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JLAC et St. Yves dépose une motion contre le nouvel ordre militaire israélien de démolition de maisons en Zone C

Par
Jerusalem Legal and Human Right Center, ISM, 21 juin 2018

La
Société Saint-Yves* et le Centre d’aide juridique et de droits de l’homme de
Jérusalem ont exigé que les autorités israéliennes révoquent immédiatement le
nouvel ordre militaire [Military Order 1797, ndt] qui autorise la démolition en
masse de structures palestiniennes dans les Zones C de Cisjordanie occupée.
Maison
démolie par les forces israéliennes d’occupation dans le village de Kobar
village,16 août 2017. Photo credit: Bahaa Nasr for WAFA.

Dans une lettre
officielle adressée au ministre israélien de la Défense et au conseiller
juridique pour la Cisjordanie, les deux organismes ont fait valoir que l’ordre
militaire viole de manière flagrante le droit international coutumier et
contrevient à la législation locale existante.


Signé par le commandant militaire israélien le 17 avril 2018, l’ordre militaire
élargit les pouvoirs arbitraires de l’Administration civile israélienne (ICA)
pour enlever ou démolir de nouvelles structures construites sans permis dans la
Zone C. Celle-ci constitue plus de 60 % du territoire de la Cisjordanie et
relève de la juridiction militaire et administrative israélienne complète.
Depuis la signature des Accords d’Oslo, l’ICA a rejeté la grande majorité des
demandes palestiniennes de permis de construire en Zone C, plaçant la
population palestinienne sous la menace constante du déplacement forcé.

Le nouvel ordre militaire augmentera encore le risque, autorisant les
inspecteurs et les officiers de l’administration civile à procéder à des
démolitions 96 heures seulement après l’émission de l’ordre de démolition.
L’ordre militaire dépouille pratiquement les résidents visés du droit à une
procédure régulière et de la capacité de contester les ordres de démolition par
des voies légales, en exigeant que les objections à l’ordre de démolition
soient accompagnées d’un permis de construire valide. Un tel permis est
inaccessible aux Palestiniens en raison de la politique discriminatoire d’Israël
en matière de planification et de zonage.

Selon le nouvel ordre militaire, la menace de démolition immédiate peut être
évitée si le propriétaire de la maison prouve que six mois se sont écoulés
depuis l’achèvement de la construction de la structure et / ou que le bâtiment
a été habité pendant au moins trente jours (avant l’émission de l’ordre). De
plus, les résidents visés peuvent éviter la démolition immédiate s’ils
présentent, dans les 96 heures suivant l’émission de l’ordre de démolition, un
plan directeur approuvé couvrant la structure.

Malgré les exceptions susmentionnées, l’ordre militaire, qui entrera en vigueur
le 17 juin, constitue une nouvelle étape majeure dans l’annexion croissante de
la zone C par Israël et le transfert forcé de Palestiniens.

Dans leur lettre, JLAC et St. Yves argumentent que l’ordre militaire viole
l’article 43 du Règlement de La Haye de 1907, qui exige que la puissance occupante
respecte “à moins que cela ne soit absolument empêché, les lois en vigueur
dans le pays”. Les Règlements de La Haye constituent un pilier du droit
international humanitaire coutumier. En publiant cet ordre militaire, non
seulement la puissance occupante viole l’exigence du DIH de respecter les lois
en vigueur dans le pays, mais elle sert aussi son objectif d’accélérer le
transfert forcé de la population occupée. L’article 7 du Statut de Rome de la
Cour pénale internationale définit le transfert forcé comme un crime contre
l’humanité.

En outre, le nouvel ordre militaire contrevient de manière flagrante à la loi
jordanienne de planification et de construction, dont les mécanismes font
partie du régime de planification et de construction en Cisjordanie occupée
depuis des décennies. Conformément à l’article 38 de la loi jordanienne
d’aménagement et de construction, les résidents ont le droit de présenter une
demande de permis de construire même après l’émission d’un ordre de démolition.
Puisque la loi jordanienne considère la démolition comme un dernier recours
dangereux, elle permet aux résidents de légaliser rétroactivement la
construction. L’ordre militaire, cependant, considère effectivement le
mécanisme comme nul et non avenu. Cela ne peut être interprété que comme une
tentative flagrante de la puissance occupante de transformer et de remplacer le
paysage juridique de la région.

De plus, l’ordre militaire compromet l’accès à un recours judiciaire effectif
et viole le droit à une procédure régulière. Soumettre une objection à l’ordre
de démolition ne gèle pas l’ordre de démolition ou de retrait, ce qui signifie
que la démolition peut avoir lieu même si une objection est présentée. Qui plus
est, le délai de 96 heures pour contester l’ordre de démolition ne constitue
pas un délai raisonnable pour les personnes concernées. Pour empirer les
choses, l’ordre militaire n’exige pas que l’ordre de démolition soit remis
directement au propriétaire de la maison. Il suffit de placer l’avis de
démolition à côté de la structure pour d’autoriser l’inspecteur de l’ICA à le
détruire 96 heures après. Ainsi, la maison peut être démolie avant que le
propriétaire apprenne l’existence d’un avis de démolition, et a fortiori
d’avoir assez de temps pour contester l’ordre de démolition.

Bien que l’ordre militaire mentionne des exceptions, certaines d’entre elles
ont été faites sur mesure pour servir exclusivement les colons israéliens. Par
exemple la soumission d’un plan directeur approuvé couvrant la structure. Les
Palestiniens ont soumis plus de 120 propositions de création ou d’extension de
plans directeurs et seulement trois d’entre eux ont été approuvés par l’ICA.
Pendant ce temps, des centaines de plans directeurs pour les colonies
israéliennes ont été approuvés par l’ICA et les ordres de démolition contre les
avant-postes de colonisation ont été gelés sous prétexte de l’existence d’un
plan directeur.

Cet ordre militaire doit être considéré dans le contexte d’un processus plus
large et plus concerté entrepris par le gouvernement israélien pour imposer
pleinement le régime juridique administratif israélien dans la zone C. Dirigée
par la ministre israélienne de la Justice, Ayelet Shaked, ce processus vise à
compléter l’annexion de facto de la zone C et à la dépouiller de tout statut
unique de territoire occupé.



Pour
mettre en œuvre cet objectif, la Cour suprême israélienne a travaillé en tandem
avec le gouvernement israélien en rendant des décisions qui légitiment
l’entreprise de colonisation et la saisie de terres palestiniennes privées tout
en donnant le feu vert à l’expulsion et au déplacement forcé des Palestiniens.
La récente décision de la Cour suprême approuvant la décision de l’armée
israélienne de déplacer les habitants bédouins de Khan al-Ahmar en est un
exemple. Il illustre comment le système judiciaire israélien a continué à
encourager le gouvernement et l’armée à annexer la zone C et à transférer de
force les Palestiniens en apposant un sceau légal sur leurs politiques et lois
illégales.