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La presse occidentale participe activement à l’oppression des Palestiniens

Ramzy
Baroud, Chronique Palestine, 25 avril 2018

Le terme
« parti pris des médias » ne rend pas vraiment compte de la relation
entre les médias dominants occidentaux et Israël à propos de la Palestine. La
relation est, en effet, beaucoup plus profonde que la simple partialité. Ce
n’est pas non plus l’ignorance. C’est une campagne
calculée et sur le long terme
visant à protéger Israël et à
diaboliser les Palestiniens.
Des
manifestants palestiniens se rassemblent près de la clôture de séparation au
cours de la deuxième semaine de la Grande Marche du Retour, à l’est de
Jabaliya, le 6 avril 2018 – Photo : Mohammed Zaanoun / Activestills.org
L’actuelle
couverture honteuse des manifestations populaires dans Gaza prouve une fois de
plus que la position des médias consiste, à n’importe quel prix et par tous les
moyens, à masquer la vérité sur la Palestine.
 
La
symbiose politique, les affinités culturelles, l’influence d’Hollywood et des
groupes pro-israéliens et sionistes dans les cercles politiques et médiatiques,
sont quelques-unes des explications que beaucoup d’entre nous ont toujours
avancées pour expliquer pourquoi Israël est si souvent considéré avec sympathie
et les Palestiniens et les Arabes de façon si négative.
Mais de
telles explications ne suffisent plus. De nos jours, il existe de nombreux
médias qui tentent de compenser une partie du déséquilibre, beaucoup émanant du
Moyen-Orient mais aussi d’autres parties du monde. Les journalistes
palestiniens et arabes, les intellectuels et les représentants de mouvements
culturels sont plus présents que jamais sur la scène mondiale et sont plus que
capables de faire face, sinon de vaincre le discours
médiatique pro-israélien
.
Cependant,
ils sont largement masqués dans les médias occidentaux. C’est le porte-parole
israélien qui continue d’occuper le devant de la scène, parlant, hurlant,
théorisant et diabolisant à sa guise.
Ce n’est
donc pas une question d’ignorance de la part des médias, mais de choix
politique.
Même à la
suite du 30 mars, quand des dizaines de
Palestiniens à Gaza ont été tués
et des milliers d’autres blessés,
les médias américains et britanniques – pour ne prendre que ces exemples –
auraient dû se demander pourquoi des centaines de tireurs d’élite et de chars
israéliens devaient se déployer à la frontière de Gaza pour faire face à des
manifestants palestiniens.
Au lieu
de cela, ils ont évoqué des « affrontements» entre les jeunes de Gaza et
les snipers, comme s’il était question de forces égales dans une bataille
équilibrée.
Les
médias occidentaux ne sont pas aveugles. Si les gens ordinaires sont de plus en
plus capables de voir la vérité sur la situation en Palestine, des journalistes
occidentaux expérimentés ne peuvent pas être aveugles à ce point. Ils savent…
mais ils choisissent de se taire.
La maxime
selon laquelle la propagande israélienne officielle ou hasbara
est trop maligne ne suffit plus. En fait, ce n’est guère vrai.
Où est
l’ingéniosité dans la façon dont l’armée israélienne a expliqué le meurtre de
Palestiniens non armés à Gaza ?
« Hier
nous avons vu 30 000 personnes », a tweeté l’armée israélienne le 31 mars.
« Nous sommes arrivés préparés et avec des renforts précis. Rien n’a été
effectué de manière incontrôlée; tout était précis et mesuré, et nous savons où
chaque balle a atterri. »
Comme si
cela ne suffisait pas, Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense [fascisant]
ultra-nationaliste d’Israël, en a rajouté à cet acte d’accusation en déclarant
qu’il n’y avait « pas de personnes innocentes à Gaza », légitimant
ainsi le meurtre de tout Gazaoui dans la bande assiégée.
La
couverture médiatique injuste n’est pas alimentée par la notion simpliste d’
« Israël est malin, et les Arabes imprudents ». Les médias
occidentaux participent activement à la défense d’Israël et à la remise en état
de sa marque de fabrique en déclin, tout en démolissant minutieusement l’image
des ennemis d’Israël.
Prenons,
par exemple, la propagande sans fondement d’Israël selon laquelle Yasser
Murtaja
