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Clandestins: familles séparées, et en France?

Par Geoffrey
Bonnefoy
, L’Express, 20/06/

Le sort
de mineurs migrants à la frontière américano-mexicaine scandalise l’opinion
mondiale. Qu’en est-il en France?
Des
étrangers dans la cour du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot
le 4 juin 2007 près de Roissy. afp.com/JOEL SAGET

En cette
journée mondiale des réfugiés, tous les regards sont tournés vers les
États-Unis
et leur politique de “tolérance zéro” qui mène
la police des frontières, séparant enfants et adultes à la frontière avec le
Mexique. Photos et de
vidéos
témoignent de scènes dramatiques: des enfants sont placés
dans des centres, loin de leurs parents, dans l’attente de leur jugement. La
France est également confrontée à des familles de migrants illégaux. L’Express
fait le point sur la manière dont l’État traite ces cas. 

En
France, il n’y a pas de séparation des enfants et de leurs parents dans les
centres de rétention, rappelle la Cimade à L’Express. Cette association vient
en aide aux demandeurs d’asile et aux personnes en situation irrégulière en
France et intervient notamment dans les Centres de rétention administrative
(CRA), où sont placés les migrants sous le coup d’une mesure d’éloignement. Et
les enfants, donc, dont les parents sont menacés d’une telle mesure. En 2017,
selon la Cimade, 305 mineurs sont passés par les centres, décompte la
Cimade. 
Une
situation dénoncée depuis des années par les associations de défense des droits
des migrants, mais aussi par le
défenseur des droits
. En 2012, François Hollande avait promis de
mettre fin à la rétention des familles avec enfants. Mais cinq ans plus tard,
leur nombre a explosé.  
“Pas
de comparaison possible avec les Etats-Unis”
Les CRA
sont des bâtiments surveillés, où l’administration peut retenir, pour une durée
limitée et sous contrôle juridictionnel, les étrangers qui font l’objet d’une
procédure d’éloignement et qui ne peuvent pas quitter immédiatement la France explique le
ministère de l’Intérieur
. Au maximum, la durée de rétention en CRA
ne peut excéder 45 jours. Ensuite, les migrants sont relâchés ou expulsés. Un
délai que la loi Asile et immigration, en cours d’étude au Parlement, prévoit
de porter à 90 jours. Il y a actuellement 25 centres sur l’ensemble du
territoire. 
Le centre
de rétention administrative de Metz-Queuleu, le 8 janvier 2009. afp.com/Jean-Christophe
Verhaegen
La Cimade
assure “qu’il n’y a pas de comparaison possible entre ce qu’il se passe en
ce moment aux États-Unis et la France. Dans l’Hexagone, il n’y a pas de
séparation des enfants et de leurs familles”. Mais tout n’est pas rose
pour autant, loin de là. En France, lorsque des familles en situation
irrégulière sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français
(OQTF) sont arrêtées par la police et conduites dans des CRA, elles sont
dirigées vers deux centres “soi-disant adaptés aux familles”, grince
la Cimade. Il s’agit de ceux de Metz (Moselle) et du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). 

“Soi-disant,
car si ces centres disposent de zones dédiées aux familles, dans la réalité,
cela n’empêche pas les enfants d’être en contact, voire témoins de la violence
qui peut régner dans ces lieux : affrontements, tentatives de suicide, appels
au micro constant, recensement à l’aube, etc.”, déplore la Cimade.
“Cela peut avoir un impact extrêmement violent sur les enfants et laisser
des séquelles”, assure l’association.  
Une
situation dénoncée par le défenseur des droits
La Cimade
plaide qu’il est illégal d’enfermer des enfants mineurs et que cela constitue
une violation de l’article 3 de la Convention des droits de l’Homme. À six
reprises, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il y avait eu
violation notamment de l’article 3 de la Convention des droits de l’homme, à
chaque fois pour des cas concernant des enfants placés avec leurs parents dans
des CRA: “Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants”, rappelait la Convention des droits
de l’Homme. 
Mais, comme le
constate Le Monde
en février 2018, “les préfectures continuent
de passer allègrement outre les décisions des juridictions françaises et
européennes”.