions.
Football,
alcool et violence, un cocktail
parfois mortel.
Photo Sean Murphy / Getty
Images

Un
contexte responsable

Loin
d’affirmer que le foot déclenche la violence, le Home Office venait nuancer ses
travaux : «Les grands événements sportifs ne provoquent pas la violence
domestique, car les personnes violentes sont seules responsables de leurs
actes. Mais les niveaux d’alcool consommés, liés à la nature fortement
émotionnelle de ces événements, semblent augmenter la fréquence des incidents»,
comme le note
Les Nouvelles News.
Stuart Kirby,
criminologue et principal auteur de l’étude britannique, avance dans un article
du Guardian
que «la Coupe du monde augmente les facteurs
étiologiques de la violence», ajoutant «qu’il y aura des individus qui
commettront pour la première fois des violences conjugales lors des matchs».
La faute à l’alcool, donc ? Oui, mais plutôt comme un prétexte.
Pour Ryan
Campbell, CEO de l’organisation britannique « Drug, Alcohol and Mental Health
Services »
, «la raison est probablement l’alcool plutôt que le foot
en lui-même, et le lien culturel qui existe entre les deux». Et d’ajouter :
«Pour des raisons inconnues, certains ressentent le besoin d’être alcoolisés
pour regarder un match de foot. Ils prennent cette occasion comme excuse pour
se saouler et agresser. L’association entre le football, la consommation élevée
d’alcool et la violence est alarmante, en particulier quand le tout est mélangé
à une forme de sexisme, d’homophobie et de xénophobie, ce qui est souvent le
cas.»
L’événement sportif serait donc une bonne occasion de s’offrir quelques verres.
Et une très mauvaise excuse pour se défouler sur sa compagne. La Fifa
devrait-elle alors reconsidérer l’un de ses plus importants sponsors, la marque
de bière Budweiser ?
Quant au
sexisme ambiant, il est souvent la résultante d’une culture de gang,
d’hyper-virilité mise en cause non seulement dans le foot mais plus largement
dans d’autres sports d’équipe tels que le rugby ou le football américain.
Agressions masculines explicites sur le terrain et marques d’alcool érigées en
sponsors officiels des plus grands événements sportifs viennent cristalliser ce
contexte « favorable » aux violences conjugales. À quand Evian comme mécène de
la Coupe du monde ? Et L’hymne à l’amour en ouverture des matchs ?