– le journaliste de Gaza assassiné de sang-froid par un
tireur d’élite israélien alors qu’il couvrait les manifestations de la Grande
marche du retour à la frontière de Gaza – était un membre du Hamas.
Tout
d’abord, des « responsables sous couvert d’anonymat » en Israël ont
prétendu que Yasser était « un membre de l’appareil de sécurité du
Hamas ». Ensuite, Lieberman a fourni plus de détails (fabriqués de toutes
pièces) selon quoi Yasser était sur la liste des employés rémunérés du Hamas
depuis 2011 et « était un gradé ». Beaucoup de journalistes ont pris
ces déclarations au pied de la lettre et les ont propagés, associant
constamment au Hamas chaque propos sur la mort de Yasser.
Il s’est
avéré que, selon le Département d’État américain, la start-up appartenant à
Yasser à Gaza avait reçu une petite
subvention
de l’USAID, qui avait soumis la société de Yasser à une
rigoureuse procédure de contrôle.
Plus
encore, un rapport de la Fédération internationale des journalistes affirmait
que Yasser avait été détenu et battu par la
police de Gaza
en 2015 et que le ministre israélien de la Défense
était en train d’organiser une opération de dissimulation de la vérité.
A en
juger par cela, l’appareil médiatique d’Israël est aussi erratique que celui de
la Corée du Nord, mais ce n’est guère l’image véhiculée par les médias
occidentaux, qui persistent à placer Israël sur un piédestal moral tout en
avilissant les Palestiniens, quelles que soient les circonstances.
Mais
l’approche des médias occidentaux à l’égard de la Palestine et d’Israël ne se
limite pas à protéger et à rehausser l’image d’Israël tout en diabolisant les
Palestiniens. Trop souvent, les médias s’efforcent de détourner l’attention des
problèmes qui font que l’image d’Israël se détériore rapidement – comme c’est
le cas en Grande-Bretagne aujourd’hui.
Pour
rendre plus confus le discours sur la Palestine, l’occupant israélien avec le
soutien inconditionnel du gouvernement et des grands médias britanniques, se
sont violemment attaqués à Jeremy Corbyn,
le très populaire dirigeant du Parti travailliste.
Les
accusations d’antisémitisme ont pesé sur ce parti depuis l’élection de Corbyn en
2015. Pourtant, Corbyn n’a vraiment rien d’un raciste. Bien au contraire, il
s’est opposé au racisme, tout en se se tenant aux côtés de la classe ouvrière
et d’autres catégories défavorisés. Sa forte position pro-palestinienne en
particulier, pourrait bien imposer un changement de vue sur la Palestine et
Israël au sein d’un Parti
travailliste revigoré et dynamisé
.
Malheureusement,
la contre-stratégie de Corbyn est presque totalement inexistante. Au lieu de
publier une déclaration condamnant toutes les formes de racisme et de passer
aux questions urgentes, y compris celle de la Palestine, il permet à ses
détracteurs de déterminer la nature de la discussion, sinon tout le discours.
Il est maintenant piégé dans une discussion sans fin, tandis que le Parti
travailliste purge
régulièrement
ses propres membres pour un prétendu antisémitisme.
Considérant
qu’Israël et ses alliés dans les médias et ailleurs, confondent la critique
d’Israël et de son idéologie sioniste avec celle des juifs et du judaïsme,
Corbyn ne peut pas gagner cette bataille.
Les
supporters d’Israël ne sont en rien désireux de l’emporter. Tout ce qu’ils
veulent, c’est simplement prolonger un débat sans objet pour que la société
britannique fixe son attention sur ces faux problèmes et épargne à Israël une
quelconque responsabilité pour ses actes.
Si les
médias britanniques étaient, en réalité, désireux d’épingler le racisme et
d’isoler les racistes, pourquoi alors y a-t-il si peu de débat sur les
politiques racistes d’Israël qui ciblent les Palestiniens ?
Les
médias continueront à fournir à Israël les marges nécessaires pour imposer ses
politiques violentes contre le peuple palestinien, à l’abri de toute
responsabilité morale. Ils resteront fidèles à Israël, plaçant une zone tampon
entre la vérité et leurs lecteurs.
Il nous
incombe de dénoncer cette sinistre relation, d’exiger des comptes aux médias
dominants qui couvrent les crimes d’Israël, mais aussi en premier lieu à Israël
pour avoir commis ces crimes.