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Salah Hamouri sous la menace d’un nouvel ordre de détention administrative

The ChroniquePalestine, 26 février
2018

Appel à l’action: l’avocat palestinien-français Salah Hamouri
menacé d’une nouvelle détention administrative.
L’avocat
franco-palestinien Salah Hamouri – Photo: archives
Les
animateurs de la campagne de soutien à Salah Hamouri – emprisonné par
l’occupant israélien sans inculpation ni jugement sous le régime de la
détention administrative – ont fait savoir que Salah était menacé de
maintien en détention
. Le Shin Bet aurait demandé à Avigdor
Lieberman, ministre israélien de la défense – d’extrême droite et raciste connu
– de renouveler la détention de Hamouri pour six mois supplémentaires.

Des
milliers de concitoyens français, dont 1 600 élus, et des dizaines de conseils
municipaux et de municipalités ont voté ou signé des résolutions demandant la libération
immédiate
de Hamouri – un Jérusalemite palestinien qui travaille
comme chercheur pour l’association de soutien aux prisonniers Addameer.
Salah a
passé l’examen du barreau palestinien pour exercer la profession d’avocat
seulement trois jours avant d’être arrêté par les forces d’occupation, le 23
août 2017, et ensuite placé en détention administrative sans inculpation ni
jugement. Après une campagne de soutien menée par l’épouse de Salah, Elsa
Lefort, le président français Emmanuel Macron a demandé la libération de
Hamouri le 10 décembre lors de sa rencontre avec le Premier ministre israélien
Benjamin Netanyahu.
Hamouri
est un ancien prisonnier politique palestinien dont la situation était largement
connue
dans toute la France comme un symbole d’injustice et de
fausses accusations, jusqu’à sa libération en 2011 lors de l’échange de
prisonniers
de Wafa al-Ahrar, quelques mois seulement avant la fin
de sa peine.
Il s’est
exprimé dans toute la France et à l’étranger lors d’événements tels que le
«Forum social mondial sur les prisonniers palestiniens et la lutte pour
la liberté». Il a ensuite étudié le droit. Pendant ses études, il a été interdit de
se rendre en Cisjordanie
, ce qui l’a empêché de suivre des cours à
son université. Alors qu’il s’en retournait en Palestine d’une visite en
France, sa femme française, Elsa Lefort, alors enceinte, s’est vu refuser
l’entrée en dépit d’un visa valide puis frappée d’une
interdiction d’entrée
de 10 ans, la forçant à donner naissance à son
fils en France plutôt qu’en présence de son père en Palestine.
La
campagne de soutien à Salah Hamouri insiste sur le fait que les prochains jours
sont critiques car Lieberman devrait donner l’ordre de renouvellement
d’emprisonnement le 28 février, voir avant. Les animateurs de la campagne
exigent que le gouvernement français prenne des mesures sérieuses pour protéger
leur concitoyen, et exiger qu’Israël libère immédiatement Salah Hamouri.

