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Manifestation réprimée au Mali: l’opposition s’indigne, l’ONU “préoccupée”

Courrier International, 03.06.2018

L’opposition
au Mali a réclamé la démission du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga
après la répression samedi d’une manifestation, interdite, qui a fait selon
elle une trentaine de blessés, à deux mois de l’élection présidentielle.
Des
manifestants maliens protestent contre le “manque de transparence”
dans la campagne présidentielle, le 2 juin 2018 à Bamako – AFP

Le
secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré “suivre avec
préoccupation l’évolution de la situation au Mali”, où il vient
d’effectuer une visite les 29 et 30 mai, et “les violents affrontements
déclenchés par la tenue de manifestations de l’opposition dans la capitale Bamako”,
selon un communiqué publié dans la soirée.

“Sur
une douzaine de sites, les manifestants aux mains nues ont été attaqués à coups
de grenades lacrymogène et de gourdins”, a dénoncé dans un communiqué le
cabinet du chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, candidat à la présidentielle
prévue le 29 juillet.
“Le
siège de l’ADP (Alliance Démocratique pour la Paix) a été violé par les forces
spéciales de la police, qui y ont jeté des grenades. Les services de sécurité
du Premier ministre ont tiré à balles réelles sur des manifestants
regroupés” devant le siège de ce parti où s’étaient réunis des dirigeants
de l’opposition, selon le communiqué.
L’opposition
assure qu'”une trentaine de blessés ont été admis” au centre
hospitalier universitaire de Bamako. “Trois responsables de l’opposition
ont été violemment frappés sur la tête avec des gourdins et des
matraques”. Deux personnes, dont le politologue et opposant Etienne Fabaka
Sissoko, “étaient dans le coma”, selon la même source.
“L’intention
du gouvernement était claire: terroriser l’opposition et toutes les forces
démocratiques”, poursuit l’opposition, qui “exige la démission du
Premier ministre”. Ses dirigeants doivent s’exprimer lors d’une conférence
de presse dimanche à 10H00 (GMT et locales) et ont déjà appelé à une nouvelle
manifestation vendredi 8 juin.
M.
Guterres a appelé “toutes les parties au calme et à la retenue”
exhorté “les acteurs politiques et de la société civile à privilégier le
dialogue pour maintenir un environnement propice à la tenue d?élections
crédibles et transparentes”, selon le communiqué de l’ONU.
– Malgré
l’état d’urgence –
La
Coalition pour l’Alternance et le Changement avait maintenu son mot d’ordre de
rassemblement malgré l’interdiction décrétée par le gouverneur de Bamako en vertu
de “l’état d’urgence toujours en vigueur”. En milieu de journée, une
source hospitalière avait fait état “d’au moins 12 blessés, dont un
policier”.
Dès le
début de la matinée, la police était intervenue à coups de matraques et de gaz
lacrymogène à plusieurs endroits de Bamako, ont constaté des correspondants de
l’AFP, qui ont vu plusieurs blessés étendus au sol.
Le
ministère de la Sécurité a justifié l’intervention des forces de l’ordre par la
volonté “d’empêcher tout attroupement de nature à troubler l’ordre
public”.
“Les
maîtres mots pour les forces de l’ordre restent professionnalisme, courtoisie
et fermeté”, avait-il indiqué dans un communiqué, en dénonçant les
manifestants qui ont “blessé un policier à la tête” mais sans évoquer
de blessés parmi les manifestants.
Le
secrétaire général de l’ONU “déplore l’interdiction par le gouvernement de
la tenue de manifestations des partis de l’opposition”, a dit son
porte-parole adjoint, Farhan Haq, cité dans le communiqué.
Il
“appelle également le gouvernement malien à assurer la protection des
droits de l’homme fondamentaux et la liberté d’expression et de manifester
pacifiquement, y compris dans le cadre de l’état d’urgence actuellement en
vigueur”, a-t-il ajouté.
L’opposition
réclame des élections transparentes et un “égal accès à l’ORTM”, la
radio-télévision publique.
Le
président malien Ibrahim Boubacar Keïta, 73 ans, a annoncé le 28 mai
officiellement sa candidature à un second mandat. Il retrouvera sur sa route
une quinzaine d’adversaires.