General

L’histoire de Gaza est l’histoire d’un abandon

Roberto
Valent, Chronique Palestine, 18 juin 2018

L’économie
de Gaza s’est effondrée, et les habitants ne peuvent rien y changer.
Gaza,
juin 2017 – Le travail des enfants, dans un tel contexte de pénuries et
pauvreté, est devenu un fait bien trop courant – Photo : ActiveStills.org

Les
conditions humanitaires, socio-économiques, politiques et sécuritaires à Gaza
déclinent inexorablement. La grande majorité des deux millions d’habitants de
Gaza sont pris dans un cycle de violence, de pauvreté et de vulnérabilité
omniprésente créé par les décisions et les politiques suivies.

Roberto
Valent est le Représentant spécial de l’Administrateur du Programme
d’assistance au peuple palestinien du PNUD (PNUD / PAPP).
Casser ce
cercle vicieux est un impératif du point de vue des droits de l’homme et une
responsabilité à l’échelle mondiale.
À la
suite du blocus en
cours
, de trois opérations militaires dévastatrices et d’une
division intra-palestinienne, les perspectives de développement de Gaza ont été
largement détruites ces dernières années. L’ensemble de ces raisons ont causé
l’effondrement de l’économie de la bande côtière déjà assiégée, et ont généré
encore plus de vulnérabilité et d’angoisse pour les habitants.
La
myriade de problèmes et de complications qui affectent actuellement Gaza est
écrasante, et désoriente même pour les personnes les plus aptes à traiter avec
les pays en crise. Aujourd’hui, les femmes, les hommes, les enfants et les
personnes âgées de Gaza sont tous forcés de survivre avec un approvisionnement
en eau contaminé à
95%
. Ils sont également contraints de vivre sans
électricité
pendant 20 heures par jour. Et le monde, apparemment
habitué à la souffrance des marginalisés, ferme les yeux.
Les
habitants de Gaza vivent dans un large réseau de défis qui se renforcent
mutuellement. La croissance économique de Gaza a chuté de 8 pour cent en 2016 à
seulement 0,5 pour cent en 2017, avec près de la moitié de la population en âge
de travailler au chômage. Cela classe Gaza – si on traite le territoire en tant
que pays – à l’échelle mondiale à la deuxième plus forte baisse du produit
intérieur brut (PIB) en 2017 par rapport à l’année précédente, juste derrière
le Venezuela.
Les
secteurs de l’agriculture, de la manufacture, du commerce et de la construction
à Gaza ont connu une baisse sans précédent. Aujourd’hui, l’économie de Gaza
dépend comme jamais auparavant des dépenses de consommation et de l’aide
financière internationale.
Le
resserrement des liquidités et l’augmentation des dépenses de crédit et de la
dette s’ajoutent à la dépression économique de Gaza. C’est un modèle économique
profondément défectueux qui n’a pas été créé par les Palestiniens de Gaza
eux-mêmes, mais renforcé par le blocus israélien.
Le
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans l’État de
Palestine a récemment mené une enquête sur l’état d’esprit qui prédomine au
niveau des ménages à Gaza. 92% des personnes interrogées ont exprimé une
anxiété personnelle liée aux conditions économiques générales, et 87% ont
déclaré que les troubles politiques et civils en cours sont probablement dus à
la mauvaise conjoncture économique.
La
fragilité de l’économie des ménages de Gaza est illustrée par la hausse des
taux de chômage et une forte augmentation des taux de pauvreté – de 39% en 2011
à 53% en 2017 – ainsi qu’une augmentation significative de la grande pauvreté.
Le
travail à temps plein est rare à Gaza. Seulement un cinquième de ceux qui ont
répondu à notre sondage ont déclaré occuper des emplois à temps plein. Un peu
plus disent travailler à temps partiel. Près de 40% des personnes interrogées
actuellement sans emploi ont déclaré que leur chômage durait depuis plus de
cinq ans.
Seulement
11% des femmes et 58% des hommes interrogés avaient un emploi. Seulement 18%
des répondants âgés de 18 à 24 ans avaient un emploi. En d’autres termes,
presque une personne sur deux à Gaza est au chômage et la plupart des femmes et
des jeunes sont sans emploi.
Les
entreprises de Gaza réduisent leur production en raison de la baisse de la
demande des consommateurs, des sanctions financières en vigueur, de l’accès
restreint aux biens et aux matériaux et au manque de liberté de mouvement. La
forte réduction du financement
de l’UNRWA
est un autre contributeur majeur à ce sinistre scénario.
Les entreprises essaient de garder leur personnel mais avec des salaires plus
bas et des heures réduites.
A cause
du blocus, aider la croissance économique par les dépenses de consommation
n’est pas possible à Gaza. De plus, dans la situation actuelle, les habitants
de Gaza ne peuvent pas répondre par eux-mêmes à leurs besoins socio-économiques
si pressants.
Israël,
l’Autorité palestinienne et la communauté internationale devront assumer la
responsabilité de la reconstruction de la base de production de Gaza et du
développement de ses capacités commerciales.
Si l’aide
humanitaire demeure un besoin vital, une réflexion à long terme s’impose pour
réaliser de réels progrès.
La
communauté internationale et le gouvernement
palestinien
doivent prendre des mesures constructives pour mettre
fin au blocus de Gaza, tout en préparant les habitants et l’économie de Gaza à
se rétablir après le blocus.
Cela
implique de se concentrer sur le potentiel à venir de Gaza plutôt que de
condamner le territoire assiégé à un état de crise humanitaire permanente à
travers des politiques à courte vue. Compte tenu de l’augmentation des taux de
chômage et du niveau de pauvreté, il est essentiel de faciliter
l’investissement et de stimuler les revenus des ménages.
Le PNUD
travaille dans les territoires palestiniens occupés depuis quatre décennies.
Nous avons fait d’innombrables interventions qui ont eu un effet positif sur
les conditions de vie des Palestiniens. Beaucoup d’autres organisations
nationales et internationales travaillent aussi sans relâche pour aider le
peuple palestinien. Ensemble, nous essayons de promouvoir un développement
humain durable, de protéger les droits de l’homme et d’aider les Palestiniens à
mener une vie digne.
Pourtant,
l’occupation, le blocus et les divisions intra-palestiniennes empêchent encore
et toujours un développement palestinien.