Consultez
la page Facebook
de la campagne de soutien
à Salah Hamouri.
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Salah
Hamouri: «
Vous êtes
notre espoir et les porte-voix de notre résistance
»
Salah
Hamouri, avocat franco-palestinien, est embastillé par Israël depuis 100 jours,
en vertu d’un ordre de détention administrative. L’Humanité
a pu lui faire parvenir des questions par l’intermédiaire de ses avocats.
Parvenez-vous
à garder le moral
?
Salah
Hamouri:
Cela fait longtemps qu’il ne m’a pas semblé aussi difficile de
répondre à cette question. Me retrouver pour la quatrième fois incarcéré et
cela après cinq ans et demi de liberté… cinq ans et demi pendant lesquels j’ai
bâti ma vie d’adulte, et une famille dont je suis privé depuis janvier 2016 et
encore plus aujourd’hui. J’ai entrepris un nouveau cursus universitaire et je
suis devenu avocat trois jours avant mon arrestation. J’ai, malgré tout, un bon
moral, il existe une grande solidarité entre les détenus. Je reçois de temps en
temps, via mes avocats, des nouvelles du monde extérieur.
Ça a été
particulièrement difficile pour moi de me trouver face à ces jeunes de 14-15
ans, emprisonnés comme moi, vêtus de l’uniforme marron glauque des prisons
israéliennes, les pieds et les mains liés, conduits par les gardiens.
Lors d’un
transfert à la prison de Ramleh, j’ai été très touché de voir que les
prisonniers sont mis dans six cages qu’aucun être humain ne devrait jamais
connaître. Dans une de ces cages, j’ai vite reconnu un prisonnier avec qui j’ai
vécu cinq ans, il se nomme Walid Dakka. Il s’est approché de moi. Depuis notre
dernière rencontre, ses cheveux ont blanchi, ses rides se sont multipliées, ses
cernes traduisent une grande fatigue. Il a crié en me voyant : «Le Français
! Qu’est-ce que tu fais là,
pourquoi ils t’ont remis en prison
?» À ce moment, la carte de la Palestine s’est
dessinée dans mon esprit, j’ai pensé à toutes les souffrances que subit mon
peuple. Ces arrestations sont des moyens de pression que l’occupation utilise
pour nous chasser de notre terre et également pour tenter de détruire nos vies
personnelles et sociales. Toutes ces relations que nous bâtissons sont un moyen
pour tenir debout face à l’occupant. Le but de cette occupation est clairement
de vider la Palestine de ses habitants, et tout particulièrement à
Jérusalem-Est.
Comment
se passent vos conditions de détention
? Comment êtes-vous traité?
Salah
Hamouri:
Je suis dans la prison du Néguev, avec 2 400 autres prisonniers. Un
grand nombre d’entre eux sont privés de liberté depuis plus de dix ans. Il y a
plus de 300 détenus administratifs dans cette prison. Nous avons le droit de
faire rentrer des vêtements et des livres 4 fois par an, ce qui n’est pas
suffisant. Nous n’avons pas accès à la presse écrite arabe, nous n’avons qu’une
chaîne télé d’information, les autres chaînes sont uniquement des
divertissements en hébreu.
L’administration
de la prison met en place une politique «
douce» de torture: la torture psychologique afin de briser les
Palestiniens et les pousser à quitter la Palestine. Cette torture «
douce» est beaucoup plus ravageuse que
la torture physique. Nous avons certes assez de nourriture et le droit de
sortir dans la cour quotidiennement, mais ce n’est pas de cela dont nous avons
besoin. Nous avons besoin que cesse cette torture psychologique qui est
utilisée pour tenter de nous briser et de nous convaincre que notre combat est
vain. C’est pour cette raison qu’ils nous empêchent de recevoir assez de livres
et d’avoir accès à l’information de la région. Le fait de n’avoir qu’une seule
visite familiale de 45 minutes par mois est également un moyen de torture,
d’autant plus que celle-ci s’effectue derrière une vitre. Nous n’avons pas le
droit de prendre nos proches dans nos bras.
Les
familles de prisonniers souffrent aussi beaucoup de notre emprisonnement,
d’abord, par notre absence, mais également parce que la prison est très
éloignée dans le désert. Chaque visite est une véritable épreuve pour eux.
Certains prisonniers sont même privés de visites.
Quels
sont vos contacts avec le consulat de France
?
Salah
Hamouri:
J’ai reçu la visite du consul et du vice-consul de Jérusalem quand
j’étais détenu au centre d’interrogatoire Al Moskobieh, à Jérusalem. À chaque
audience, un représentant du consulat a été présent et j’ai également reçu la
visite du consul général de Tel-Aviv dans la prison du Néguev. Sa première
demande de visite avait été refusée quelques jours avant. J’ai appris que les
élus français qui souhaitaient me rencontrer ne l’ont pas pu. Lors de ma
précédente incarcération, je recevais régulièrement des visites du consul ainsi
que d’élus français. C’est scandaleux que la diplomatie française se fasse
ainsi mépriser par l’occupant et ne tape pas du poing sur la table afin de
permettre à l’un de ses citoyens emprisonnés de recevoir les visites d’élus, de
recevoir son courrier et d’être bien évidemment libéré au plus vite.
Comment
jugez-vous le silence des plus hautes autorités françaises
?
Salah
Hamouri:
On a bien vu, lors de ma précédente incarcération, que le silence des
autorités françaises ne peut être brisé que grâce à votre solidarité. Ce
silence, qui pèse aujourd’hui, est sûrement dû au fait qu’une pression de la
force occupante et de ses soutiens est mise sur l’État français qui amène notre
président à ne pas parler de ma situation. Il faut que la France soit
courageuse et qu’elle brise ce silence pour me défendre et se défendre
elle-même contre toute subordination.
Il est
temps que la France soit de retour et soutienne les peuples sous occupation et
sous la domination des forces impérialistes. La France doit me considérer comme
n’importe quel autre citoyen français et faire respecter fermement mes droits
d’autant plus que l’État israélien me prive de mes droits les plus élémentaires
avec cette détention administrative. La France ne doit pas se soumettre aux
pressions américaines, israéliennes, ni aux amis de Netanyahou. Elle doit
prendre une position claire pour défendre les droits des Français partout dans
le monde.
Est-ce
que la campagne lancée en France est importante pour vous
?
Salah
Hamouri:
Énormément
! Elle me touche mais elle touche également tous mes camarades. Nous
vous envoyons nos sincères salutations et tous nos remerciements. Quand j’ai
appris que, malgré la toute première décision du tribunal (libération
conditionnelle), je n’allais pas être libéré mais placé en détention
administrative, j’étais persuadé que le mouvement de solidarité avait déjà
commencé en France. Je sais bien que ma libération en 2011 avait été obtenue
grâce à la grande et belle mobilisation qui existait en France. Je suis
emprisonné depuis 100 jours, je peux constater les effets de la campagne, et
mes avocats me témoignent qu’elle a pris plus d’ampleur encore que la
précédente
! Cette
lutte que vous menez aujourd’hui en France est basée sur le long terme et il
faudra ne rien lâcher, même si cela prend du temps, mais vos efforts finiront
par payer. Cette résistance que vous menez en France, cette solidarité qui
grandit chaque jour ont dépassé les frontières de la France et ont une
résonance énorme. Votre solidarité est le seul moyen pour que notre souffrance
soit connue dans le monde et qu’il y soit mis un terme.
Avez-vous
un appel à lancer
?
Salah
Hamouri:
Vous êtes un espoir pour des milliers de gens dans les Bastille
israéliennes. Il est primordial de dénoncer ce que les autorités israéliennes
font aux Palestiniens et, en particulier, aux enfants qui sont trop nombreux à
connaître les prisons de l’occupant. Il s’agit là d’un véritable projet pour
casser l’enfance palestinienne. Vous êtes les porte-voix de notre résistance en
Europe et partout dans le monde. Soyez-en bien sûr, la prison ne sera jamais le
lieu où l’occupant pourra enterrer nos rêves et notre espoir
! Chaque jour, nous sommes plus
convaincus que la résistance est notre droit et notre devoir et qu’elle nous
permettra d’arracher nos droits nationaux, d’obtenir notre liberté et notre
indépendance. Chaque action que vous menez nous envoie des rayons de soleil qui
réchauffent nos cellules sombres dans l’hiver froid du désert.