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Féminisme. Violences contre les femmes, « grande cause » toujours…

Kareen
Janselme, L’Humanite, 22 Juin, 2018

Sous
couvert de lutter contre les violences sexuelles au travail, le secrétariat
d’État à l’Égalité femmes/hommes a lancé un appel à projets qui contourne
l’AVFT, l’une des principales associations expertes… Les organisations
féministes s’insurgent.
« Nous
avons besoin des conseils et de la formation de l’AVFT car aucune autre
association ne possède son expertise dans le domaine des violences sexistes et
sexuelles au travail. » Albert Facelly/Divergence
Pourquoi
mettre en concurrence les associations luttant contre les violences faites aux
femmes, plutôt que de les promouvoir
? Passer à la Moulinette de la start-up nation la «grande cause du quinquennat» Macron, soit l’égalité
femmes/hommes, ressemble effectivement à une course à l’échalote pour obtenir
les bonnes grâces du secrétariat d’État de Marlène Schiappa au détriment de la
pertinence et de l’efficacité. L’offre est alléchante
: 1 million d’euros sur le tapis
pour «
soutenir
l’émergence d’actions nouvelles
» en région et au niveau national, mis en jeu après le 8
mars dernier lors de la Journée internationale des droits des femmes. Toute
association s’estimant concernée peut donc participer, jusqu’à ce 22 juin, à
l’appel à projets pour les «
préventions et lutte contre les violences sexistes et
sexuelles au travail
». Mais, sur la ligne de départ, certaines organisations ont des
compétences et une histoire à ne pas balayer d’un coup, même si leur dossier «
novateur» ne sied pas au jury du
secrétariat d’État… Pour Osez le féminisme et une myriade d’associations, cet
appel à projets ressemble bien à une «
attaque contre les associations spécialisées telles
que l’AVFT
»,
l’Association européenne contre les violences faites aux femmes, trop
dérangeante pour le gouvernement.
En
décembre 2017, face à la déferlante post – #metoo – #balancetonporc, l’AVFT
appelait à l’aide alors que ses cinq salariés croulaient sous les coups de fil
de victimes. Faute d’une rallonge de subvention, finançant déjà à 80 % son
activité, l’association a dû raccrocher son standard pendant cinq mois pour
pouvoir traiter des dossiers en cours. Le 4 juin dernier, le téléphone pouvait
sonner à nouveau. Pourquoi Marlène Schiappa n’a-t-elle pas rallongé son
enveloppe de 50
000 euros pour aider l’organisation? Un défaut de trésorerie? Pas vraiment, puisque la
secrétaire d’État annonçait, dans la foulée, l’ouverture d’une bourse de 1
million d’euros pour des projets aux missions similaires… Dans son édition du 4
avril, le Canard enchaîné révélait une raison peu reluisante. «
Marilyn Baldeck (la déléguée
générale de l’AVFT) est une opposante politique
», lui aurait répondu le cabinet
de Schiappa. L’appel à projets se révélerait donc comme un outil de mise en
concurrence des associations pour damer le pion à l’AVFT, impliquée pourtant
depuis 1985 dans l’écoute, l’accueil, l’accompagnement, le conseil juridique
des victimes, et tout cela gratuitement. Un service d’intérêt général.
«Tout est fait dans la
précipitation et sans garantie sur le long terme
»
Et le
lancement de cet appel à projets complique effectivement le travail de
l’association
: «Depuis une
quinzaine de jours, nous gérons des choses incroyables, explique Marilyn
Baldeck. Le principe d’appel d’offres met en concurrence les associations. Un
tas de structures nous appellent
: elles veulent être épaulées techniquement et
juridiquement mais ne veulent pas que l’AVFT apparaisse dans leur dossier…
» Seize organisations (du Planning
familial à Attac) dénoncent le «
discrédit porté aux associations» luttant historiquement dans ce
domaine. Le principe de financement des projets sur un an est aussi dénoncé
: «Non seulement le même montant sera
versé indistinctement à chaque région, sans prise en compte du nombre de
départements, ni des spécificités territoriales, mais l’aide ne sera pas
pérenne, les projets devant se réaliser avant la fin 2019, sans assurance de
renouvellement pour 2020. Une fois de plus, tout est fait dans la précipitation
et sans garantie sur le long terme.
»
Pour
autant, l’AVFT ne renonce pas et va proposer un projet national, mais aussi des
programmes régionaux en partenariat avec notamment la CGT Île-de-France et
Rhône-Alpes. «
Nous avons besoin des conseils et de la formation de l’AVFT car aucune
autre association ne possède son expertise dans le domaine des violences
sexistes et sexuelles au travail, précise Sophie Binet, de la CGT. Le délai
étant extrêmement court, nous n’avons proposé que deux projets sérieux, travaillés
par nos comités régionaux avec les unions départementales, entraînant un vrai
engagement de moyens et de suivi.
» Une première étape importante qui permettrait aux
victimes une prise en charge concrète au sein de l’entreprise où une femme sur
cinq est victime de violences sexistes ou sexuelles. La publication des
résultats de l’appel à projets est prévue fin juillet.

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Un
partenariat cgt-avft

Les deux
projets en région rassemblant l’association AVFT et le syndicat CGT reposent
sur trois piliers
: l’accueil et l’accompagnement de victimes par des militants
syndicaux (conseillers prud’hommes ou du salarié) formés par l’AVFT, la
sensibilisation des salariés pour faire reculer les violences sexistes et
sexuelles au travail (site Internet, enquêtes, information), et la formation
des militants.