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La Tunisie vote pour ses premières municipales libres

Les
Tunisiens se rendent aux urnes dimanche pour les premières élections
municipales libres du pays, attendues depuis la révolution de 2011, un scrutin
crucial pour enraciner le processus démocratique mais accueilli sans grande
ferveur.
 
“Nous
votons… pour nous et pour nos enfants”. Un slogan inscrit sur une
affiche à un arrêt de bus à Tunis, avant les municipales de dimanche, le 4 mai
2018 – AFP
Après les
premières élections pour désigner une Assemblée constituante en 2011, puis les
législatives et la présidentielle en 2014, les municipales ont été repoussées
par quatre fois en raison de blocages logistiques, administratifs et
politiques.
“Ce
dimanche ne sera pas comme les autres jours. Pour la première fois (depuis la
révolution) le peuple tunisien est appelé à participer à des élections
municipales, un événement qui paraît ordinaire alors qu’il est très
important!”, a dit vendredi le président Béji Caïd Essebsi, en appelant à
une “participation massive”.
Les
observateurs s’attendent à une forte abstention. Sept ans après la révolution,
qui avait suscité de nombreux espoirs, beaucoup de Tunisiens se disent
démobilisés face à l’inflation qui frôle les 8%, au chômage persistant
au-dessus des 15%, et aux arrangements entre partis.
“Ces
municipales ne vont rien changer pour nous. Nous serons toujours sur la même
charrette sans roues ni cheval”, a lancé une femme au foyer de 34 ans,
Hlima, pendant la campagne.
Dimanche,
de 08h00 à 18h00 (de 07h00 à 17h00 GMT), les 11.185 bureaux de vote
accueilleront les Tunisiens qui éliront les conseillers municipaux lors d’un
scrutin proportionnel à un tour.
Ces
conseillers devront, à leur tour, élire les maires. Ils ont jusqu’à mi-juin
pour le faire.
Quelque
60.000 policiers et militaires ont été mobilisés, alors que le pays demeure
sous état d’urgence depuis des attentats jihadistes meurtriers en 2015.

“Amers et désabusés” –
A
Kasserine, une zone marginalisée du centre-ouest, le vote n’aura lieu que de
09h00 à 16h00, “par mesure de sécurité”, selon l’instance chargée des
élections, l’Isie. Des groupes extrémistes armés sont retranchés dans les
montagnes de cette région.
Plus de
57.000 candidats sont en lice, dont la moitié de femmes et de jeunes. Sur les
2.074 listes en course, 1.055 sont issues de partis, 860 indépendantes et 159
de coalition, selon les chiffres de l’Isie.
Les
résultats sont attendus dans les prochains jours.
Pour le
quotidien francophone La Presse, les Tunisiens sont “exsangues, amers et
désabusés”. “Cela est dû, entre autres, à l’absence flagrante et
lourdement ressentie des réformes économiques et sociales, toujours en suspens
ou renvoyées aux calendes grecques”, estime le journal.
Mais une
partie de la population dit espérer une amélioration de son quotidien:
propreté, transports et développement.
Dans la
foulée de la chute du régime du président Zine Al Abidine Ben Ali en 2011, les
municipalités avaient été dissoutes et remplacées par des “délégations
spéciales”, dont la gestion s’est montrée parfois défaillante.
“Les
slogans réitérés par les listes en lice se sont concentrés sur l’esthétique des
villes -propreté, transport, l’éclairage (…)-. Cependant, l’apport des
municipalités peut aller plus loin. Les communes peuvent participer à la
création d’emploi et participer au développement économique”, espère le
journal Le Quotidien.
– Favoris
Ces
municipales marquent le premier pas tangible de la décentralisation, inscrite
dans la Constitution et l’une des revendications de la révolution.
Sous la
dictature, les municipalités ne géraient qu’une partie du territoire et
n’avaient que peu de pouvoir de décision, étant soumises au bon vouloir d’une
administration centrale souvent clientéliste.
Mais le
pays est désormais doté d’un Code des collectivités locales, voté in extremis
fin avril, qui en fait pour la première fois des entités administrées librement
et disposant d’un début d’autonomie.
Pour des
experts, les deux poids lourds de la vie politique, les islamistes d’Ennahdha
et Nidaa Tounès, qui sont les seuls à avoir présenté des listes dans toutes les
municipalités ou presque, pourraient en emporter une bonne partie.
Ennahdha
a indiqué sa volonté de poursuivre à l’échelon local le consensus forgé avec
Nidaa Tounès sur le plan national.
Ce
scrutin, le premier depuis quatre ans, qui devrait voir émerger une nouvelle
génération d’élus, sera suivi de législatives et d’une présidentielle en 2019.