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Festival de Cannes. La voix troublée de l’Inde

Courrier International, 15/05/2018

Le nouveau
film de la réalisatrice Nandita Das raconte l’exil pakistanais de l’écrivain
Manto au temps de la partition. Il se fait aussi l’écho des violences qui
secouent l’Inde aujourd’hui, gouvernée par les nationalistes hindous.
La
réalisatrice et actrice Nandita Das (deuxième à gauche) avec des membres de son
équipe, Nawazuddin Siddiqui, Rasika Dugal et Tahir Raj Bhasi, le 14 mai 2018, à
Cannes. PHOTO / Stephane Mahe / REUTERS.
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Elle
n’est pas tombée dans le piège tendu à tout cinéaste qui entreprend de réaliser
un biopic. Nandita Das, qui a présenté dimanche 13 mai, dans la section Un
certain regard, son film sur l’écrivain Saadat Hasan Manto, a réussi le pari de
l’intemporalité et s’est montrée “digne de représenter l’Inde au Festival de
Cannes”, estime le
quotidien The Hindu après avoir assisté à la projection
.
Si Manto a
pour sujet la vie d’un homme dont les écrits engagés sur la partition de l’Inde
le forcèrent à quitter Bombay pour Lahore en 1948, peu après la naissance du
Pakistan, il se veut aussi l’écho des réalités actuelles du sous-continent, “où
de nouveaux chapitres de la violence continuent de s’écrire au présent”.
Ni
moraliste ni pédant
Nandita
Das, dont c’est le deuxième film, en parle comme d’une “réponse à ce qui se
passe autour d’elle”, note le journal. “De l’humanisme à la liberté
d’expression, des déplacements de population à l’unité hindoue-musulmane, son Manto
coche toutes les cases” des problématiques qui traversent aujourd’hui une Inde
dirigée par les nationalistes hindous, “sans être ni moraliste ni pédant”.
Le film
ne fait pas “l’éloge funèbre” de l’écrivain libertaire qui choqua tant son
époque, souligne The Hindu. Il brosse au contraire “un portrait convaincant de
l’artiste, avec tous ses défauts – la colère, l’ego, la sensibilité, le cynisme
et l’incapacité à recevoir des critiques”.
Harmonieusement
interprété par Nawazuddin Siddiqui, Saadat Hasan Manto, qui défendit la cause
des laissés-pour-compte, témoigne de “la douleur et la souffrance” de celui qui
se sentit “incompris” et qui dut abandonner sa ville bien-aimée, où étaient
enterrés ses parents et son fils.
The Hindu
juge cependant un peu dommage que Nandita Das ait voulu “en mettre un peu trop
dans l’assiette”, en cherchant à donner un aperçu global de la scène littéraire
de l’époque. Il en résulte un casting pléthorique comprenant plusieurs poids
lourds de Bollywood jouant leur propre rôle, tels le producteur Rishi Kapoor ou
le scénariste Javed Akhtar. Lorsqu’il a dû lire les noms de l’équipe présente
sur scène à Cannes, le directeur du festival, Thierry Frémaux, a d’ailleurs
attrapé le tournis. “L’Inde, après tout, est l’une des nations les plus
peuplées”, a-t-il gentiment ironisé.