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Erdogan place sa campagne électorale sous le signe d’une Turquie conquérante

Gokan Gunes,
La Presse, 06 mai 2018

Le
président turc Recep Tayyip Erdogan a promis dimanche de lancer de nouvelles
opérations militaires et d’élever la Turquie au rang de «puissance globale», en
dévoilant sa profession de foi pour les élections présidentielles et
législatives anticipées du 24 juin.
Recep
Tayyip Erdogan. Photo Lefteris Pitarakis, Associated Press

De la
lutte antiterroriste à l’économie, en passant par les relations avec l’Europe,
M. Erdogan a exposé pendant une heure et quart ses ambitions devant
plusieurs milliers de partisans réunis à Istanbul, terre de ses premières
conquêtes électorales.

Ces
élections anticipées sont cruciales, car elles marqueront l’entrée en vigueur
de la plupart des mesures renforçant les pouvoirs du chef de l’État adoptées
dans le cadre d’une révision constitutionnelle l’an dernier.
Pour
mettre toutes les chances de son côté, M. Erdogan a avancé au 24 juin
ce double scrutin initialement prévu en novembre 2019, notamment, estiment
les analystes, pour capitaliser sur le sentiment nationaliste alimenté par
l’offensive d’Ankara contre une milice kurde en Syrie.
«Pour
nettoyer ses frontières des groupes terroristes, la Turquie lancera de
nouvelles opérations sur le modèle de Bouclier de l’Euphrate et de Rameau
d’olivier», a lancé dimanche M. Erdogan, en référence à deux campagnes
militaires turques en Syrie.
La
Turquie mène depuis janvier dans le nord-ouest de la Syrie une offensive
baptisée «Rameau d’olivier» contre la milice kurde des Unités de protection du
peuple (YPG), considérée par Ankara comme une organisation terroriste, mais
soutenue par Washington contre le groupe djihadiste État islamique (EI).
Avant
cette opération, la Turquie avait mené, d’août 2016 à mars 2017, une
première offensive dans le nord de la Syrie contre l’EI et les YPG, baptisée
«Bouclier de l’Euphrate».
UE,
économie
Le choix
fait par le président turc de tenir son premier grand rassemblement de campagne
dans l’ex-capitale impériale Istanbul et non à Ankara, le centre politique et
administratif du pays, est symbolique pour ce nostalgique du glorieux passé de
l’Empire ottoman.
«Je fais
le serment que (…) la Turquie prendra sa place sur la scène internationale en
tant que puissance globale», a lancé sous les acclamations du public
M. Erdogan, qui a commencé son discours par une référence aux sultans.
Istanbul
a aussi été le terrain des premiers succès électoraux de M. Erdogan, qui a
été élu maire de la plus grande ville de Turquie en 1994, une fonction qui lui
a servi de tremplin pour ensuite s’imposer sur la scène politique nationale.
La
capitale économique est en outre devenue la vitrine des grands projets
d’infrastructures mis en oeuvre par l’AKP depuis son arrivée au pouvoir, en
2002. Ces projets ont profondément transformé la Turquie et été au coeur des
succès électoraux de M. Erdogan.
Mais
l’économie turque montre aujourd’hui des signes de surchauffe, avec une
inflation à deux chiffres et une monnaie qui s’érode. M. Erdogan s’est
voulu rassurant dimanche en promettant de faire baisser les taux d’intérêt et
l’inflation, et de réduire le déficit des comptes courants qui ne cesse de se
creuser.
Le chef
de l’État turc, qui critique régulièrement avec violence l’Occident, a cette
fois retenu ses coups et même affirmé qu’Ankara n’avait «jamais abandonné» son
objectif de devenir membre de l’Union européenne (UE), bien que le processus
d’adhésion soit gelé.
«Embargo
médiatique»
Dans les
faits, la campagne de M. Erdogan a commencé depuis plusieurs semaines, le
chef de l’État et ses proches multipliant les discours, souvent plusieurs par
jour, retransmis en direct dans leur intégralité par les chaînes de télévision.
En face,
l’opposition tente de s’organiser pour faire barrage au président turc, mais
dénonce des conditions de campagne inéquitables.
Ainsi, le
candidat du principal parti d’opposition CHP, Muharrem Ince, a dénoncé dimanche
la faible couverture médiatique de son premier rassemblement de campagne,
samedi, qui n’a été retransmis par aucune des principales chaînes de
télévision.
«Si
l’embargo médiatique contre l’opposition que le palais (présidentiel) a imposé
se poursuit, alors nous ferons nos rassemblements devant les (sièges des)
chaînes de télévision», a prévenu M. Ince dimanche sur Twitter.