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Tunisie : la parité pour les femmes aux municipales

Par Amel Charrouf, Le Figaro, 06/05/2018

Le 6 mai,
la Tunisie connaîtra ses premières élections municipales depuis la chute du
président Ben Ali en 2011. Reporté à deux reprises, ce scrutin sera marqué par
la parité hommes-femmes. Un cas unique dans le monde arabo-musulman.
Ines
Boussetta, tête de liste du parti Nidaa Tounes pour les municipales du 6 mai,
fait campagne dans la ville de Tebourba, à 35 km de Tunis. FETHI BELAID/AFP
Les
Tunisiens se rendent aux urnes ce dimanche, pour les premières élections
municipales libres et démocratiques de leur histoire, dans un contexte
politique tendu. Beaucoup de Tunisiens se disent déçus par les précédents
scrutins présidentiels et législatifs qui n’ont pas permis de redresser la
situation économique du pays. Mais ces municipales devraient permettre de
remettre de l’ordre dans les communes délaissées depuis 2011. Au lendemain de
la chute du régime dictateur de Ben Ali, les élus communaux ont en effet été
révoqués et remplacés par des équipes provisoires, dont la gestion a été jugée
souvent défaillante.
Fait
inédit dans un pays du monde arabe, le gouvernement a instauré pour ce scrutin
des listes équitables entre femmes et hommes, y compris pour les têtes de listes
de chaque parti ou coalition.
Les deux
principales formations, Nidaa Tounes et les islamistes d’Ennahdha, ont respecté
la règle. Elles sont donc 580 femmes têtes de listes, soit plus du quart (2.074
listes au total), alors qu’une centaine de listes ont été écartées pour
non-respect de la parité.
Une
nouvelle génération politique
Cette
configuration est novatrice dans un pays qui est pionnier dans l’émancipation
des femmes depuis son indépendance, avec l’adoption en 1956 du Code du statut
personnel (CSP) abolissant polygamie et répudiation. Ce Code du statut
personnel, promulgué le 13 août 1956 par le premier président Habib Bourguiba,
accorde aux Tunisiennes des droits sans précédent: il abolit la polygamie,
interdit la répudiation, institue le divorce judiciaire et fixe l’âge minimum
du mariage à 17 ans pour la femme, «sous réserve de son consentement». Puis en
janvier 2014, la nouvelle Constitution a inscrit l’égalité entre hommes et
femmes et introduit un objectif de parité dans les assemblées élues.
52% sont
des électeurs ont moins de 35 ans
En
juillet 2017, le Parlement a voté une loi pour lutter contre les violences
faites aux femmes. Elle reconnaît, en plus des violences physiques, les
violences morales, sexuelles et celles relevant de l’exploitation économique.
La loi est entrée en vigueur en février 2018. Puis en septembre 2017,
l’interdiction du mariage des femmes avec des non-musulmans a été levée. Reste
le tabou de l’héritage. Dans la législation tunisienne, les femmes n’héritent
généralement que de la moitié de ce qui revient aux hommes, comme le prévoit le
Coran. Le président Béji Caïd Essebsi a lancé en août 2017 un débat sur cette
question sensible. Malgré beaucoup de progrès, les mentalités restent cependant
plus favorables politiquement à un électorat masculin. En mars 2018, plus d’un
millier de Tunisiens, en majorité des femmes, ont défilé à Tunis pour réclamer
l’égalité dans l’héritage, scandant: c’est «un droit, pas une faveur».
Aujourd’hui
en Tunisie, une nouvelle génération politique féminine est en train d’émerger,
un changement radical dans un pays qui compte 5,3 millions d’électeurs, dont
52% sont des jeunes de moins de 35 ans.