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Nikol Pachinian, l’homme qui fait flancher le système oligarchique arménien

Par 
Pauline Verge, Le Figaro, 07/05/2018

Après
avoir orchestré la «révolution de velours» qui a mené l’ancien président à la
démission, Nikol Pachinian est en passe de prendre les rênes du pouvoir lors
d’un nouveau vote du Parlement qui aura lieu demain. Son parcours est atypique.
Pour
parler de ses inspirations, Nikol Pachinian évoque Nelson Mandela, ou encore
Lech Walesa. Gleb Garanich/REUTERS

Avec sa
barbe de plusieurs jours, sa casquette vissée sur la tête et le T-shirt aux
motifs militaires qu’il arborait tout au long de la mobilisation sociale qui a
conduit le président Serge Sarkissiann à démissionner,
Nikol Pachinian semble prêt à prendre les armes. Pourtant, le nouveau héros du
peuple arménien, leader de la «révolution de velours» est pacifiste. Pour
parler de ses inspirations, il évoque Nelson Mandela, ou encore Lech Walesa.
Nikol Pachinian a aussi su se parer d’une cravate lorsqu’il s’est présenté
devant le Parlement, le 1er mai dernier, comme candidat au poste de premier
ministre. Ce jour-là, huit voix lui
ont manqué pour accéder au pouvoir. Nikol Pachinian retente sa chance ce mardi,
lors d’un nouveau vote. Cette fois, il assure avoir conquis les voix manquantes
auprès du Parti Républicain, majoritaire, et pourrait devenir le nouveau
premier ministre arménien.

Sept ans
de prison ferme
À 42 ans,
Nikol Pachinian s’est toujours opposé au système oligarchique. Lors de ses
études à Erevan, la capitale du pays, il fut expulsé de la faculté pour
activisme avant de devenir journaliste d’opposition pour divers journaux, puis
de diriger Aïkakan jamanak (Le Temps Arménien). Le militant fait son entrée
officielle sur la scène politique en 2007, lorsqu’il se présente aux élections
législatives, sans succès.
S’ensuit
alors une période sombre. En 2009, Nikol Pachinian se retrouve sous le feu des
projecteurs pour son rôle dans une manifestation anti-régime pour protester
contre l’élection de Serge Sarkissian, qui a fait des dizaines des morts et des
centaines de blessés lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. Après
avoir vécu dans la clandestinité pendant un an, il se rend à la police et est
condamné à sept ans de prison ferme. Il est finalement amnistié en 2011. À sa
sortie, le journaliste crée son propre parti politique, le Contrat Civil.
Celui-ci remporte 8% des voix aux élections législatives de 2017: Nikol
Pachinian devient député. Son rôle de principal opposant à Serge Sarkissian,
déjà bien rodé, s’intensifie. Il profite de sa présence au Parlement pour
attaquer la politique du président, par exemple sur l’augmentation des tarifs
de l’électricité, ou encore pour poser des questions gênantes au gouvernement
et le mettre, autant que possible, en difficulté.
215
kilomètres à pied
Déjà
connu en tant que personnage public, Nikol Pachinian se rapproche encore un peu
plus des Arméniens à partir du 1er avril, date à laquelle il entame une marche
à pied de 215 kilomètres entre Guioumri et Erevan, pour aller à la rencontre de
ses concitoyens et générer une adhésion de plus en plus forte. Mi-avril, il
prend la tête de la mobilisation sociale pour empêcher Serge Sarkissian,
président de 2008 à 2017, de conserver les rênes du pouvoir en accédant au
poste de premier ministre, dont il a lui-même renforcé les pouvoirs en 2017.
Des dizaines de milliers de manifestants répondent à son appel et descendent
dans la rue. Après une rencontre tendue avec Serge Sarkissian, Pachinian est interpellé,
mais la contestation ne faiblit pas. Le 23 avril, à l’issue de deux semaines de
mobilisation, Serge Sarkissian démissionne, et Pachinian est libéré. Le
lendemain, le député se dit «prêt à
diriger le pays»
.
Lors de
son discours devant le Parlement le 1er mai, Pachinian a déclaré «vouloir
mettre l’Arménie sur la voie du développement durable et de la justice
sociale». S’il est élu premier ministre, il devra toutefois composer avec le
Parti Républicain qui contrôle encore la majorité du Parlement, mais aussi avec
Moscou, qui entend conserver une alliance stratégique avec l’Arménie, alors que
Pachinian a plusieurs fois évoqué une sortie de l’Union économique eurasiatique
(UEE), qui lie le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Biélorussie et l’Arménie à la
Russie.