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L’Afrique du Sud touchée par une grave épidémie de listériose

Liza
Fabbian, Courrier International, 13/03/2018

Depuis
janvier 2017, l’Afrique du Sud fait face à l’une des plus graves épidémies de
listériose jamais enregistrées. Plus de 180 personnes sont décédées. Une
usine de charcuterie a été identifiée comme étant la source de l’épidémie.
Un travailleur passe devant des
produits de charcuterie, retirés des rayons du magasin Pick n Pay à
Johannesburg, en Afrique du Sud. PHOTO Siphiwe Sibeko/REUTERS
La source
de l’épidémie de listériose a été identifiée par les autorités sud-africaines
au début du mois de mars, quatorze mois après les premières infections. “Quand
cette épidémie s’est déclarée, nous ne savions pas du tout par où commencer nos
recherches”, raconte le
docteur Juno Thomas au Sunday Times.
La
scientifique et son équipe ont dû travailler jour et nuit pour remonter à la
source de la contamination. “L’équipe a mené 109 interviews, mais beaucoup de
patients refusaient d’être interrogés et 40 % (des victimes décédées)
étaient des nouveau-nés, développe-t-elle. La [bactérie de la famille des]
listeria in utero infecte le fœtus à travers le sang de la mère. […] C’était
difficile, stressant, compliqué émotionnellement, et cela a pris
très longtemps.”
Les
scientifiques sont finalement parvenus à remonter à la source de
l’épidémie: une usine de charcuterie du groupe Enterprise, située dans la
ville de Polokwane. “Les autorités ont dénoncé les conditions d’hygiène
déplorables dans cette usine et l’absence de tout contrôle sanitaire. L’usine
était infestée par la listeria”, décrit le
Sunday Times dans un autre article.
Les marques Tiger Brands et
Rainbow Chicken et leurs produits bon marché sont pointés du doigt.
Tragédies individuelles
Au total,
950 cas de listériose ont été identifiés en Afrique du Sud. Les
consommateurs les plus pauvres, attirés par “une source de protéines accessible
et peu coûteuse”, ont été les premières victimes de la listeria, qui affecte
particulièrement les personnes vulnérables.
C’était
le cas de Sandra van Neel, une mère de famille diabétique, décédée d’une
méningite causée par la listeria en décembre 2016. Le site santé
du Mail & Guardian
sud-africain rapporte le témoignage de cette
famille modeste, dans laquelle un “cousin de 2 ans est mort à son tour de la
maladie” il y a quelques jours.
“J’étais
tellement en colère lorsque j’ai vu le ministre à la télévision, pour parler de
la listériose. Cela existe depuis des années”, accuse Natalie Lewis, la fille
de Sandra. “Si l’hôpital avait envoyé des inspecteurs, ils auraient pu faire
des tests. Ils auraient pu empêcher 180 personnes de mourir. […] Ils
auraient trouvé ces saucisses contaminées dans cette maison. Ou des traces de
listériose dans le frigo.”
La
question des responsabilités
Le gouvernement
sud-africain a rapidement dénoncé le manque de coopération des industriels pour
expliquer les difficultés à identifier la source de la listériose. Mais la
chaîne de responsabilités est complexe selon la professeure Lise Korsten, interrogée
par le site The Conversation Africa.
Celle-ci
évoque “la faiblesse de la chaîne de production alimentaire” dans le pays. “La
loi qui encadre la sécurité alimentaire est périmée […], y compris quand il y a
un problème. […] En plus, il y a un vrai manque de régulateurs, d’inspecteurs,
de personnel laborantin et de scientifiques” dans le pays. La chercheuse estime
dans cette interview que “le gouvernement sud-africain devrait enfin se doter
d’une autorité sanitaire nationale” et améliorer sa législation sur
la question.