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Argentine. Première victoire pour le droit à l’IVG

Cathy Dos
Santos, L’Humanité, 15 Juin, 2018

Un projet
de loi des féministes dépénalisant l’avortement a été enfin adopté par les
députés, jeudi. Il doit encore passer par le Sénat.
 

La
décision en première lecture, à Buenos Aires, a été saluée par des milliers de
personnes réunies devant le Congrès. Eitan Abramovich/AFP

Combien
de foulards verts, symboles du droit à l’IVG, ont-ils été agités à Buenos Aires
et dans bien d’autres villes argentines ? On ne les compte plus. Et encore
moins devant le Congrès des députés, où les militants(e)s pour le droit à
l’avortement ont gagné par K.-O. face aux pro-vie. Les féministes peuvent
savourer cette première victoire. Jeudi, au terme d’une session marathon de
près de vingt-deux heures, marquée par un débat ultratendu, à la fois humain et
responsable mais parfois outrancier, une majorité de parlementaires a
finalement adopté un projet de loi autorisant l’IVG jusqu’à 14 semaines. Le
score s’annonçait serré et il le fut
: 129 voix en faveur du texte, contre 125. Il devra
encore être soumis à l’approbation du Sénat, mais ce premier match a déjà un
goût de victoire. À proximité de l’enceinte parlementaire, les cris de joie ont
explosé à l’annonce du résultat. « Plus crié qu’un goal de Messi »,
titrait hier Pagina 12.

Le long
combat contre une loi coercitive
C’était
là la septième proposition de loi déposée par la Campagne nationale pour
l’avortement légal, sûr et gratuit (CNDA). Voilà treize ans que cette
plateforme d’associations interpelle l’opinion publique argentine sur ce droit des
femmes non respecté qui constitue pourtant un enjeu de santé publique.
La CNDA
n’a eu de cesse de dénoncer l’ineptie d’une loi coercitive qui contraint chaque
année entre 370.
000 et 522.000 femmes à avorter de manière clandestine dans des conditions sanitaires
précaires, selon le ministère de la Santé. Près de 49 000 d’entre elles
ont dû être hospitalisées en raison de complications. Encore faudrait-il
évoquer le sort de celles qui ont fini derrière les barreaux, ou encore sous
terre, mortes des suites d’avortements inhumains. Les féministes ont gagné une
bataille. D’abord celle de l’opinion publique dans une société dite
traditionnelle et influencée par l’Église catholique. Elles ont affronté les
préjugés patriarcaux, rétrogrades, voire fascisants, à l’image des propos tenus
par certains députés anti-IVG qui ont osé comparer les femmes à des animaux de
compagnie qui, eux, n’avortent pas ! « L’avortement est un pas de
plus pour éliminer les pauvres », a pesté l’élue Rosa Muñoz, en omettant
une injustice de classe : les Argentines riches peuvent avorter dans des
cliniques privées moyennant 10 000 dollars, là où les pauvres s’en
remettent aux comprimés, aux aiguilles à tricoter…