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Scepticisme autour du retour d’une première famille de Rohingyas en Birmanie

Courrier International, 15.04.2018

Une première famille de musulmans rohingyas, enfuis au
Bangladesh à la suite de ce que l’ONU dénonce comme un nettoyage ethnique en
2017 en Birmanie, est rentrée, a annoncé le gouvernement birman, une annonce
accueillie avec scepticisme par les ONG.
Des réfugiées rohingyas au camp de Kutupalong au
Bangladesh, le 9 avril 2018 – AFP

“Les cinq membres de cette famille ont été renvoyés
chez des proches à Maungdaw”, épicentre des violences, selon un communiqué
diffusé samedi soir sur Facebook, avec des photos de la famille s’enregistrant
auprès de responsables birmans.

Il ne précise pas cependant si ce premier retour,
symbolique, doit être suivi sous peu par d’autres, alors que 700.000 Rohingyas
s’entassent dans des camps insalubres au Bangladesh et que des épidémies y sont
redoutées à l’approche de la saison des pluies.
Le Bangladesh assure de son côté que cette famille
rohingya se trouvait dans le “no man’s land” entre les deux pays.
“Ils ne relevaient pas de notre juridiction, donc nous ne pouvons pas
confirmer si d’autres sont sur le point de rentrer”, a déclaré à l’AFP
dimanche le commissaire aux réfugiés bangladais, Mohammad Abul Kalam.
La question du retour des réfugiés est suivie de près par
la communauté internationale, les ONG s’inquiétant de l’impréparation de la
Birmanie, censée construire des camps d’accueil temporaires, les villages
rohingyas ayant été souvent brûlés dans les violences.
La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)
a dénoncé ce premier retour comme “un exercice de relations publiques
destiné à détourner l’attention des crimes commis”, selon l’expression de
son représentant en Asie, Andrea Giorgetta.
“La communauté internationale doit suivre avec
attention ce qui va arriver à cette famille”, a réagi Phil Robertson, de
Human Rights Watch, qui a publié ces derniers mois des photos satellite
montrant l’ampleur des destructions de villages rohingyas.
“Le problème principal c’est que la Birmanie n’offre
toujours pas la citoyenneté ni un retour dans leurs villages d’origine”
aux candidats au retour, a-t-il ajouté.
Le gouvernement birman assure de son côté qu’il “va
vérifier avec eux quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes
ayant fui à cause des conflits” afin d'”améliorer le processus de
rapatriement”.
La question du retour des réfugiés est suivie de près par
la communauté internationale, les ONG s’inquiétant de l’impréparation de la
Birmanie, censée construire des camps d’accueil temporaires, les villages
rohingyas ayant été souvent brûlés dans les violences.
La Birmanie accusait jusqu’ici le Bangladesh d’être la
cause du retard dans le rapatriement, mais le gouvernement est confronté à une
armée et une opinion publique, influencées par le nationalisme bouddhiste,
largement opposées au retour des Rohingyas.
– Deux ans pour rapatrier –
Les deux pays se sont donné en janvier deux années pour
régler la question du retour des Rohingyas.
Les inquiétudes portent notamment sur la situation
actuelle en Birmanie, où des centaines de villages rohingyas ont été rasés par
des soldats et des manifestants bouddhistes.
Et certains craignent que de nombreux réfugiés rohingyas
ne soient durablement parqués dans des camps.
La Birmanie avait envoyé en février au Bangladesh une
liste de plus de mille rebelles rohingyas présumés, accompagnée de photos,
ajoutant aux inquiétudes sur le sort réservé à ceux qui voudraient
éventuellement revenir.
Dans son communiqué samedi soir, le gouvernement birman
s’en tient à la ligne habituelle, selon laquelle les réfugiés ont fui à cause
des “violences terroristes”, pas d’un nettoyage ethnique par l’armée.
Les violences de 2017 ont débuté après des attaques d’une
rébellion rohingya, mais l’armée est accusée d’exactions de masse, meurtres,
viols…
La Coup pénale internationale a menacé d’ouvrir une
enquête sur cette “expulsion” massive.
Les réfugiés interrogés côté Bangladesh par l’AFP disaient
tous leur peur de rentrer en Birmanie et préférer rester dans les immenses
camps insalubres où ils vivent au Bangladesh.
Plus grande population apatride du monde depuis que la
nationalité birmane leur a été retirée en 1982, sous le régime militaire, les
Rohingyas sont victimes de nombreuses discriminations.
Ils n’ont pas de papiers d’identité et ne peuvent pas
voyager ou se marier sans autorisation. Ils n’ont accès ni au marché du travail
ni aux services publics comme les écoles et les hôpitaux.
Deux journalistes de Reuters sont emprisonnés et accusés
d'”atteinte au secret d’Etat” pour avoir enquêté sur un massacre de
musulmans rohingyas en 2017. Ils risquent 14 ans de prison.