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Chili. Les universités s’insurgent contre les violences sexistes

Cathy Dos
Santos, L’Humanité, 8 Juin, 2018

Depuis un
mois, plusieurs manifestations et occupations de facultés réclament une
éducation basée sur l’égalité de genre pour en finir avec le harcèlement et les
inégalités.
Le 6
juin, pour la troisième fois, les rues de Santiago et des principales villes du
Chili ont connu des défilés en faveur d’une éducation non sexiste. Claudio
Reyes/AFP

L’affaire
de «
la meute» en Espagne a traversé
l’Atlantique. Fin avril, un tribunal espagnol avait délibérément écarté la
notion de viol au profit d’abus sexuel perpétré par cinq hommes contre une
jeune femme de 18 ans, en 2016. La sentence avait alors déchaîné une vague
de colère dans tout le pays. Elle a gagné le Chili avec une force inédite après
qu’à cette même date un enseignant chilien, soupçonné de harcèlement sexuel sur
une employée, a été renvoyé tout en bénéficiant d’une importante prime de
licenciement. L’université australe de Valdivia a aussitôt été occupée, et le
mouvement s’est propagé comme une traînée de poudre. Pour la troisième fois,
les rues de Santiago et des principales villes ont connu des défilés en faveur
d’une éducation non sexiste, la fin des violences machistes et l’égalité de
genre, à l’appel de la Coordination féministe universitaire et des principales
fédérations lycéennes et étudiantes. Plus d’une quinzaine d’universités ont connu
des sièges, dont la très guindée université catholique.

 ,
Le
président contraint de présenter un «
Agenda de la femme»
En 2011,
déjà, un précédent mouvement avait contribué à la création de porte-parolats et
de secrétariats de genre dans les universités. Trois ans plus tard, la démarche
avait abouti à une première rencontre nationale pour une éducation non sexiste.
Mais, depuis 2014, les choses se sont tassées, si on excepte l’adoption d’une
loi autorisant l’IVG sous condition. L’effervescence de ces dernières semaines
a contraint le gouvernement à se positionner. Le président de droite, Sebastian
Piñera, a présenté un «
Agenda de la femme» en 12 points qui impliquerait une réforme de la
Constitution afin de garantir la pleine égalité des droits et des devoirs entre
les femmes et les hommes. Le chef de l’État cherche ainsi à étouffer l’actuel
conflit afin de ne pas répéter les mêmes erreurs que lors de son précédent
mandat (2010-2014), où il avait superbement ignoré les revendications
féministes. Mais, pour l’heure, il peine à convaincre en raison même de ses
politiques, alors que la différence salariale entre les femmes et les hommes
dépasse les 31 %. «
Le gouvernement profite des mobilisations pour lancer un agenda mais
il approfondit la précarité, la double exploitation et le système néolibéral
chilien
», estime
Valentina Gatica, la présidente de la Fédération des étudiants de l’université
australe dans un entretien à Nodal.
Les
organisations ont annoncé la poursuite de leur mouvement
Les
déclarations du ministre de l’Éducation qui, pour disqualifier les
manifestations de ces dernières semaines, a évoqué de «
petites humiliations et
discriminations
» subies par les femmes, ont été vivement critiquées par les
initiatrices du mouvement. «
Ils n’ont écouté aucune de nos problématiques», tance Amanda Opazo,
porte-parole de la Coordination des étudiants du secondaire. Même sentiment
pour Francisca Ochoa, porte-parole de la Confédération des étudiants du Chili.
«
Les annonces
de Piñera sont plus emphatiques que précises. Elles mettent l’accent sur les
mesures punitives concernant les violences déjà consommées, sans s’occuper de
leur prévention. Il ne se préoccupe que d’enseigner aux femmes à dénoncer et
non aux hommes à ne pas violenter. Il y a besoin d’une réforme structurelle, à
travers une éducation non sexiste à tous les niveaux qui ne reproduise plus les
stéréotypes et offre une éducation sexuelle appropriée
», enjoint-elle. Et les
principales organisations ont annoncé qu’elles poursuivaient leur mouvement jusqu’à
parvenir à un «
changement culturel».