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Dumping social, etc. : quand le décryptage par RFI des «clichés» eurosceptiques laisse… sceptique

RT France, 6 juin 2018

Dans son
émission «Accents d’Europe» et avec des vidéos sur son site internet, RFI, en
collaboration avec l’Union européenne, propose de «décrypter» les idées reçues
à l’encontre de Bruxelles. Quitte parfois à les confirmer ?

«L’Europe
est le navire amiral de l’ultralibéralisme» : tel est un exemple d’affirmation
que Radio France international (RFI) considère comme un préjugé à l’égard de
l’Union européenne. Et le média destiné à une audience francophone mondiale
propose sur son site d’y répondre par des histoires de vie et des monographies.
«Une vague populiste et eurosceptique submerge aujourd’hui l’échiquier
politique des grands pays européens», déplore RFI pour expliquer le sens de son
initiative.
Des Européens
face aux clichés eurosceptiques
Forte de
ce constat, la chaîne de radio publique propose un article en
ligne, multimédia et interactif, intitulé «L’Europe et moi ?», dont c’est
la «saison 2», selon un registre calqué sur celui des séries télévisées.
Disponible sur son site
depuis le 1er juin 2018 et décliné à l’antenne dans l’émission Accents d’Europe,
RFI met en avant des «Européens face aux clichés eurosceptiques» qu’ils
dénoncent «parfois seulement en partie». «Découvrez leurs histoires et
décryptez les idées reçues», est-il promis. La radio annonce par
ailleurs en toute transparence : «Ce projet est cofinancé par l’Union
européenne».
«Cliché
N°1 : l’Europe est le navire amiral de l’ultralibéralisme»
Dans le
cas du «cliché» d’une Union européenne porte-étendard de l’ultralibéralisme,
RFI met ainsi, de façon quelque peu paradoxale, en avant la success story d’une
Grecque, «Elli, chef d’une petite entreprise [qui] doit faire face aux plans
d’austérité imposés par l’U.E.». Elli se montre très critique. «L’Europe a
choisi l’austérité pour la Grèce et le reste de l’Europe. Personnellement, je
pense que cela finira par détruire l’Europe», déplore-t-elle dans la vidéo qui lui est consacrée
Mais
quelle est donc la définition de «l’ultralibéralisme» qu’a retenue RFI
? «En 2009, l’Union européenne est venue au secours de la Grèce qui ne
pouvait plus se financer sur les marchés internationaux», apprend-t-on encore,
même s’il n’est pas précisé qu’au détour de cette bonté européenne, la crise
grecque a rapporté aux banques allemandes plus d’1,3 milliard d’euros
… RFI
ne cherchera toutefois pas à réfuter le projet d’adhésion de Bruxelles aux
nombreux accords de libre-échange – ultra-libéraux stricto sensu – parmi
lesquels le fameux Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement,
connu sous les acronymes en anglais de TAFTA ou TTIP.
Instituant des juridictions supranationales permettant de sanctionner les Etats
dans le cas où leur législation nationale entraverait le libre-échange,
l’accord, négocié dans le plus grand secret, est sans doute l’expression même
de l’ultralibéralisme, dont l’un des crédos est de réduire le rôle de l’Etat.
Mais
l’énoncé pourrait laisser dubitatif le lecteur adepte de ce «cliché
eurosceptique». Ainsi, la meilleure preuve que l’UE ne serait pas
ultra-libérale, serait qu’elle porte des politiques d’austérité budgétaire
? Au-delà de cette argumentation, il est à noter que la politique restrictive
de la Banque centrale européenne s’explique aussi par le rôle déterminant des
marchés financiers. Ceux-ci font en effet la pluie et le beau temps sur
les taux d’intérêt auxquels les Etats membres de l’UE placent et refinancent
leur dette souveraine. Une dépendance encore accentuée par le fait que les
Etats ont abandonné leur politique monétaire à Francfort, avec la mise en place
de l’euro.
Alexis
Tsipras a dû accepter de nouvelles réformes libérales [européennes]
Comme
pour chaque «cliché», un texte pédagogique souligne de surcroît le
«non» des Grecs lors du référendum de 2015 aux mesures budgétaires
drastiques exigées par Bruxelles. «Alexis Tsipras a dû accepter de nouvelles
