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En criminalisant les réfugiés de l’Aquarius, l’Europe a perdu tout sens moral

ChroniquePalestine, 13 juin 2018

Selon les
groupes de défense des droits de l’homme, les politiques européennes
criminalisent les personnes vulnérables, alors que des centaines de réfugiés
restent bloquées en mer depuis des jours.
Un
médecin du bateau de secours tient un bébé dans ses bras – 8 juin 2018 – Photo
: El Pais/Óscar Corral

Des
groupes de défense des droits de l’homme ont dénoncé le refus de l’Italie et de
Malte de permettre à un navire de secours en mer pour les réfugiés d’accoster
dans leurs ports, dans un contexte d’incertitude aggravée pour les centaines de
personnes à bord, dont 123 mineurs non accompagnés.

Dans une déclaration
mardi
, Amnesty International a accusé les gouvernements italien et
maltais de « piétiner le principe du sauvetage en mer et de saper tout le
système de recherche et de sauvetage ».
« Si
[ces décisions] ne sont pas remises en cause, [cela] découragera et
compromettra le travail des ONG qui sauvent des milliers de migrants et de
réfugiés à la dérive en Méditerranée », a déclaré Elisa De Pieri,
chercheuse à Amnesty en Italie.
L’Aquarius,
qui est exploité conjointement par SOS
Méditerranée
et Médecins sans frontières (MSF), a sauvé 629 personnes en Méditerranée et
est depuis samedi, resté dans l’incapacité d’accoster.
Les
personnes à bord, dont 11 enfants et sept femmes enceintes, sont originaires de
plusieurs pays africains et sont parties de la côte libyenne pour rejoindre
l’Europe.
Aloys
Vimard, coordinateur du projet pour MSF à bord de l’Aquarius, a déclaré lundi
que « bien que les gens soient calmes, nous pouvons voir qu’ils deviennent
anxieux ».
« Le
bateau est surpeuplé et nous sommes au-dessus de sa capacité. Nous avons des
personnes très vulnérables à bord et la plupart d’entre elles sont
épuisées. »
Quatre
jours supplémentaires en mer
L’Aquarius
a été interdit
d’accoster
en Italie et à Malte, les pays les plus proches, avant
que le nouveau Premier
ministre espagnol
Pedro Sanchez, ne déclare qu’il accorderait un
accostage sûr dans le port de Valence.
Mais les
responsables de MSF ont déclaré
que le débarquement au port le plus proche était préférable à un voyage de
quatre jours supplémentaires, en tenant compte de la détérioration des
conditions météorologiques, des tensions et de la capacité maximale à bord de
l’Aquarius.
« La
meilleure option serait de débarquer les personnes secourues dans le port le
plus proche, après quoi elles pourront être transférées en Espagne ou dans
d’autres pays sûrs pour y être soignées et traitées », a déclaré
l’organisation.
La
déclaration intervient alors que les garde-côtes italiens ont annoncé qu’ils
enverraient deux navires pour prendre en charge certains des réfugiés, afin de
diminuer la surpopulation [dans le bateau] et pour les transporter à Valence.
MSF a
également exprimé son inquiétude quant à l’état des patients qui ont dû être
réanimés après le sauvetage, disant qu’ils pourraient développer « des
problèmes pulmonaires graves après avoir avalé l’eau de mer ».
« Les
personnes secourues en mer doivent être débarquées dans le port sûr le plus
proche. »
Alors que
Mme De Pieri d’Amnesty/Italie a salué l’offre du gouvernement espagnol en signe
de solidarité, elle a également déclaré que cette initiative « met en
évidence l’insensibilité délibérée des autorités italiennes et
maltaises ».
manque de solidarité
« Cela crée un précédent qui coûtera inévitablement des vies »,
a-t-elle déclaré.
Comportement
inacceptable de l’Italie
Les autorités
nationalistes de l’île de Corse
en France ont également offert de
recevoir l’Aquarius, dans une initiative critiquée par le gouvernement central
à Paris.
sur pièces



« [Le
dirigeant corse Gilles Simeoni] prend position sans avoir aucune responsabilité,
ce qui est facile », a déclaré Jean-Baptiste Lemoyne, le ministre délégué
à l’Europe et aux Affaires étrangères à Sud Radio.
« Que
dit le droit international, il faut aller au port le plus sûr et le plus proche
et on voit que la Corse n’est ni la plus proche ni la plus sûre … Étant donné
l’emplacement du bateau, c’est entre l’Italie et Malte ».
Pourtant,
le président Macron a critiqué l’Italie pour son « cynisme et son
irresponsabilité », déclarant lors d’un conseil des ministres qu’en droit
maritime « en cas de détresse, ceux qui ont la côte la plus proche ont la
responsabilité de réagir ».
« Si
un bateau avait la France comme sa côte la plus proche, il pourrait
accoster », a déclaré le porte-parole de Macron, Benjamin Griveaux. [Il
faut prendre date de cette déclaration, et nous jugerons sur pièces
le comportement des autorités françaises quand le cas se produira … N.d.T]
sur pièces Griveaux a accusé le nouveau gouvernement d’extrême droite à Rome de
manque de
solidarité
.
« Vous
ne pouvez pas créer un précédent qui permettra à un pays européen de se
décharger sur d’autres pays européens », a-t-il déclaré. « Nous
devons faire preuve de solidarité, ce que l’Italie n’a pas montré. »
À l’autre
extrémité du spectre, la Hongrie a salué la décision de l’Italie de refuser d’autoriser
les réfugiés à accoster dans ses ports.
Viktor
Orban, le premier ministre violemment anti-immigrants, a salué la décision du
gouvernement italien comme « un grand moment qui peut vraiment apporter
des changements dans les politiques migratoires de l’Europe ».
S’exprimant
lors d’une réunion mardi avec son homologue slovaque Peter Pellegrini, M. Orban
a déclaré qu’il avait été « si déprimant » d’entendre pendant des
années que les frontières maritimes de l’Europe ne pouvaient être défendues
« qu’on perdait pratiquement la volonté de vivre ».
« Boussole
morale perdue »
Selon la Convention
internationale
pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, tout
navire apprenant que quelqu’un est en détresse en mer doit apporter son aide,
quelles que soient les circonstances.
La
convention stipule également que le pays responsable des opérations dans cette
zone a la responsabilité principale d’accueillir les personnes à bord du
navire.
Vimard,
le coordinateur du projet MSF à bord de l’Aquarius, a déclaré qu’il était
« extrêmement préoccupé » par la difficulté d’effectuer des missions
de sauvetage en mer.
« Il
est très inquiétant qu’une fois de plus la politique soit placée au-dessus de
la sécurité des personnes vulnérables », a-t-il déclaré dans son
communiqué.
« Toute
personne en détresse en mer doit être secourue et traitée dans la dignité, alors
que les politiques européennes criminalisent et stigmatisent les personnes
demandant la protection et les droits qui leur sont accordés en vertu du droit
international humanitaire ».
Karline
Kleijer, une coordinatrice d’urgence pour MSF, a déclaré qu’un jeu politique se
jouait sur les têtes de 629 personnes.
« Cette
confrontation montre comment l’Europe a perdu sa
boussole morale
en Méditerranée », a déclaré MSF.