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Les écolabels en panne de crédibilité

Par Stéphanie
Senet, Euractiv, 4 mag 2018

Manque de
transparence, oublis, confusion… Un rapport de la Fondation Changing Markets
démontre l’inefficacité des labels environnementaux, en particulier dans la
pêche, le textile et l’huile de palme. Un article de notre partenaire le Journal de
l’Environnement
.
Le
secteur du textile compte plus de 100 labels de certification [ILO in Asia and
the Pacific]
Séduisante
sur le papier, la certification environnementale n’a pas fait ses preuves sur
les produits… Avec 463 labels comptabilisés dans le monde selon l’Ecolabel Index, elle s’est perdue dans la
masse. Et sa crédibilité a cédé la place à la confusion. C’est ce que démontre
le rapport publié le 3 mai par la Fondation néerlandaise Changing Markets, qui
se focalise sur les secteurs de la pêche, de l’huile de palme et du textile.

Vent de
critiques sur la pêche
En 2015,
14% de la production mondiale de produits de la mer était certifiée, en
majorité par Friend of the Sea (FOS) et le Marine Stewardship Council (MSC). Un
label qui a déjà fait l’objet de critiques, en
août 2017, pour avoir certifié la plus grande pêcherie de thon albacore au
monde
, alors que celle-ci utilise des dispositifs à concentration de
poisson (DCP) capturant des espèces menacées. Quant à FOS, elle n’est soutenue
ni par la communauté scientifique ni par les ONG à cause de con manque de
transparence et de la participation des parties prenantes.
Sans
effet sur l’environnement
Au rayon
de l’huile de palme, les résultats ne sont pas meilleurs. La production de
cette huile la plus consommée au monde, présente dans la moitié des produits
vendus en supermarché, a accentué la déforestation et la perte de la
biodiversité, sans qu’aucune certification n’ait ralenti le processus. Le label
volontaire le plus courant (Rountable on sustainable palm oil -RSPO) regroupe
pourtant 2,6 millions d’hectares, soit 19% de la production mondiale. Et il est
loin d’être le seul. L’étude en a identifié au moins 5 autres: International
sustainability and carbon certification (ISCC), Roundtable on sustainable
biomaterials (RSB), Rainforest Alliance (RA), Malaysian sustainable palm oil
(MSPO) et son pendant indonésien, l’Indonesian sustainable palm oil (ISPO).
Celui-ci, qui couvre désormais près de 2 millions d’hectares, est d’ailleurs
critiqué pour son manque d’ambitions puisqu’il se contente de veiller au
respect des règles, très souples, édictées par Jakarta. Les auteurs du rapport
recommandent de changer de stratégie, au profit d’une baisse de la demande
mondiale, en particulier pour le marché des agro-carburants, et d’un moratoire
sur la conversion des forêts et des tourbières.
Foire aux
labels textiles
C’est le
secteur du textile qui s’avère le plus prolifique. Il compte plus de 100 labels
et de nombreuses initiatives, comme l’Index Higg, très répandu dans les marques
de prêt-à-porter alors qu’il se base sur une auto-évaluation. En général, les
zones de production sont situées dans des pays laxistes quant à la
réglementation environnementale et sociale. Si bien qu’aucun label, selon le
rapport, ne garantit une durabilité tout au long de la chaîne
d’approvisionnement. Pas même l’écolabel européen, qui s’intéresse pourtant à
l’ensemble du cycle de vie du textile. Dans le cas de la viscose, il oublie
ainsi d’évaluer la pollution de l’eau générée par la fabrication des fibres, alors
que celles-ci sont parmi les plus nombreuses dans les débris marins. Autre
mauvais exemple pour le coton: l’Initiative Better Cotton (IBC) permet
d’utiliser des produits chimiques et des semences génétiquement modifiées, si
bien que la part de coton biologique n’a cessé de régresser.
Des
réformes nécessaires
Au
final, «la certification environnementale ne pourra jouer un rôle dans la
transition écologique sans de sérieuses réformes», conclut cette étude.
Les auteurs recommandent de faire le ménage dans les labels, en supprimant la
plupart d’entre eux, et en révisant à la hausse les cahiers des charges des
plus ambitieux. Autre évolution nécessaire: les certifications doivent viser,
sans exception, l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du produit et de
son cycle de vie. Un vœu pieux dans le cadre d’initiatives volontaires, qui
restent les plus répandues. La balle revient donc dans le camp des
gouvernements pour assurer un minimum de protection sociale et
environnementale.