réformes libérales [européennes]», est-il rappelé. Quant à l’austérité,
«imposée par la troïka», d’après les termes choisis par RFI, elle est y montrée
du doigt pour avoir provoqué «la hausse du chômage et la baisse de la
consommation». Alors : rigueur inspirée par des marchés ultra-libéraux, ou
ultra-libéralisme dicté par les traités de libre-échange ? Cette alternative
ténue pourrait expliquer les difficultés de la protagoniste, Elli, à
défendre l’Union européenne. 
«Cliché
N°2 : L’islam menace l’identité européenne» 
Avec les
mêmes difficultés de construction rhétorique, un second «cliché» est abordé
dans une vidéo qui dresse le
portrait de Gözde, une Autrichienne de 29 ans, présentée comme étant tout à la
fois «musulmane et féministe». Faisant connaissance avec la jeune femme, on
apprend qu’elle lutte aussi contre le racisme et l’islamophobie.
Gözde est également passionnée de hip-hop et se dit attachée au Coran.
«[Le livre] évoque les notions de justice, d’équité, de compréhension»,
explique-t-elle, affirmant être «une citoyenne du monde» et s’appuyer sur «le
réseau de la société civile musulmane».
Accompagnant
cette vidéo, une présentation écrite et illustrée met en valeur
des données qui tendent d’une part à démontrer l’adhésion croissante des
Autrichiens au cliché voulant que «l’islam menace l’identité européenne» et,
d’autre part, à expliquer «les causes de la montée des extrémismes en Europe».
Si RFI propose ici un portrait sensible d’une militante antiraciste musulmane,
soucieuse de préserver son identité et sa culture, extra-européenne, la vidéo
échoue toutefois à expliquer ce qu’est l’identité européenne, elle-même.
«Cliché
N°3 : l’Europe affaiblit les souverainetés nationales»
Pour RFI,
la souveraineté est un concept positif… mais le souverainisme non. Et c’est
l’histoire d’un certain Balint, un activiste hongrois âgé de 30 ans qui
permet, dans une troisième
vidéo
, d’illustrer et d’étayer ce jugement de valeur des
concepteurs de «L’Europe et moi». RFI ne fait pas mystère, d’ailleurs, du ton
ouvertement très critique à l’égard du souverainisme qui caractérise cette
vidéo. «En Hongrie, Balint combat le discours souverainiste de Viktor Orban»,
détaille ainsi la description de la vidéo.
Evoquant
les trois victoires électorales démocratiques successives de Viktor Orban, la
vidéo rappelle rapidement le caractère «populiste» de son positionnement
politique. Elle évoque ensuite le sort du milliardaire Georges Soros
– dont la fondation Open Society
a quitté le territoire en mai 2018
) – adversaire du Premier
ministre hongrois, avant d’expliquer les mesures prises par ce dernier pour
lutter contre l’immigration.
«Cliché
N°4 : l’Europe favorise le dumping social»
La quatrième vidéo
propose de vivre la vie de Cristian, un travailleur détaché roumain.
Cristian illustre à la perfection la trajectoire d’un salarié forcé
de s’exiler pour gagner sa vie, entrant du même coup en concurrence avec des
travailleurs locaux. Eux-mêmes, peut-être un jour, contraints de prendre la
route pour trouver, à leur tour du travail.
On
apprend en effet dans cette vidéo qu’en signant un contrat de travail à
Dunkerque, Cristian s’est vu offrir une rémunération de 5 euros de l’heure
pour un rythme de 10 heures par jour. Logeant par ailleurs dans un camping
situé à 50 km de son chantier, il n’a pas bénéficié de congés payés. Il
raconte également ses négociations difficiles face à des employeurs
malhonnêtes.
«Grâce à
l’entrée de la Roumanie dans l’UE en 2007, les entreprises roumaines ont pu
profiter de la directive sur les travailleurs détachés», explique ainsi le
texte accompagnant la vidéo, ainsi titré : «Les fraudes et dérives du
système». «Le principal reproche adressé à ce système est d’encourager le
“dumping social”, soit la mise en concurrence déloyale des salariés.
En effet, cela permet à un employeur d’embaucher des travailleurs à moindre
coût dans des pays aux cotisations sociales bien plus élevées», est-il encore
détaillé dans le texte.
Mais
alors, que faut-il en conclure ?