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Le terroriste d’extrême droite, une menace “grandissante” au Royaume-Uni

Courrier International, 17.06.2018

Le
Royaume-Uni, frappé il y a un an par une attaque contre des musulmans à Londres,
est confronté à une menace terroriste “grandissante” venue de
l’extrême droite et alimentée par la prolifération de discours haineux, qui
force les autorités à réagir.
Des
supporteurs de groupe d’extrême-droite après une manifestation à Douvres, au
Royaume-Uni, le 2 avril 2016 – AFP/Archives
Dans un
pays touché par cinq attentats en 2017, ayant fait 36 morts, “la menace la
plus importante vient du terrorisme islamiste”, a déclaré le ministre de
l’Intérieur Sajid Javid début juin. Mais “le terrorisme d’extrême droite
constitue aussi une menace grandissante”, a-t-il ajouté, en annonçant une
nouvelle stratégie anti-terroriste.
Au cours
des cinq dernières années, quatre attentats terroristes au Royaume-Uni ont été
perpétrés par des “acteurs solitaires motivés à des degrés divers par des
idéologies d’extrême droite”, indique le rapport gouvernemental dévoilant
cette stratégie, baptisée Contest.
Parmi
eux, Darren Osborne, un Gallois de 48 ans qui, le 19 juin 2017, avait projeté
sa voiture sur un groupe de musulmans près de la mosquée de Finsbury Park, à
Londres, tuant un homme et en blessant douze autres. Ce père de famille s’était
radicalisé en quelques semaines, développant une obsession pour les musulmans,
nourrie de la consultation compulsive de contenus haineux sur internet.
En outre,
quatre attaques terroristes d’extrême-droite ont été déjouées depuis 2017,
avait révélé en février Mark Rowley, à l’époque chef du contre-terrorisme
britannique, qualifiant de “préoccupante” la croissance du terrorisme
de droite.
“Il
y a une nette augmentation à la fois du rythme des attaques menées par les
extrémistes de droite et de la gravité, de la létalité, d’une telle
violence”, souligne Matthew Henman, chef du centre international d’analyse
du terrorisme Jane, à IHS Markit, interrogé par l’AFP.

Prêcheurs de haine en ligne –
Si, il y
a quelques années, l’extrême droite se limitait à de petits groupes
anti-immigration aux membres vieillissants, qui présentaient selon les
autorités un très faible risque pour la sécurité nationale, de nouveaux groupes
ont émergé comme l’organisation néo-nazie National Action, ou les groupuscules
Britain First ou Generation Identity et une nouvelle génération d’extrémistes,
plus jeunes et connectés, a vu le jour.
Trois des
cinq “prêcheurs de haine” les plus suivis dans le monde sont
britanniques, cumulant chacun plus d’un million d’abonnés sur différents
réseaux sociaux, relève l’organisation anti-racisme Hope Not Hate. Il s’agit de
Stephen Lennon, connu sous le nom de Tommy Robinson, fondateur de l’English
Defense League, qu’il a quittée en 2013, de Paul Joseph
Watson,
un jeune Anglais dont les vidéos font des centaines de milliers de vues et de
Katie Hopkins, qui avait scandalisé l’opinion en traitant les migrants de
“cafards” dans les colonnes du tabloïd The Sun.
Pour Hope
Not Hate, “les autorités ne parviennent pas à prendre la mesure et à
s’attaquer à cette menace d’extrême droite en ligne croissante et à la haine
anti-musulmans en général”.
Le
Conseil musulman du Royaume-Uni (MCB), organisation représentative des
musulmans britanniques, a aussi dénoncé un climat islamophobe, couvant au sein
même du Parti conservateur au pouvoir.
De son
côté, Matthew Henman estime qu’il y a eu des “signaux encourageants”
des autorités qui ont déjoué des complots terroristes et interdit National
Action en décembre 2016, quelques mois après l’assassinat de la députée
travailliste Jo Cox par un sympathisant néo-nazi. Un acte perpétré peu avant le
référendum sur le Brexit qui avait libéré la parole xénophobe au Royaume-Uni.
Mais
National Action continue d’?uvrer dans l’ombre. Mardi, un de ses membres
présumés, Jack Renshaw, 23 ans, jugé à Londres, a plaidé coupable d’avoir
fomenté le projet d’assassiner une députée travailliste.
Pour
Matthew Henman, “les politiques s’attaquent aux symptômes de
l’extrême-droite et pas à la cause” et, plutôt que de prendre des mesures
de rétorsion, devraient développer une “approche plus globale”. Il
pointe aussi du doigt “des éléments dans les médias de droite et les politiques
gouvernementales radicales qui ont contribué à favoriser un environnement dans
lequel l’extrémisme de droite peut prendre racine et se propager”.
Les
autorités promettent vouloir agir en amont, en repérant des jeunes sensibles à
cette propagande, et en développant des “discours alternatifs” à ceux
des extrémistes, qu’ils viennent de l’islam radical ou de l’extrême droite.